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27-11-2014
Mots clés
Alimentation
France

Ma semaine pour concocter un repas de Noël locavore à Paris

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Ma semaine pour concocter un repas de Noël locavore à Paris
(Crédit photo : martin gabriels)
 
Ma mission, et je l’ai acceptée : cuisiner un menu de fêtes avec 150 euros pour quatre personnes et des produits piochés dans un rayon de 200 km autour de Paris. Le tout en une semaine.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« T’as vraiment le meilleur job du monde. » L’entrée est en train de cuire. Le cidre est débouché et une odeur d’oignons embaume la pièce. Mes invités débarquent longtemps après la bataille. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’on m’a demandé d’organiser un repas de Noël en novembre. A eux d’en deviner le thème. Pour moi, c’est terminé, je ne fais plus rien. Car ma semaine a été longue.


- Lundi

Entre Marco Polo et moi, c’est du sérieux. Voilà, j’ai fait mon coming out culinaire. Les locavores disent qu’ils font des « exceptions Marco Polo » quand ils achètent du chocolat, du café. Tout ce qui vient de loin. Chez moi, les exceptions dominent. J’achète mes produits frais au marché parce que c’est fun et pas cher, mais leur origine m’importe peu. Le reste de mes emplettes, je le fais dans les supermarchés, et depuis que j’ai vécu en Inde je suis incapable de cuisiner sans épices. Bref, je suis globavore. Face à ce repas, je suis donc en tongs au pied d’une montagne. J’ai grandi en Bretagne et fêté Noël avec des langoustines, du saumon, et du homard les grandes années. Réveillonner en Ile-de-France ne m’évoque rien. A défaut de mamie parisienne, j’atterris à la bibliothèque, rayon cuisines régionales. Les meilleures recettes des terroirs (Glénat, 2010), préface de Paul Bocuse, onglet Paris : hachis parmentier, soupe à l’oignon, pot-au-feu… Merci Paul, mais je tiens à garder mes amis. J’embarque le Guide du locavore (1), Paris locavore (2) – sorte de Routard du manger local – et rentre délimiter mon périmètre d’achats. Je trace un cercle autour de Paris sur une carte. C’est long 200 km ! Mon feutre frôle Lille et se jette dans la mer au niveau du Havre (Seine-Maritime). Je me couche confiante.


- Mardi

A quoi bon chercher des produits puisque dimanche ils ne seront plus frais ? Pour m’avancer, je file chez le caviste. « Vous trouverez du vin de Montmartre dans les quartiers touristiques, mais je ne le conseillerais pas à mon pire ennemi. J’ai des bières brassées à Paris, c’est bien non ? » Oui, pour une soirée foot. Et puis le houblon, et le malt, ils viennent d’où ? Je tente ma chance ailleurs. Un, deux, trois cavistes. Rien. Je finis par appeler Patrice Bersac, président de l’Association des vignerons franciliens réunis. « Il y a 150 vignes en Ile-de-France mais leur vin n’est pas commercialisé. Le seul en vente, c’est celui de Suresnes. C’est un blanc-sec-pas-mauvais-du-tout. Mais il faut aller le chercher ! » Allons-y ! C’est bien la première fois que je fais trente minutes de train pour acheter une bouteille (10 euros). Le soir, je jette un œil au site de La Ruche qui dit oui, où des citoyens passent directement commande auprès de producteurs. Mauvaise surprise, sur la trentaine de ruches de la capitale, beaucoup ne livrent pas cette semaine. On peut fréquenter trois ruches, pas plus. Je m’inscris, me désinscris… et imagine les responsables recevoir mes notifications « Claire LN a rejoint votre ruche », « Claire LN a quitté votre ruche », « Claire LN a re-rejoint votre ruche », « Claire LN craque ». Je finis par en trouver deux avec des distributions prévues samedi.


