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27-01-2005
Mots clés
Environnement
Société
Amériques

Le docteur ès plantes

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En Amazonie péruvienne, un sorcier guérisseur - activité commune dans cette région - a ouvert son propre jardin de plantes médicinales. Sa petite entreprise est désormais ouverte aux touristes. Portrait.
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C’est une grande ville, de près de 400 000 habitants, où l’on ne peut arriver que par avion ou par bateau, sur le fleuve Amazone. Les quelques routes qui partent d’Iquitos, capitale de l’Amazonie péruvienne, ne mènent pas bien loin. Au bord de l’une d’elles, à une trentaine de kilomètres de la ville, on s’enfonce immédiatement dans ce qu’on croit être la jungle. Mais au bout de quelques minutes on comprend, devant de petits écriteaux indiquant les noms des arbres, que ce fouillis de troncs, de racines et de lianes est en fait un jardin. Le jardin de plantes médicinales de Don Francisco, chamán ou curandero (guérisseur en espagnol).

Francisco est un Indien Capanahua du fleuve Ucayali, à 600 km au sud. Auparavant, il avait créé un jardin botanique là-bas, mais en 1990, fuyant la guérilla maoïste de Sentier lumineux, il débarque à Iquitos. "Je ne savais pas quoi faire et je me suis mis à chercher du travail ici, le long de la route". A l’entrée du chemin qui mène au jardin, un écriteau disait : "besoin d’un ouvrier". Le chamán se met alors à travailler dans des plantations de bananes et de manioc. Un jour, parti se promener dans la forêt voisine, quelque chose l’attire. Après avoir bu de l’ayahuasca, un breuvage hallucinogène sacré pour de nombreux Amazoniens, il reçoit la vision qu’un jour ce terrain sera le sien, et qu’il pourra y exercer ses talents de guérisseur.

Et la lumière fût

Pour le chamán, cette histoire n’a rien d’une coïncidence, c’est "une vision devenue réalité". Francisco est d’abord devenu propriétaire de 5 hectares, donnés par une cousine. Il en possède aujourd’hui une trentaine, grâce à une association française, Paroles de nature. "Il y a quatre ans, explique sa présidente, Corinne Arnould, une parcelle voisine, riche en plantes médicinales, allait être rachetée pour y faire de l’élevage de vaches. C’est ce qui m’a donné l’idée de fonder cette association, dont la première action a été d’aider des curanderos à avoir un accès à la terre. Leur tradition se maintient tant que la nature est à leurs côtés". Par la suite, l’association a aidé deux autres chamanes de la région à acquérir des terres.
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Cueillette. Don Francisco bénit les plantes avec de la fumée de cigarette. Crédit : Jérôme Tubiana.

Les trois jardins ont été baptisés "jardins du savoir". Dans celui de Francisco, qui compte plus de 1 200 plantes, l’aide de Paroles de nature a également permis de bâtir une école où, tous les dimanches, des enfants viennent apprendre les pouvoirs des plantes. "J’enseigne ce que je sais à tous ceux qui veulent apprendre, c’est ma mission, mon devoir", estime Francisco. Le chamán transmet aussi son savoir à d’autres curanderos, comme Doña Otilia, 47 ans, qui vit en ville, à Iquitos. "Je n’ai pas de jardin, explique-t-elle, c’est pourquoi je viens souvent ici. Parfois j’amène des patients, comme cette jeune fille. Francisco lui donne l’ayahuasca, et moi je la soigne à ma manière".

Les habitants de la région d’Iquitos sont en contact avec l’Occident depuis déjà longtemps, mais "certains, expliquent Corinne Arnould, commencent à trouver leurs propres solutions. Francisco est le premier que j’ai rencontré qui ait décidé de prendre son destin en main, de monter un projet avec rien du tout. Aujourd’hui, son jardin est un modèle".

Paradis artificels pour Gringos

Francisco n’a plus besoin d’aide, il finance son jardin grâce à des peintures de ses visions qu’il vend à des touristes. Mentionné dans les guides touristiques, son jardin attire désormais ceux qu’on appelle les gringos ayahuasceros, ces Blancs qui viennent à Iquitos en quête de nouveaux paradis artificiels. Francisco leur facture la cérémonie 30 dollars, dix fois plus que pour les locaux, mais d’autres chamanes vont beaucoup plus loin. "Les touristes pensent qu’ils peuvent prendre l’ayahuasca comme une drogue, sourit Doña Otilia. Mais pour nous, ce n’en est pas une, c’est une médecine très puissante". Certains gringos viennent aussi soigner leurs maladies de corps ou de cœur, et absorbent pendant des semaines des plantes préparées par le guérisseur. "Une femme délaissée par son mari, un mari délaissé par sa femme : les problèmes sont les mêmes dans tous les pays", estime Francisco. Certains patients ont tout de même des demandes inhabituelles, comme ce nord-américain rêvant de devenir parfumeur. Francisco lui a donné chaque jour quelques gouttes d’un parfum baptisé "Taboo".
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