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29-01-2009

Lorient, l’eldorado des économies d’eau

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La ville du Morbihan sait la valeur de l’or bleu. Pour preuve, elle est parvenue à diviser par quatre sa consommation d’eau depuis le début des années 1980. Retour sur une politique avant-gardiste qui n’en perd pas une goutte.
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Selon vous, les enfants, quelle quantité d’eau est évacuée quand on tire la chasse d’eau : 1 litre, 3 litres, 9 litres ou 15 litres ? » L’équipe bleue ne sait plus sur quelle case poser son château d’eau. Encore une colle signée Robinetto, le petit bonhomme à tête de robinet du jeu Gaspido. L’enjeu est de taille pour cette classe de CE1 de l’école Kersabiec, à Lorient. En cas d’erreur, l’équipe perdra une dose d’eau. Or le but est d’en accumuler ou d’éviter d’en perdre inutilement.

« Pensez en bouteilles d’eau », leur souffle Céline Robert, l’animatrice de l’association Eau et Rivières de Bretagne. « 3 litres », s’exclame Victor [1]. Perdu, il fallait répondre 9. « C’est beaucoup, souligne la jeune femme aux écoliers. C’est donc pour faire des économies d’eau que des poussoirs à double bouton ont été installés dans les toilettes de l’école. Quand vous poussez le petit bouton, 3 litres sont déversés, et 6 litres avec le grand. » ça fait une grosse différence. Une personne utilise ses sanitaires en moyenne cinq fois par jour. Avec une chasse d’eau classique, elle liquide donc 30 litres d’eau potable contre 15 litres « seulement » avec des toilettes économes.

Nitrates et pesticides

Eau et Rivières de Bretagne a créé Gaspido il y a dix ans. Ce jeu de l’oie version plomberie lui permet d’éduquer de façon ludique les enfants à la préservation de l’eau. Et l’association intervient dans les écoles primaires et collèges de Lorient depuis une convention signée avec la Ville en 1995. C’est en effet à cette date que la cité a adopté une politique volontariste d’économies de l’or bleu. Lorient est une ville de taille moyenne du Sud-Ouest breton. Hormis son festival celtique de renommée mondiale, pas de signe distinctif particulier. Ou plutôt si. Cette cité portuaire est avant-gardiste en termes de gestion de l’eau. La mairie a créé une cellule Environnement-Energie dès le début des années 1980.

A l’époque, l’écologie ne passionne pourtant pas les édiles français. Première mission de l’ingénieur recruté pour la circonstance : limiter les gaspillages. Car la Bretagne manque de flotte. L’eau souterraine est fortement polluée par les nitrates et les pesticides, et celle de surface est rare. Face à ce constat, deux options : aller chercher l’eau plus loin ou économiser la ressource disponible. Lorient opte pour la seconde.

En 1995, la municipalité adhère à l’opération régionale « Villes pilotes économies d’eau » avec six autres communes bretonnes. L’objectif consiste à réduire de 40 % à 50 % les consommations d’eau. Pari gagné en 2005. La part de la consommation des équipements communaux (parcs et jardins, équipements sportifs, bâti communal, écoles) a chuté de moitié sur cette période [2] Bilan : depuis les premières initiatives du début des années 1980, la consommation d’eau de la ville a été divisée par quatre. Dans le même laps de temps, le parc municipal a lui doublé.

L’obsession de la fuite

Ces performances font des envieux. Car l’eau est chère [3] Et ces économies de liquide se sont traduites par un allégement de la facture de plus de 120 000 euros par an en moyenne. Mais comment ont-ils fait ? Le secret tient en deux mots : prévention et guérison. Ils se traduisent sur le terrain par la modernisation des installations, ainsi que par l’éducation et l’information.

Primo, la cellule Environnement-Energie scrute à la loupe les factures municipales des vingt dernières années. Car il faut pouvoir comparer les périodes et les sites entre eux. « Ce fut une des étapes les plus importantes, explique Jean-Paul Aucher, l’adjoint au maire en charge de l’environnement et de l’assainissement. Cette rigueur administrative nous a permis de repérer les problèmes de consommation. » Au même moment, la ville inaugure un nouveau métier en créant quatre postes d’« économes de flux ». Leur mission : analyser les installations, proposer des solutions et suivre les chantiers. Régulièrement, la nuit, lorsque les habitants laissent roupiller les robinets, le personnel du service de l’eau arpente la ville armé de stéthoscopes. Les techniciens écoutent les tuyaux pour repérer les fuites. Et dans les bâtiments publics, on sort la grande armada : atténuateurs de pression, mélangeurs ou chasses d’eau à double commande.

