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« Le commerce équitable trouble davantage les esprits qu’il ne convainc »

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« Le commerce équitable trouble davantage les esprits qu'il ne convainc »
(Crédit photo : yannick974 - flickr)
 
Pour Christian Jacquiau, économiste et essayiste, la décision de l'association Max Havelaar de créer un nouveau label brouille les cartes et n'aide pas le consommateur.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« Répondre aux besoins des producteurs et augmenter significativement les volumes de ventes du secteur ». Ce double objectif de l’association Max Havelaar semble louable et limpide. Le commerce équitable en France ne concerne « que » 346 millions d’euros par an (2012) et il faut bien trouver le moyen de faire décoller les chiffres. L’association a donc lancé un nouveau label. Dans ce nouveau programme baptisé « Approvisionnement Fairtrade », c’est la matière première qui est labelisée (cacao, sucre ou coton), et non l’ensemble des ingrédients d’un produit. Cette démarche de filière vise à « sécuriser les approvisionnements des grandes entreprises » (Mars et Nestlé notamment ont déjà donné leur accord), mais fait déjà grincer quelques dents. Pour certains, comme l’économiste Christian Jacquiau, la démarche a « des effets pervers ».

Terra eco : L’association Max Haavelar a lancé ces jours derniers un programme intitulé « Approvisionnement Fairtrade ». Ce programme a pour objectif de soutenir encore davantage les petits producteurs. Qu’en pensez-vous ?

Christian Jacquiau : L’objectif annoncé est louable mais il recèle des effets pervers qui ne serviront pas la démarche du commerce équitable. Une tablette de chocolat confectionnée à partir de fèves de cacao, de lait et de noisettes non équitables pourra désormais arborer le fier logo « Fairtrade Max Havelaar » dès lors que le sucre incorporé – et seulement le sucre – aura été acheté aux conditions définies par Max Havelaar.

Le logo va se multiplier sur les emballages au fur et à mesure que l’idée d’une généralisation de l’équité dans les transactions reculera. Mais la confusion ne s’arrête pas là. Lorsque la tablette de chocolat passera en caisse, elle sera enregistrée comme produit du commerce équitable pour l’intégralité de son prix de vente au consommateur. Pas pour les quelques grammes de sucre qui lui autorisent d’arborer le logo Max Havelaar sur son emballage. Le chiffre d’affaires réalisé sur des produits pseudo équitables en grandes surfaces va donc exploser et assurer son succès... dans les statistiques. Mais pour quelle équité ?

Max Havelaar créé un nouveau label alors que les ventes du commerce équitable ont tendance à plafonner. N’est-ce pas un aveu d’échec ?

Le commerce équitable trouble désormais davantage les esprits qu’il ne convainc. L’espace en linéaires (consacré au commerce équitable dans les rayons) se fait plus rare. Et plus cher aussi. L’optimisme n’est aujourd’hui plus de mise. Le plan de soutien au commerce équitable annoncé il y a moins d’un an par Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement auprès du ministre des Affaires étrangères ne pouvait dans ce contexte pas mieux tomber. Son objectif déclaré ? Tripler la consommation de produits équitables en France.

A la clé, un énorme budget (7 millions d’euros) qui, selon l’association Minga, se traduira « par un soutien à la marque privée Max Havelaar [et] des incitations aux grandes surfaces pour qu’elles fassent des promos publicitaires en tête de gondole ». Tripler la consommation de produits équitables au cours des trois prochaines années était un pari perdu d’avance dans le contexte de défiance actuel à l’égard d’un modèle qui est loin d’avoir répondu aux attentes des alterconsommateurs. Un pari intenable. Sauf à modifier les règles d’évaluation de la consommation équitable. C’est ce qui vient d’être fait...

Est-ce le début d’un commerce équitable à plusieurs étages ? Et comment le consommateur va-t-il pouvoir s’y retrouver ?

