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26-09-2013
Mots clés
Architecture
Asie Et Océanie

La résurrection en carton de la cathédrale de Christchurch

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La résurrection en carton de la cathédrale de Christchurch
(Crédit photo : bridgit anderson)
 
Datant du XIXe siècle, l’édifice n’a pas résisté au séisme de 2011. La ville néo-zélandaise a alors fait appel à l’architecte japonais Shigeru Ban pour reconstruire un lieu de culte en matériaux recyclés. Et l’expérience, censée être temporaire, pourrait durer… cinquante ans.
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Christchurch, capitale de la région de Canterbury, en Nouvelle-Zélande. La deuxième ville la plus peuplée du pays vit encore au milieu des décombres et des casques orange fluorescent des ouvriers chargés de la reconstruction, deux ans et demi après le tremblement de terre de février 2011, qui a tué 180 personnes. « Sortir d’un tel drame est un long processus, explique l’évêque de Christchurch, Victoria Mathews. Chaque bâtiment doit être passé au peigne fin avant de statuer sur sa réhabilitation ou sa destruction. Le centre-ville est interdit d’accès, les habitants sont découragés. C’est pour cela que l’avènement de notre nouvelle cathédrale est un vrai signe d’espoir. C’est le premier bâtiment érigé depuis la catastrophe, le symbole d’une ville qui veut regarder vers l’avenir. »

La nouvelle cathédrale de Christchurch dresse en effet son étonnante silhouette depuis juillet dernier, à quelques avenues seulement de l’épicentre du séisme. Mais, plus que son style, c’est le matériau choisi qui surprend. Visionnaire, l’église locale anglicane a en effet décidé que le léger et durable carton remplacerait la lourde pierre. Un choix plutôt bien accueilli par les fidèles. « Je suis anglican depuis soixante-quinze ans et c’est la première fois que j’ai suffisamment chaud dans une église pour ôter mon manteau », a confié l’un d’entre eux à l’abbesse Lynda Patterson. Un autre faisait même dans la métaphore… chocolatée : « Le son est merveilleux. Bien mieux que ce à quoi on pouvait s’attendre dans un énorme Toblerone en carton. »

Merci, les All Blacks

Retour en arrière, au lendemain du 22 février 2011. Edifiée voici un siècle et demi, l’imposante cathédrale de Christchurch a beaucoup souffert du tremblement de terre, mais reste debout. Au départ, seule l’une de ses tours s’est effondrée, épargnant la nef dans sa chute. Mais, dans les mois qui suivent, le bâtiment perd ses vitraux, puis ses murs. « Nos espoirs de reprendre rapidement les services religieux pour les quelque 1 000 fidèles qui fréquentaient régulièrement notre cathédrale s’envolaient », raconte Victoria Mathews, l’évêque de Christchurch, rencontrée en avril dernier par Terra eco, à une période où elle promenait régulièrement sa robe d’église et ses cheveux argentés sur le chantier de la cathédrale en carton. « Il nous fallait un lieu de remplacement. J’avais pensé à un hangar à avions ou un entrepôt. Mais l’un de nos révérends venait de lire un article sur Shigeru Ban et ses constructions temporaires. Il a eu l’idée de le contacter. »

L’architecte japonais se souvient très bien de cet appel au secours : « J’étais à l’époque particulièrement occupé par un autre tremblement de terre, bien plus dramatique, celui du 11 mars 2011 au Japon, qui a donné lieu au tsunami et à la catastrophe nucléaire. Mais la Nouvelle-Zélande accueillait cette même année la coupe du monde du rugby. Or, je suis un fan du ballon ovale et des All Blacks. Je ne pouvais pas les laisser tomber ! » Dans les jours qui suivent, Shigeru Ban se rend donc dans la ville meurtrie pour offrir ses services bénévoles, avec déjà en tête une idée de cathédrale de remplacement.

Auteur du bâtiment du Centre Pompidou de Metz, l’homme est surtout mondialement reconnu comme « architecte de l’urgence ». Né en 1957, il commence à s’intéresser à l’utilisation des matériaux recyclés et recyclables dès les années 1980. Son intérêt se fixe particulièrement sur les tubes de carton et les conteneurs maritimes. En 1995, le puissant séisme qui détruit la ville japonaise de Kobe lui donne l’occasion de démontrer la solidité de ses édifices. Il lui permet également d’affirmer que la rapidité de leur construction participe au processus de deuil des victimes. En cinq semaines, il fait ériger une église provisoire en tubes de carton, qui devait être utilisée pendant une décennie, avant d’être démontée et réinstallée à Taïwan.

Devenu consultant au Haut commissariat pour les réfugiés, de 1995 à 1999, il se spécialise alors dans la construction de structures temporaires pour répondre à des catastrophes de tous types : de la guerre civile en République démocratique du Congo au tournant des années 2000 jusqu’aux tremblements de terre de ces dernières années au Japon, en Turquie ou encore en Chine.