80 % de convertis

Deuzio, il faut inciter les particuliers à faire la même chose chez eux. La ville organise donc une vaste campagne d’information du grand public. Un ancien Bibliobus a été reconverti en Inf ’EAU Bus. Le véhicule change de quartier toutes les trois semaines et accueille le public tous les après-midi. A l’intérieur, des installations permettent de comprendre le circuit de l’eau, et les fiches pratiques ne manquent pas sur les prix, les fournisseurs, la facturation, la qualité de l’eau et l’intérêt financier et écologique d’améliorer ses installations. « Un robinet qui fuit en goutte à goutte ? 3 à 4 litres d’eau par heure, soit 87 euros par an. Une fuite dans les WC ? 7 à 14 litres par heure, soit 175 à 350 euros par an. » Devant cette avalanche de chiffres convaincants, une seule envie : foncer chez une enseigne de bricolage. Selon les grossistes locaux, près de 80 % de leur clientèle est demandeuse de matériel économe, souvent après avoir été sensibilisée par le bus.

« L’Inf ’EAU Bus a tourné dans l’agglomération pendant au moins cinq ans. Beaucoup de communes se sont ensuite inspirées de cette expérience », parade Jean-Paul Aucher. L’homme se fait un plaisir de conduire les visiteurs sur le parvis du Grand Théâtre, juste en face de la mairie. Une drôle de rosace y couvre le sol. « Aujourd’hui, elle ne fonctionne pas parce qu’il fait trop froid, mais voici la fontaine que nous avons inaugurée en 2000 », indique-t-il. L’adjoint pose fièrement devant ce symbole de la réussite de la politique lorientaise de l’eau. « Elle est composée de 8 murs d’eau, 500 jets dont la hauteur fluctue en fonction de la force et de la direction du vent. C’est grâce aux économies que nous avons réalisées que nous avons érigé cette oeuvre. Cela permet de voir le résultat. » Une fontaine comme symbole des économies d’eau, ce n’est pas pousser le bouchon un peu trop loin ? Pas de panique. « Elle fonctionne en circuit fermé, donc l’eau n’est pas gaspillée », rassure-t-il.


Fiche d’identité

Département : Morbihan (56).

Population : 60 286 habitants (Insee, recensement 2006).

Maire : Norbert Métairie (PS) qui assure son 3e mandat.

Usines de traitement : elles sont gérées par la Compagnie des Eaux et de l’Ozone (groupe Veolia) et alimentées à partir des rivières du Scorff et du Blavet.

Production : 6 millionsde m3 par an pour les communes de Lorient et de Lanester.

Distribution : elle est assurée par le service des eaux de Cap l’Orient, la communauté d’agglomération du pays de Lorient.


La France reste à flot

Un Français utilise 130 à 150 litres d’eau par jour, bien moins qu’un Américain qui liquide 400 à 600 litres quotidiennement selon les Etats. « Depuis une dizaine d’années, la moyenne française a baissé de 10 à 15 litres », indique Jean-François Donzier, directeur général de l’Office international de l’eau. Cette tendance à la baisse s’explique, selon lui, « par l’amélioration technologique de l’électroménager et des équipements de la maison ». Mais les Français regarderaient aussi plus attentivement leurs factures. Un changement de comportement lié aux nouvelles lois sur l’eau, qui poussent à installer des compteurs individuels dans les immeubles.

Quant aux municipalités, combien sont-elles à suivre l’exemple de Lorient ? « Une petite majorité des villes françaises a entamé, depuis cinq ou six ans, des campagnes systématiques de recherche de fuites », répond l’expert. L’objectif serait de plafonner nos pertes à 10 % à 12 % contre une moyenne de 18 % à 20 % aujourd’hui. Les initiatives sont partagées entre les distributeurs d’eau, les collectivités et les associations. La sensibilisation a, elle aussi, fortement progressé, en particulier dans les écoles. Les « classes d’eau » se sont multipliées en France. « Les gamins y apprennent les gestes simples du quotidien : fermer le robinet lorsqu’on se brosse les dents, prendre des douches plutôt que des bains, raconte Jean-François Donzier. Et souvent, ce sont eux qui éduquent ensuite les parents. »

[1] Les prénoms ont été modifiés.

[2] De 151 500 m3 annuels à 72 800..

[3] Le prix moyen de l’eau en France est de 3 euros le m3..

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