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30-03-2009

Le bouchon de liège

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Après une longue période creuse, il fait son retour en France. Il a affûté ses armes face au plastique. Argument coup de poing : sa composition vert bouteille.
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Sud des Landes, en plein mois de juillet. Trois hommes, hache d’écorçage à la main, s’affairent dans les forêts du Marensin. Ce matin-là, le temps est idéal pour la levée du liège : chaud mais pas trop. La couche extérieure de l’écorce du chêne-liège se détachera facilement. En vingt minutes, les « leveurs » vous déshabillent un arbre, du tronc à la naissance des branches. Être mis à nu, le chêne s’en fiche royalement : cette couche qu’on lui retire est constituée de cellules mortes et, bien effectuée, l’opération ne l’abîme pas. En quelques années, l’arbre refait peau neuve, plaçant ainsi le liège dans la catégorie des ressources renouvelables.

Dans les forêts privées du Marensin, les trois ouvriers de la Coopérative agricole et forestière d’Aquitaine vont récolter, pour le compte de l’association le Liège gascon, 8 tonnes en une semaine. Les propriétaires des parcelles touchent 9 centimes du kilo. Autant dire des clopinettes. Mais la matière est de mauvaise qualité. En fait, en Marensin, les levées réalisées en 2007 étaient les premières depuis un bail. « L’industrie landaise du liège a connu son âge d’or au début du XXe siècle puis a lentement décliné, concurrencée par une main- d’œuvre moins coûteuse à l’étranger, jusqu’à ce que la récolte soit totalement abandonnée », déplore Lucie Jenssonnie, chargée de mission pour le Liège gascon.

Quinze ans d’attente

Et relancer la production ne se fait pas du jour au lendemain. Un chêne-liège dont l’écorce n’a pas été prélevée depuis longtemps s’entoure d’une cuirasse compacte, crevassée, sans élasticité. Il faut alors un premier « démasclage » pour que l’arbre produise ensuite un liège de bonne qualité, intéressant économiquement… dans huit à quinze ans. A l’heure actuelle, ramasser le liège dans le Marensin coûte donc plus qu’il ne rapporte. Mais l’association le Liège gascon, composée de quatre industriels locaux, compte bien revigorer la filière.

Alors, en attendant de disposer d’une bonne matière première made in Landes, ils en importent une grande partie de l’étranger : essentiellement du Portugal, le premier producteur mondial avec 163 000 tonnes levées en 2007, soit 54,4 % de la production mondiale. Suit l’Espagne à 26 %. L’Algérie, le Maroc, la France, la Tunisie et l’Italie se partagent les miettes.

Paradis pour animaux et végétaux

Il n’y a qu’un paradis pour les suberaies, ces forêts de chênes-lièges, c’est le pourtour méditerranéen. Elles se répartissent du sud-ouest de la France au Maroc, en passant par la façade atlantique de la péninsule ibérique, soit une surface totale de 2,3 millions d’hectares, selon la Fédération française des syndicats du liège (FFSL). Aujourd’hui, 40 000 hectares sont certifiés par le Conseil de soutien de la forêt, un organisme international qui garantit une gestion durable de ces espaces. Selon la FFSL, les suberaies méditerranéennes constituent l’un des patrimoines végétaux les plus riches au monde après celui des Andes tropicales : elles peuvent abriter jusqu’à 135 espèces végétales et animales pour 1 000 m2.

Bien entretenues, elles participent donc à la sauvergarde de cette biodiversité. Et leur exploitation permet de maintenir du travail dans les zones rurales. En Europe, la filière liège génère ainsi 28 000 emplois directs et 65 000 indirects, d’après la FFSL. Mais les suberaies sont menacées. « Au sud du pourtour méditerranéen, on observe déjà un dépérissement. Il n’est pas seulement dû au dérèglement climatique. C’est une conjonction de facteurs : l’abandon de l’exploitation ou un travail mécanique trop important qui abîme le sol. Cependant, les projections montrent que le chêne-liège pourrait se déployer plus au nord », indique Daniel Vallauri du WWF. L’ONG de protection de l’environnement a lancé un programme de protection des suberaies en 2004.

Bouilli, étiré, taillé, tubé…

Retour dans le sud des Landes, à Soustons. Cette petite ville de 7 400 habitants héberge la dernière usine française fabriquant des bouchons de A à Z. Sur la façade, l’enseigne est défraîchie : l’entreprise Au Liégeur affiche 120 ans au compteur. Passé la grille verte, on débouche sur une cour encombrée de balles de planches de liège brutes. Entre la mise à poil de l’arbre au Portugal ou au Maroc et l’entrepôt du liégeur, ces planches prennent un bain à 100° C, puis sèchent durant huit à douze mois. Une fois triées selon leur qualité, elles sont replongées dans l’eau bouillante. Pour la découpe, le liège doit être malléable. Dans un nuage de vapeur, deux employés taillent les planches en bandes. Pour obtenir le bouchon 100 % naturel, constitué d’une seule pièce, il faut ensuite « tuber » les bandes en y enfonçant un cylindre. Une fois rogné et poli, il est désinfecté à l’eau oxygénée, sans danger pour l’environnement. Puis, si besoin, on l’estampille du nom du château par pyrogravure. Enfin, il est couvert d’une pellicule de paraffine. Faut que ça glisse dans le goulot.