Matériaux du cru

Arrivé à Christchurch, Shigeru Ban étudie le plan de la cathédrale originelle et les moyens de le faire entrer dans la forme en A arrêtée pour le tout nouveau lieu de culte. « La construction en A est la plus primitive, mais aussi la plus stable en toute situation, car elle est sans toit », précise l’architecte. Un mois plus tard, il présente son projet : érigée sur une fondation en béton, la cathédrale temporaire, destinée à accueillir 700 personnes, dispose d’une structure composée de 64 tubes de carton de 83 cm de diamètre, à la longueur comprise entre 18 et 22 m. Chacun des deux pans est recouvert d’une vaste plaque en polycarbonate, destinée à assurer leur étanchéité. « Le plus important était pour moi que les tubes soient en carton recyclé et qu’ils soient produits localement. » Car Shigeru Ban, qui refuse l’étiquette d’« architecte vert », trop galvaudée à son goût, a pour règle de n’user que de matériaux du cru. « C’est pour moi, avant tout, un principe d’évidence, précise-t-il. Or, il s’est avéré que les entreprises locales ne fabriquaient pas un carton recyclé suffisamment épais et solide pour servir à la construction de la cathédrale. J’aurais alors pu faire importer la structure d’Australie, mais j’ai maintenu mon choix initial et décidé de renforcer les tubes en carton, en mettant à l’intérieur de chacun d’entre eux des poteaux en bois. Du bois néo-zélandais, bien sûr ! » Cette décision a, bien entendu, renchéri le coût total de la cathédrale (3,8 millions de dollars kiwis, soit 2,4 millions d’euros) et retardé la fin des travaux, initialement prévue pour le premier anniversaire du tremblement de terre, en février 2012. Mais elle a aussi, et surtout, changé la destinée du bâtiment.

« Mes constructions sont dites temporaires, mais en réalité, elles sont faites pour durer. C’est aux utilisateurs de décider s’ils souhaitent les pérenniser », poursuit l’architecte. Initialement bâtie pour assurer une courte transition d’une décennie, le temps d’engager la reconstruction de son ancêtre en dur, la cathédrale en carton de Christchurch est désormais enrôlée pour au moins cinquante ans de service ! Car rien ne dit que l’édifice originel soit récupérable, sans parler du coût d’une éventuelle mise aux normes de sécurité.

L’âge du carton

En attendant la date du retour de l’âge de pierre, Christchurch profite donc pleinement de celui du carton. « Les tubes de notre nouvelle cathédrale filtrent subtilement la lumière naturelle. Pendant la journée, on a la sensation d’être dans une forêt, avec le soleil qui traverserait les feuilles. Et, lors des services de nuit, la lumière s’échappe vers l’extérieur, et c’est toute la cathédrale qui brille, telle une bougie », poétise l’évêque Victoria Mathews, qui reconnaît avoir d’abord été déconcertée par la perspective d’un lieu de culte en carton. « Je n’étais pas la seule à être sceptique. Je recueillais beaucoup de commentaires sarcastiques sur la cathédrale en “ rouleaux de papier toilette ”, où les fidèles allaient se faire tremper par temps de pluie. Mais, aujourd’hui, les mêmes voient le résultat et ils en sont fiers. Les habitants de Christchurch sont conscients qu’ils possèdent désormais une pièce majeure en termes d’architecture contemporaine et durable. » La frilosité et le scepticisme néo-zélandais battus en brèche par un gigantesque Toblerone recyclé ! Aurait-on là un petit miracle ? —

L’urgence est leur affaire

Elle n’a pas de cathédrale à son actif, mais l’ONG française Architectes de l’urgence met elle aussi la main à la pâte. Créée en 2001, elle est ainsi intervenue après l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, en 2001, ou plus récemment après les inondations du Var, en 2010. A l’étranger, on a pu retrouver ses membres en Haïti, en Libye, etc. Sur les zones sinistrées, les architectes de l’ONG étudient les dégâts, établissent des périmètres de sécurité et aident à la reconstruction, en formant les populations locales et en valorisant leurs compétences et les matériaux locaux. L’ONG a même créé un mastère avec l’Ecole spéciale des travaux publics de Cachan (Val-de-Marne) pour former les futurs professionnels aux enjeux de l’urgence. —

Retrouvez ici tous les reportages de Corinne Moutout

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Tout au long de l’année 2013, vous retrouverez dans les pages de « Terra eco » les rencontres de Corinne Moutout, qui s’est lancée, en famille, dans un tour du monde journalistique. Elle entend témoigner de quelques-unes des milliers d’initiatives qui émergent et qui contribuent, chaque jour, à construire un monde durable. Ce périple l’emmènera dans pas moins de onze pays. Première étape : le Sénégal. Retrouvez aussi ces reportages dans l’émission « C’est pas du vent », sur l’antenne de RFI : www.rfi.fr/emission/cest-pas-vent

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