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28-02-2008
Mots clés
Marques, Marketing
Santé
France

Liste de courses sur ordonnance

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Ce ne sont pas des supérettes. Pourtant, les pharmacies goûtent peu à peu aux ficelles commerciales à travers le boom de l’automédication et des génériques.
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Une pharmacie est un univers que l’on visite rarement l’esprit totalement clair, le plus souvent embrumé par la fièvre ou un mal quelconque. Dans l’officine de Jean-Luc Audhoui, trésorier de l’ordre des pharmaciens, à Versailles (Yvelines), « 80 % du chiffre d’affaires repose sur les médicaments prescrits sur ordonnance ». Davantage que la force marketing de ses rayonnages, la fièvre acheteuse ou le vilain virus, c’est le docteur, carnet d’ordonnances en main, qui détermine les achats du client. Les laboratoires pharmaceutiques l’ont bien compris : pour promouvoir leurs produits auprès des médecins, ils lâchent 2 milliards d’euros par an aux visiteurs médicaux  [1], ou « VM » dans le jargon du métier.

Qu’il vente ou qu’il neige, une armée de 20 000 VM sillonne la France. Des porte-étendards qui représentent 20 % des effectifs de l’industrie pharmaceutique et auxquels les laboratoires consacrent les trois quarts de leurs dépenses de « promotion produit ». Claude Tran Thiet, ancien visiteur médical, est aujourd’hui à la tête d’Im agence, cabinet de conseil santé : « L’objectif d’un VM est bien sûr d’encourager le médecin à prescrire davantage son produit plutôt qu’un autre. Mais on se retrouve face à une personne qui a assez étudié pour déjouer les plans grossiers. Le médecin nous reçoit pour aider ses patients à se sentir mieux, pas parce qu’il est intéressé sur les ventes du labo ! » Halte aux idées reçues : « A une certaine époque, les médecins étaient friands des produits de papeterie avec nos logos. Ils équipaient leurs enfants pour la rentrée… Depuis 1993 et la loi anticadeaux, depuis la charte éthique de 2004, c’est terminé. »

Autant le savoir, un visiteur médical est rémunéré, en partie, en fonction du nombre de boîtes de médicaments vendues sur son secteur. « De la fabrication au patient en passant par le pharmacien, le numéro qui figure sur la boîte permet aux intervenants de garder une traçabilité parfaite du produit. C’est indispensable en cas de rappel d’un lot. Cette traçabilité, essentielle sur le plan de la pharmacovigilance, s’avère aussi très pratique pour les labos qui souhaitent chiffrer l’efficacité des équipes commerciales », témoigne sous couvert de l’anonymat un VM. Les malades qui sortent d’une consultation se dirigent en effet 9 fois sur 10 vers la pharmacie la plus proche du cabinet. Il est dès lors facile de lister les médecins qui ont le mieux digéré l’argumentaire commercial.

Comme l’épicier, le pharmacien n’hésite pas à entourer sa caisse de produits attractifs afin de dynamiser ses ventes : sucette sans sucre, brosse à dents durable, vitamine C en promo… On en oublierait presque la particularité du lieu, le seul autorisé au commerce des médicaments. Et sur ce marché, on ne badine pas avec la législation. Il existe deux catégories de médicaments : ceux qui sont délivrés sur ordonnance (les médicaments dits « éthiques ») et les autres, destinés à l’automédication. La publicité est rigoureusement interdite pour les premiers, remboursés par la collectivité et donc rangés hors de portée des consommateurs. Pas d’opération promotionnelle du type « un corticoïde acheté, un offert ». Si le marché du médicament est libre et concurrentiel, avec interdiction de s’aligner sur le prix du voisin, c’est à l’exception des médicaments prescrits sur ordonnance dont le prix est, lui, fixé par l’Etat.

La guerre des comptoirs

L’arrivée des génériques a mis un peu de désordre dans les murs et encouragé la guerre des prix [2]. Le Comité économique des produits de santé (Ceps) fixe le rabais légal autorisé entre un générique et sa spécialité de référence dans une fourchette allant de « moins 30 % à moins 40 % ». Et quand un pharmacien commercialise un générique, il conserve le droit de calculer sa marge sur le prix du médicament de référence, qui se trouve être le plus onéreux des deux. Pour vendre au mieux leurs produits, les laboratoires historiques doivent donc désormais faire preuve d’imagination. L’une des astuces consiste à rejoindre le clan des médicaments d’automédication pour lesquels la publicité grand public est autorisée et le prix libre. Sans attendre le déremboursement ou l’arrivée de génériques, certains labos passent ainsi d’eux-mêmes en « OTC » pour « over the counter », soit « de l’autre côté du comptoir ».

Dès 1999, Sanofi Aventis avait provoqué lui-même le déremboursement du Maalox, son produit phare antiballonnement délivré sur ordonnance. Désormais en vente libre, le médicament n’a pas changé sa formule chimique et sa petite mascotte souriante en forme d’estomac passe même à la télé. En 2007, l’automédication a représenté 6,1 % du chiffre d’affaires du marché total du médicament. Une précision : l’Afssaps, l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, veille à la fois sur les argumentaires destinés au grand public et sur ceux relayés par les visiteurs médicaux aux médecins.

Un packaging trompeur

Pour le Leem, regroupement des industriels français du médicament [3], les campagnes d’informations ne sont pas des campagnes promotionnelles déguisées.

D’ailleurs, le contrôle permanent des autorités de santé « devrait au moins rassurer sur le fait que les industriels du médicament cherchent moins à vendre des médicaments qu’à bâtir une société qui se soigne mieux ». Le sérieux est une recette marketing bien connu. La preuve ? « Des labos qui ne disposent que d’un seul produit classé en médicament sont tentés d’adopter le même packaging pour tout le reste de la gamme. Seul le code indiqué sous la boîte permet de les différencier !, signale notre pharmacien. A côté de cela, des fabricants de produits de soin, n’ayant rien à voir avec le médicament, cherchent à être distribués chez nous le temps de se construire une image respectable.  » On appelle cela l’effet blouse blanche. —


Fièvre commerciale aux Etats-Unis Les laboratoires américains ne regardent pas à la dépense. Selon l’estimation de deux chercheurs canadiens indépendants, Marc-André Gagnon et Joel Lexchin, leur budget marketing aurait atteint 57,5 milliards de dollars en 2004. Soit deux fois plus que les 29,6 milliards consacrés à la recherche et au développement dans la même année ! Ce trésor a été « investi » en visites médicales, en échantillons gratuits, en publicité dans la presse ou en colloques. Mais l’addition aurait pu se révéler plus lourde si les auteurs avaient aussi comptabilisé les pseudo-publications scientifiques utilisées à des fins promotionnelles.

[1] Rapport de l’Inspection générale des affaires sanitaires, septembre 2007.

[2] Le décret de substitution date de 1999.

[3] Les entreprises du médicament (Leem) représentent 98,7 % de l’activité du médicament en France

Sources de cet article

- Le circuit du médicament (réglementation et économie)

- L’ordre des pharmaciens

- Sur les dépenses liées à l’information des médecins généralistes (Igas, septembre 2007)

- L’Agence française de sécurité sanitaires des produits de santé (Afssaps)

- La revue indépendante Prescrire

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