En favorisant un commerce équitable à plusieurs vitesses, Max Havelaar organise une concurrence déloyale et inéquitable au profit des marques propres (MDD) des géants de la distribution et des peu regardantes transnationales de l’agroalimentaire. C’est un comble, à l’égard de ses concessionnaires les plus rigoureux. Il faudra énormément de perspicacité aux consommateurs pour qu’ils différencient par la mention « programme sucre » une tablette de chocolat à l’équitable low cost de celles arborant le logo du même Max Havelaar mais provenant de filières beaucoup plus exigeantes comme les développent Artisans du Monde, Ethiquable, Oxfam ou encore Alter eco. Plus chers parce que plus riches en contenu social, écologique, équitable et éthique, ces derniers risquent d’être délaissés par les acheteurs des grandes surfaces au profit de produits ultra allégés de toute volonté de changer notre monde à la dérive.

Le chiffre d’affaires du commerce équitable progressera au rythme où la part d’équité dans les transactions régressera. On voudrait détourner les consommateurs de la démarche et décrédibiliser le commerce équitable que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Il appartient désormais à ses acteurs authentiques – étonnement tenus à l’écart de cette décision – de réagir au plus vite pour sauver ce qui peut encore l’être. Il y a urgence. Le temps ne joue pas en leur faveur...

- A lire : Les coulisses du commerce équitable : Mensonges et vérités sur un petit business qui monte (Mille et une nuits, 2006)

A lire aussi sur Terraeco.net : Max Havelaar : « Nous allons continuer à faire bouger les lignes du commerce mondial »

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  • C’est un peu comme en politique ou en religions. On tourne en rond.
    Il y a celles et ceux qui questionnent, qui interrogent et qui veulent comprendre quitte à remettre en cause leurs popres cathéchismes.
    Et puis il y a celles et ceux qui boivent les paroles d’Evangiles multiples comme du petit lait, pourvu qu’il soit estampillé.
    Celles là et ceux là n’essayent même pas de voir ce qui va et ce qui ne va pas.
    Sont-ils de grands naifs ? Je l’espère.
    Sont-ils des traitres à la cause qu’ils pretendent defendre ? Je le crains.
    Les petits producteurs ruinés par les amis de Max Havelaar serviront-ils encore longtemps d’alibis à ce grand n’importe quoi ?
    Une chose est sûre, grâce à tous ceux qui nous informent utilement comme cet excellent site, le panurgisme consomm’bobo à la Max Havelaar perd du terrain face à une reelle politisation de la consommation.
    Et ça, même si cela dérange les bien pensants, c’est plutôt rassurant.

    Aurelie
    militante pour une véritable économie équitable

    19.02 à 19h06 - Répondre - Alerter
  • Pourquoi dès lors que l’on pose des questions précises aux ami(e)s de Max Havelaar fuient-ils/elles systèmatiquement tout échange et tout débat pour se limiter à des affirmations génériques et se réfugier derrière le paravent bien commode des petits producteurs pauvres, appauvris pour une bonne part, ne l’oublions jamais, par les transnationales que certifie un Max Havelaar (transnational aussi) financièrement décompléxé ? Resterai-je avec mes questions ? Sans réponse.
    Et si l’on sortait de la croyance pour aller vers une analyse et un véritable débat de fond comme Chistian Jacquiau nous y a invité dans son livre salutaire autant que dérangeant pour les conservateurs adeptes d’un système qui pourtant a fait ses preuves en détruisant tout sur son passage. A commencer par les plus modestes. C’est ce système néocolonial que l’on veut accompagner et voir perdurer ?

    8.02 à 11h55 - Répondre - Alerter
  • Je suis d’accord avec vous Jean, l’entêtement de Max Havelaar dans cette affaire est pour le moins surprenant.
    Il suffisait en effet d’aller sur le site de Christian Jacquiau pour comprendre le déroulé de cette affaire et découvrir la grotesque manipulation du faux journaliste.