- Mercredi

J’ouvre un œil et pense à mes ruches. Qu’ont-elles à proposer ? Des légumes, quelques volailles et… miracle, des écrevisses du domaine aquacole de Fréchencourt, dans la Somme, à 123 km de Paris. J’appelle le producteur : « Prévoyez-en six par personne. » Va pour cinq lots alors. Bim, 40 euros. Je flashe sur du safran de Chézy-sur-Marne (Aisne) à 9 euros les 10 grammes. Je tiens mon plat ! Ajoutez-y un kilo de radis mélangés (2,30 euros), une botte de persil à 1,40 euro, 100 g de physalis (4,95 euros), 250 g d’échalotes (2,20 euros), deux bouteilles de cidre fermier (4 euros chacune), une d’huile de colza (5 euros) et du beurre (3,70 euros). On peut aussi commander du fromage à en faire une crise de foie mais j’ai besoin de goûter. Acheter du chèvre sur Internet, c’est comme se faire couper les cheveux par un coiffeur aux yeux bandés. Je saute dans mes bottes, embarque mon guide locavore et file.

Dans le métro j’élabore mon menu. Verrines d’asperges, figues farcies, cassolettes d’écrevisses au safran, pain d’épices et poires pochées. En face, je note les ingrédients dont j’ai besoin. Farine, lait, crème… Je commence par le supermarché. Echec : seuls les pays d’origine sont mentionnés. Direction les magasins bios conseillés dans le guide. Je vous raconte ma descente aux enfers ? J’ai fait six boutiques dans six arrondissements, pris huit fois le métro – parce qu’en plus je me suis perdue – et voilà ma trouvaille : douze œufs des Yvelines (5,86 euros) et des poires du Val-de-Marne (2,96 euros). Rien d’autre ! Les farines n’avaient pas d’indication géographique, le lait et la crème venaient de Normandie, et la plupart des fruits et légumes avaient voyagé depuis le Sud de la France ou l’étranger. Tu préfères… manger des bananes bios du Costa Rica ou des pommes bourrées de pesticides du Val-d’Oise ? J’ai faim, j’ai mal aux pieds et j’ai envie de désinviter mes amis. Ou de faire la morte quand ils sonneront.


- Jeudi

Aujourd’hui c’est jour de marché dans mon quartier. Les vendeurs changent chaque semaine mais avec eux, je suis toujours « LA plus belle ». C’est une technique de vente comme une autre. Pas la plus fine mais elle me fait rire. Quand je demande des produits de 200 km à la ronde, certains rétorquent qu’ils n’ont rien, pour éviter les prises de tête. Ils me regardent comme si j’étais allergique à l’arachide, intolérante au gluten, végétalienne et adepte de Weight Watchers. La poissonnière se décarcasse pour m’aider mais ses produits viennent d’Ecosse ou de Bretagne. Je termine par mon étal habituel. Ici, tout vient de Rungis. Mais comme j’insiste, le vendeur cherche, jusqu’à trouver l’unique produit local : une batavia. Je n’en avais pas besoin mais j’achète (1 euro) et rentre avec elle et deux demandes en mariage. L’après-midi, je trouve de la farine de Métigny, dans la Somme (1,70 euro), et 300 g de brie de Meaux (5,25 euros). Bilan du jour : trois ingrédients. Manger local signifie-t-il poser une semaine de congés dès qu’on organise un dîner ?


- Vendredi

J’attaque ma journée par le marché de place des Fêtes, dans le XIXe arrondissement. « Pour trouver un producteur, cherche un vendeur qui a des cagettes en plastique, m’a dit une amie. Si ses mains sont pleines de terre et que ses légumes sont tordus, c’est gagné ! » Certains, comme Patrick Messant, venu de Seine-et-Marne, posent une pancarte pour revendiquer leur statut de maraîcher. Chez lui, on ne tripote pas les légumes. Il sert. Et moi, je le dévalise. Du potiron, des panais, des betteraves, des figues, de la roquette, de l’ail, du thym, des carottes et les dernières tomates de la saison. 28 euros en tout. Pas d’asperges. Bye-bye verrines ! Premier changement de menu. A quelques mètres je trouve des champignons (3 euros) et du miel de Paris (9 euros les 500 gr). Je suis heureuse. Puis je reçois un mail annonçant que mon safran ne sera pas livré samedi. Dépression.

