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26-06-2013
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France

Pourquoi Monsanto a décroché un « Nobel de l’alimentation »

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Pourquoi Monsanto a décroché un « Nobel de l'alimentation »
(Crédit photo : DR)
 
Cerveaux de Monsanto et Syngenta ou spécialiste des biotechnologies, trois défenseurs des OGM ont reçu le Prix mondial de l'alimentation pour leur contribution à nourrir une population grandissante. Un choix contesté.
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Consécration pour les partisans des OGM : l’une des têtes pensantes de Monsanto, Robert T. Fraley, a reçu le 17 juin dernier, le World Food Prize (Prix mondial de l’alimentation) 2013. Ce prix, décerné par la fondation éponyme, récompense « les individus qui contribuent à améliorer la qualité, la quantité et la disponibilité de nourriture présente dans le monde ». Le vice-président du semencier américain partagera donc la coquette somme de 250 000 dollars (191 000 euros) avec deux autres figures historiques de la recherche sur les semences transgéniques : le spécialiste belge des biotechnologies Marc Van Montagu, et la chercheuse et membre fondatrice de Syngenta, Mary-Dell Chilton, également lauréats.

Pour l’image plus que pour l’enveloppe, les trois chercheurs ont de quoi se réjouir. Bien qu’il soit délivré par une simple fondation, le World Food Prize, auto-surnommé « prix Nobel de l’alimentation et de l’agriculture » a fini par s’imposer comme tel. Si bien qu’aujourd’hui, le New York Times parle d’ « Oscar de l’agriculture » et le trophée est remis en grande pompe dans l’enceinte du Département d’Etat américain, l’équivalent de notre ministère des Affaires étrangères, par le secrétaire d’Etat lui-même.

Le symbole est fort. Et derrière le choix de trois blockbusters, le message est explicite : grâce à la matière grise de l’industrie agroalimentaire, les avancées sur les biotechnologies vont contribuer à « nourrir une population mondiale grandissante », se réjouit la fondation.

Les champs OGM ne sont pas plus productifs

Le postulat fait pourtant grincer quelques dents. Chez les écologistes, mais pas seulement. Une étude publiée le 14 juin par les chercheurs de l’université néo-zélandaise de Canterbury indique qu’à latitude et conditions climatiques égales, les champs OGM ne sont pas plus productifs que les autres. « Ces plantes sont programmées pour résister aux herbicides et contenir des insecticides, pas pour donner des récoltes plus abondantes », rappelle Jack Heinemann, qui a dirigé ces recherches. « Or, avec ou sans modifications génétiques, on utilise des insecticides », renchérit le biologiste Jacques Testart, père scientifique du premier « bébé éprouvette » aujourd’hui spécialisé sur la question des OGM. « Le fait que ces produits soient directement présents dans la plante peut, à la limite, faciliter la tâche des agriculteurs mais ne change rien à la taille des récoltes », poursuit l’auteur de l’ouvrage A qui profitent les OGM ? (CNRS éditions, 2013) paru en janvier.

Difficile donc de miser sur les plantes génétiquement modifiées pour nourrir la planète lorsque 98% d’entre elles ne sont pas programmées pour produire plus. Pour les 2% restants, l’industrie tâtonne. « La tomate OGM qui grossit plus vite existe, reconnaît Jacques Testart, mais elle est plus gourmande en intrants (eau et engrais) ».

Résistants aux sécheresses, inondations et à la salinisation ?