    Aurelie
    militante pour une véritable économie équitable

    7.02 à 10h55 - Répondre - Alerter
  • On peut remarquer ici que, comme d’habitude, les chiens de garde montent au créneau pour justifier de l’injustifiable, avec les éléments de langage popres aux communicants de Max Havelaar, dès que la moindre critique est formulée à l’encontre de leur idole.
    C’est amusant mais assez peu convainquant.
    Christian Jacquiau pose de longue date les bonnes questions. Celles qui dérangent les bien-pensants et les conservateurs qui se complaisent dans ce système qui ruine le monde.
    C’est bien un commerce équitable au rabais, qu’on le veuille ou non, que Max Havelaar met en place ici.
    Il faut en finir avec cette approche misérabiliste néocolonialiste du " petit producteur pauvre ".
    Qui peut ignorer qu’il est ruiné en réalité par les mêmes entreprises multinationales partenaires de Max Havelaar ?
    C’est un peu gros tout de même.

    Pour être tout à fait juste (équitable ?) Jean devrait peut-être citer les réactions de Christian Jacquiau aux attaques polémiques de Thomas Coutrot à son encontre ?

    Lisez les pages qu’il y a consacré :
    - " Petites manipulations entre amis autour du commerce équitable… "
    et aussi
    - " Thomas Coutrot, les coulisses d’une manipulation… "
    C’est édifiant !

    Heureusement qu’il y a des gens comme Christian Jacquiau pour nous alerter sur les dérives d’un système qui ne tient pas ses promesses et qui nous endort.
    Je suis de celles qui considèrent le fait que cela dérange comme plutôt bon signe.
    Ce n’est pas avec ce type d’initiative au rabais que l’autre monde promis verra le jour.

    Aurelie
    militante pour une véritable économie équitable

    6.02 à 18h17 - Répondre - Alerter
    • Merci Aurélie : le point commun entre le commerce équitable, et autres récupérations à labellisées, et le green washing, réside dans le manque d’empathie et 1 désir immature de domination. Rapport de forces politique classique pour qui ne gère pas sa dualité...

      La Création fut 1 acte et 1 événement gratuits. La copie et la spéculation en sont la perversion. Tel se présente les choix de l’éternelle dualité...
      Ce monde croûle sous les billets des banques du mensonge ou des "bonnes intentions", cependant que se multiplient les aberrations, les injustices et les crimes. Ce qui arrange le business de la parano schizoïde organisée, n’est-ce pas ?

      6.02 à 20h37 - Répondre - Alerter
      • Comme je partage votre analyse Darna !
        Le commerce équitable tel que le définit Max Havelaar s’inscrit dans la continuité d’un colonialisme dont la France n’est pas sortie. Faut-il s’étonner que ce soit le Ministère des Affaires Étrangères qui l’ait pris sous sa coupe et le subventionne grassement ?
        N’est-ce pas révélateur ?
        Max Havelaar répond parfaitement à cette parano schizoïde organisée que vous évoquez.
        Jean le dit lui même " C’est là un problème récurrent qui est loin de s’améliorer lorsque l’on voit des firmes multinationales , des pays, et même des universités ou églises américaines acquérir l’usage de pans entiers de certains territoires des pays du Sud pour y pratiquer une agriculture de rente aux effets particulièrement pervers pour les populations de ces territoires ".
        Question : que fait Max Havelaar avec ces firmes multinationales en greenwashisant leur business ?
        L’argent, la quête de puissance et de domination peut-elle tout justifier ?

        7.02 à 11h56 - Répondre - Alerter
  • Ce qui serait efficacement et sincèrement équitable, c’est déjà de rendre les terres aux paysans et aux vrais enfants de cette planète ! Rendre leur autonomie alimentaire au lieu d’en faire les esclaves de nos caprices insatiables ! Les labels ainsi que la propriété intellectuelle, ne profitent des fomenteurs de guerre que sont les adeptes du pouvoir absolu !
    Cela ne date pas d’hier...mais surtout de trop ! A nous de rectifier nos erreurs, en agissant + authentiquement que le Codex alimentarius adopté par ici bas !

    4.02 à 17h11 - Répondre - Alerter
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