Le petit Poucet du secteur

Fabriquer des cylindres dans des bandes rectangulaires implique nécessairement des chutes. Et donc du gaspi ? « Absolument pas. Tous les déchets seront broyés et serviront à produire des pièces en liège aggloméré, comme des plaques isolantes », explique Henri Garcia, directeur de la PME. Ainsi, Au Liégeur, les dix employés ne font pas que des bouchons. « Nous fabriquons 8 à 10 millions de pièces par an et la viticulture concerne à peine 5 % de nos clients. Le liège peut avoir beaucoup d’applications et notre savoir-faire nous permet de produire tous types de spécialités. » De l’industrie des liquides à l’agroalimentaire en passant par la cosmétique, Au Liégeur trouve des solutions à toutes les questions de fermeture, d’isolation ou de jointures. Mais dans le monde du liège, cette petite PME fait figure d’exception. Aujourd’hui, le marché du bouchon est occupé par un mastodonte : Amorim. Le portugais produit 3 milliards de pièces par an, détient 25 % des parts de marché et génère 270 millions d’euros de chiffre d’affaires. En ouvrant le rosé de l’apéro ou un grand rouge pour le dîner, les probabilités sont donc élevées de tomber sur un bouchon lusitanien.

La guerre des « capsules »

D’un côté, le bouchon de liège. De l’autre, le synthétique et la capsule à vis. Entre les deux camps, les hostilités ont débuté au tournant du siècle. En 2000, les bouchons alternatifs détenaient 3 % du marché français du bouchage de bouteilles. Patiemment, ils ont grappillé du terrain pour atteindre 21 % en 2007. Mais le liège n’a pas dit son dernier mot. En cette période de révolution verte, il possède une arme stratégique dont sont dépourvus ses concurrents : il est écolo. De la forêt à la bouteille, son cycle de vie ne produit que 8 g équivalent CO2, a calculé la Fédération française des syndicats du liège en 2008, alors que le bouchage plastique et l’alu dégageraient respectivement 10 et 25 fois plus de gaz à effet de serre, selon une étude réalisée par le cabinet PricewaterhouseCoopers pour le groupe portugais Amorim. Autre arme fatale : les suberaies représentent un important puits de carbone. Ainsi, la forêt portugaise aurait absorbé à elle seule 4,8 millions de tonnes de CO2 en 2006, d’après les estimations faites pour Amorim, soit les émissions annuelles de 600 000 Français.


Un bon débouché

Une fois la bouteille bue, que fait-on du bouchon ? Il existe des collectes de bouchons de liège, souvent organisées par des associations, comme l’Opération tire-bouchon. Récupérés dans divers points, les bouchons sont revendus par le collectif à un liégeur. « Broyés, les granulés serviront à faire des plaques d’isolation, des balles de baby-foot… », décrit Jean-Charles Lassalle, de l’Opération tire-bouchon. L’argent de la vente va à des actions humanitaires. Tout est bon dans le bouchon ! L’opération en a récolté 45 tonnes en 2008. Et il y a de quoi faire : 3 milliards de bouteilles sont débouchées chaque année en France.

Sources de cet article

- La seconde vie d’un bouchon de liège par le WWF (taper « recyclage des bouchons de liège » dans le moteur de recherche du site).

- L’association le Liège gascon

- La PME Au Liégeur

- Le groupe Amorim

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7 commentaires
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  • Le liège est une matière exceptionnelle ! En effet elle est connu pour la fabrication des bouchons de liège mais peut également servir pour fabriquer des isolants, de la maroquinerie, des bijoux etc.
    C’est une matière recyclable et ne maltraitant aucun animal (contrairement au cuir !). En bref c’est une véritable matière d’avenir :)

    Merci pour cet article.

    Alexandre de Les Nouvelles Maroquineries

    17.08 à 10h07 - Répondre - Alerter
  • Comment nettoyer bouchon de Liège ou les bouteille d huile olive

    20.05 à 22h17 - Répondre - Alerter
  • pourquoi ne nous décrit on pas les produits chimiques utilisés pour produire trier nettoyer les fameux bouchons de liege ?

    2.04 à 12h14 - Répondre - Alerter
    • jurvillier jf : Le bouchon de liège

      merçi de donner l’adresse des adresses de recuperateurs liégeurs en france ;;

      3.04 à 10h20 - Répondre - Alerter
      • Louise Allavoine : Le bouchon de liège

        Voici le lien vers la page Contact de l’Opération Tire Bouchon.
        Vous y trouverez les coordonnées des associations qui organisent la collecte des bouchons de liège en fonction des régions où elles oeuvrent.

        14.04 à 18h48 - Répondre - Alerter
      • MME TALBOT : Le bouchon de liège

        Bonjour,

        Vous voudrez bien m’indiquer un point de dépôt pour les bouchons en liège sur le département du 41 et du 28.
        Dans l’attente d’une réponse rapide de votre part,
        Sincères salutations

        MME TALBOT

        22.07 à 09h36 - Répondre - Alerter
    • Parce qu’il n’ en a pas : uniquement de l’eau pour nettoyer et un peu d’eau oxygéné dans certains lavages
      Quand au tri il est fait par des femmes : je ne vois pas de produits chimiques dans ses belles dames !
      Il faut arrêter de tout diaboliser

      29.04 à 11h54 - Répondre - Alerter
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