Le commerce équitable au supermarché ?

C’est la saison des salons du commerce équitable. Equit’Expo, qui était installé sur l’Ile Saint-Denis à Paris vient de fermer ses portes, succédant à l’Ethical Fashion Show qui se tenait le week-end précédent rue du Faubourg Saint-Martin. Mais plus qu’une semaine, c’est un fossé qui sépare ces deux salons : la question de la collaboration avec la grande distribution.

En effet, ils incarnent deux conceptions bien différentes du commerce équitable. D’un côté, les « pro-grande distrib’ », s’y retrouvent les partenaires de l’Ethical Fashion Show : le label Max Havelaar et le distributeur Alter Eco notamment. Pour eux, le développement du commerce équitable passe nécessairement par les grandes surfaces. De l’autre, les « antis » : en tête de file l’association Minga et la Fédération Artisans du Monde, deux des membres de l’organisation d’Equit’Expo. Eux militent pour un mouvement plus politique. Comme la grande distribution ne répond pas à leurs exigences d’équité, ils veulent éviter toute récupération de la démarche par les grands groupes.

Mais les produits équitables squattent les gondoles des grandes surfaces depuis longtemps. La première introduction date de 1999. L’enseigne Monoprix ouvre la voie, suivie de près par Cora. Effet de mode ou non, toutes les enseignes ouvrent peu à peu leurs rayons au commerce équitable. Le chiffre d’affaires de ces produits en grande distribution passe de 10 millions d’euros en 2001 à 160 en 2006. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) ventilent 55 % des produits équitables en 2004 [1]. Et cette part continue d’augmenter.

La Plateforme pour le commerce équitable (qui réunit la plupart des organisations du commerce équitable en France) appelle à la vigilance. « L’implication croissante de la GMS dans la commercialisation des produits issus du commerce équitable pose de nombreuses questions, présente des opportunités, mais aussi des risques, peut-on lire sur leur site. Afin que les grands distributeurs ne dévoient pas la démarche, les opérateurs du commerce équitable doivent maintenir une capacité de négociation commerciale. » Alors le couple grande distrib’-commerce équitable, un remake des liaisons dangereuses ? Planete Terra a posé la question à Tristan Lecomte (Alter Eco) et Stéphane Le Borgne (Artisans du Monde).

 Selon Tristan Lecomte, pédégé d’Alter Eco, "il faut passer par la grande distribution parce que c’est là que tout le monde fait ses courses. C’est le meilleur moyen pour que le commerce équitable se développe. Mais je trouve ça bien qu’il y ait un débat. C’est important d’éviter la "marchandisation" du mouvement. Le commerce équitable doit rester un mouvement citoyen."

 Selon Stéphane Le Borgne le nouveau responsable d’Artisans du Monde, "c’est un choix de stratégie. Artisans du Monde fonctionne dans un système de filière intégrée, c’est-à-dire un système équilibré du producteur au distributeur en passant par les importateurs. Nous croyons que distribuer des produits équitables dans des structures qui proposent également des produits non équitables n’est pas cohérent avec ce type de fonctionnement."