Une boutique de produits exotiques me fait de l’œil. Si j’achète des épices, qui le saura ? Ma morale me rattrape. Deuxième changement de menu. Je ferai revenir mes écrevisses au vin blanc. L’après-midi, je pousse jusqu’au potager du roi, à Versailles (Yvelines). L’Ecole nationale supérieure du paysage y vend les productions des élèves. Circuit ultra-court ! On m’a dit qu’ils avaient des fleurs comestibles. Mais quand j’ouvre la porte, c’est plutôt ambiance réunion du syndicat des courges. Pas une fleur. Foutue saison… Troisième changement de menu. La vendeuse me sauve. « Prenez les pommes d’or. Faites les cuire quinze minutes au four et farcissez-les. C’est top ! » Leur forme m’amuse. 3,44 euros pour six courges. Je n’ai plus qu’à rentrer. Note pour plus tard : quand on est locavore et qu’on fait des heures de transport pour se nourrir, il faut investir dans un chariot de mémé, même si c’est moche.


- Samedi

Ce matin les ruches livrent. J’ai le secret espoir que la productrice de safran pointe le bout de son nez. Mais non. Je repars avec mes écrevisses (vivantes), mon cidre, mon jus de pomme et mes légumes. Sur place, je demande conseil pour trouver du pain car mon boulanger n’achète pas de farine francilienne. « Allez à l’Autre Boulange, dans le XIe ! » J’y achète deux boules au levain naturel, 100 % Ile-de-France (7,60 euros). Ne manquent plus que la crème et le lait. Sur Internet, j’ai trouvé des fermes dans la région, mais aucune ne vend à Paris. Je me rabats sur un hypermarché, de l’autre côté du périphérique. Il y a du lait de vache du Pas-de-Calais. Pas forcément dans mon périmètre, pas forcément en dehors non plus. J’achète (0,87 euro). Quitte à faire une entorse à la règle, j’opte aussi pour de la crème d’Isigny-sur-Mer, dans le Calvados, à 301 km de Paris (2,52 euros) et termine par mes exceptions Marco Polo : du sel de Guérande, du poivre du Vietnam et de la cannelle indienne. Budget total : 159 euros.


- Dimanche

J’ai mal dormi. Les écrevisses ont gigoté dans l’évier toute la nuit. Je suis une Bretonne en carton. Ces bestioles me font peur. Le pire, c’est qu’il faut les châtrer. Comprenez : arracher une partie de la queue pour leur retirer les boyaux. Evidemment la manipulation se fait sur écrevisses vivantes. Mon cher et tendre botte en touche. Plus je les regarde, plus elles ressemblent à des mygales. Je prends sur moi. C’est long, ce qui me laisse le temps de refaire mon menu…

De 9 h à 19 h, je n’ai pas quitté mon tablier. J’ai galéré sur mes pâtes, mis de la farine partout, fait sécher mes tagliatelles sur le tabouret et cassé un œuf sur le carrelage. Râper, cuire, faire la vaisselle, mixer, paniquer, se brûler, transformer son pain d’épices trop cuit en mousse… 19h30. Je suis lessivée quand j’accueille Cécile et Victor, un couple de trentenaires, et Valentin, leur fiston de 3 ans. Ils ne sont pas écolos mais ils aiment la bonne bouffe. Dès l’apéritif, ils ont deviné le thème. Il faut dire que j’ai poliment mis de côté leur crémant d’Alsace et imposé le cidre fermier.

En mangeant, je pense aux producteurs que j’ai croisés. Mes plats gagnent en saveur. Pas suffisamment pour retraverser la ville à la recherche de farine ou de lait, mais je crois que pour des légumes de maraîcher, je suis prête à renoncer à ma demande en mariage hebdomadaire. Victor aussi est séduit. Trois jours plus tard, il m’envoie ce texto : « Top ce repas. Grâce à toi je me suis inscrit dans trois ruches ! » J’ai liquidé les restes mais, vous l’aurez deviné, j’ai rouvert la boîte à épices. Purée de panais au curry, vous connaissez ? — 

(1) Guide du locavore,d’Anne-Sophie Novel (Eyrolles,2010)

(2) Paris locavore, de Sophie Lemp (Parigramme, 2013)


Le menu

Chips de légumes et bouchées de figues au brie,

Radis confits et pommes d’or farcies aux champignons, échalotes et fromage,

Ecrevisses à l’américaine, pâtes maison et tagliatelles de légumes,

Pain d’épices aux poires et physalis.

Lire ici le menu détaillé de Claire

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