« Jamais sans mon téléphone ! » Tel est le cri de guerre des urbains ubiquistes de notre génération. En sortant de chez toi, tu as déjà vérifié cinq fois qu’il était dans ta poche ; dans les transports, tu as craqué à la première vibration ; dès que tu ne sais pas un truc, tu le sollicites. Mon petit scarabée, tu es devenu « nomophobe », un accro au smartphone, un junkie du clavier, un phobique de l’absence de portable.
C’est la dernière addiction à la mode, identifiée par David Greenfield, un prof de psychiatrie de l’école de médecine du Connecticut (Etats-Unis), et appelée « No mobile phone phobia » (d’où la formation du mot « nomophobe »). Avec plus de 5 milliards d’humains en possession d’un tel engin, la trouille d’en être privé peut ravager un paquet de victimes. Mais il y a téléphone et téléphone intelligent. C’est de ce dernier dont on parle, celui qui a conquis 39 % des Français mais surtout 75 % des 18-24 ans ! La nomophobie se traduit par un besoin irrépressible de vérifier que quelqu’un nous a contactés, envoyé un message ou mentionnés dans un tweet. Il arrive même aux pires malades d’entendre des sonneries fantômes. Autre symptôme, le sentiment de panique et/ou tristesse qui surgit lorsque l’appendice communicationnel fait défaut. Sans smartphone, l’accro se demande comment faire part de son enthousiasme vis-à-vis d’un paysage, d’un gâteau d’anniversaire ou d’une scène cocasse dans la rue ?
Vioque des réseaux sociaux
Personnellement, j’ai envie de répondre : comme avant, mes petits scarabées, en jouissant du moment présent avec ceux qui sont présents. Facile à dire pour une vioque des réseaux sociaux qui n’est ni née dedans, ni perfusée à eux. Ne tortillons pas du chargeur et regardons de quoi il retourne : aux Etats-Unis, 63 % de ceux qui possèdent un smartphone sont incapables de passer une heure sans le consulter. Un sur dix ne résiste même pas plus de dix minutes. En 2013, les Français étaient 22 % à avouer ne pas pouvoir tenir plus d’une journée sans téléphone ou trois jours sans Internet. Les deux tiers dorment avec, et 15 % d’entre eux ont écourté un coït pour badiner avec. Honte à vous. L’addiction aux écrans serait équivalente à celle de l’alcool, du cannabis ou de l’héroïne. La défonce en moins.
Pour apprendre à se déconnecter, on commence par petites touches. Comme l’alcoolique qui ne conservera pas de bouteille chez lui, la méthode la plus efficace consiste à éloigner son téléphone. Telle la bouteille qui « appelle » le buveur, le téléphone n’a de cesse de se rappeler à son propriétaire. Il suffit alors de le reconfigurer pour qu’il la mette en veilleuse : en supprimant les notifications, les applications chronophages, mais aussi en le mettant en mode avion quelques heures par jour.
Court-circuit avec nos synapses
Le soir, penser à l’éteindre et/ou le recharger dans une autre pièce que la chambre. En famille, pourquoi ne pas inventer un cérémonial thérapeutique en demandant à chaque membre connecté de verser son appendice électronique dans une boîte conçue à cet effet durant le repas ou une partie de la soirée. Dans les transports en commun, on s’astreint à profiter du temps mort pour réfléchir, divaguer, observer les voyageurs, imaginer un monde meilleur. Mieux, on enfourche un vélo pour se déplacer, ça limite le claviotage instantanément. Comble du paradoxe, il existe des applications pour mobiles qui analysent l’usage du mobile (1). Elles permettent de faire un diagnostic précis des prises en main de la bête et de leur pertinence. Et puis quand c’est trop tard, que tu es aussi ferré qu’un brochet dans un étang, alors il faut partir en cure. Ne ris pas, cela existe et ça craint. A l’hôpital Marmottan, à Paris, le temple du soin de l’addiction, mais aussi à Vichy (Allier) ou dans de nombreux hôpitaux, on trouve désormais des consultations pour les neuneus des écrans. Amen.
Pour enfoncer le clou, signalons que l’addiction aux smartphones court-circuite nos synapses. Une étude australo-sud-coréenne menée sur douze ados accros aux jeux vidéo a mis au jour une perturbation neurologique : plus de 25 % de leurs connexions cérébrales entre les régions corticales et sous-corticales seraient perturbées. Vous me direz, après les pesticides, les ondes magnétiques, les polluants organiques persistants, les pollutions radioactives, les microparticules de diesel et autres délices du siècle, on n’est plus à ça près. Pas faux. —
(1) www.inthemoment.io et www.breakfree-app.com
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