Pour Louis-Marie Houdebine, directeur honoraire à l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), les détracteurs des OGM ont tort de se focaliser sur la productivité. « Plutôt que rendre les plantes plus généreuses, les OGM peuvent améliorer leur résistance », corrige le chercheur également cofondateur d’une start-up de biomédicaments. Ouvertement favorable aux OGM, il cite l’exemple du manioc transgénique capable de résister à deux virus ou encore la nouvelle génération de maïs Monsanto conçue pour faire face aux sécheresses. « Ces plantes sortiront indemnes des aléas climatiques qui déciment les récoltes traditionnelles », s’enthousiasme-t-il. « On ne va pas éradiquer la faim dans le monde avec une seule technique mais pour relever ce défi, les OGM ont un rôle à jouer » conclut-t-il. La fondation World Food Prize va plus loin et présente les modifications du génome comme une réponse à « la multiplication des aléas climatiques ».

Un optimisme qui laisse les chercheurs néozélandais sceptiques. « Des centaines d’expériences en plein champ ont été menées sur des plantes génétiquement modifiées pour tolérer la sécheresse, les sols salés et les inondations » affirme Jack Heinemann. « Aucune n’a été concluante. » Pour Jacques Testart, l’ambition de cultiver des plantes génétiquement modifiées sur des terres actuellement stériles « est aussi réaliste que la BD Tintin dans laquelle le professeur Tournesol veut faire pousser des oranges bleues en plein désert ». Pire, pour le biologiste, les OGM sont contreproductifs. « Au lieu de faire gagner des surfaces cultivables, ces semences rendent des terres inexploitables. » Aux Etats-Unis, l’utilisation massive d’OGM a en effet rendu des plantes invasives résistantes. Ainsi, huit millions d’hectares ont été infestés par l’amarante sans que les herbicides ne puissent plus en venir à bout.

Les OGM nourrissent les réservoirs d’essence et le bétail

Autre accroc au satisfecit du World Food Prize : aujourd’hui les OGM ne nourrissent pas les hommes, ou très peu. « Ils fournissent surtout des aliments pour le bétail et du carburant, mais pas de nourriture », souligne Eric Holt Gimenez, le directeur de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires dans une tribune publiée par le Huffington Post. Jacques Testart évalue à moins de 5% la quantité de plantes OGM directement consommées par les humains. « On ne mange pas du coton, concède Louis-Marie Houdebine mais l’utilisation de semences OGM rapportera aux agriculteurs du Sud un revenu qui leur permettra de s’alimenter. »

La sous-nutrition serait donc plus un problème de pauvreté que de productivité ? Cette position largement développée par l’ancien rapporteur spécial des Nations unies pour le droit a l’alimentation, Jean Ziegler est reprise par son successeur. A l’automne prochain, Olivier de Schutter devrait publier un rapport décortiquant les liens entre utilisation des biotechnologies et sécurité alimentaire. Ses conclusions sont prévisibles, ce partisan de l’agroécologie ayant déjà affirmé « ne pas attendre de miracle des OGM ». Ce miracle, nous pourrions même ne pas en avoir besoin. De nombreux agronomes estiment, à l’image de Jacques Caplat, qu’il est possible de nourrir 10 milliards d’humains sans OGM ni même recours à l’industrie agroalimentaire.

« Qui donne ce prix ? »

Pour Jacques Testart, ces prises de position sont le signe que l’opposition aux OGM évolue. « Au début on craignait leur dangerosité, aujourd’hui on s’interroge aussi sur leur utilité », observe le chercheur français. Pour lui, malgré les controverses, le choix du World Food Prize n’a rien de surprenant. « Il faut regarder qui distribue ce prix » glisse-t-il énigmatique. Peine perdue, les membres du comité de sélection gardent l’anonymat. Reste à scruter le financement. Selon le bimensuel américain d’investigation Mother Jones, 28% des fonds récoltés par la fondation entre 2009 et 2011 proviennent de l’agrobusiness. Et le plus gros contributeur reste l’Iowa, un état réputé pour ses positions pro-OGM. Les généreux donateurs influencent-ils les choix des lauréats ? Rien n’est prouvé. Mais la revue remarque que « depuis quelques année la plupart des vainqueurs travaillent dans les mêmes structures agro-industrielles que celles qui financent les partenaires du prix ».
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