“La production stagnera vers 2020, ou avant”

Les estimations du futur plafond de la production mondiale de pétrole, le « peak oil », divergent. Quel est votre pronostic ?

En fonction de contraintes géologiques et indépendamment de la politique, je place le pic de production aux alentours de 2020 – plus ou moins cinq ans – à un niveau d’une centaine de millions de barils par jour (mb/j). Aujourd’hui, on distingue deux écoles.

Tout d’abord, des gens nettement plus pessimistes qui prévoient le pic dès aujourd’hui et à un niveau ne dépassant pas 90 mb/j. Et puis, d’autres bien plus optimistes parmi lesquels on peut citer l’Agence internationale de l’énergie, le Département d’Etat américain, plusieurs majors – Exxon, BP, ENI – qui assurent que ce sera beaucoup plus tard et à un niveau bien plus élevé, probablement entre 115 et 130 mb/j.

Pourquoi distinguez-vous facteurs géologiques et politiques ?

La politique peut accélérer l’arrivée du pic et l’amener à un niveau bien plus bas, car on ne peut pas actuellement investir librement dans les pays de l’Opep, en Russie ou au Mexique. Ces contraintes politiques pourraient abaisser le chiffre de 100 mb/j à un niveau qui se situerait près de 85 mb/j, c’est-à-dire à peu près le niveau de consommation actuelle. C’est un chiffre politique, il est donc parfaitement imprévisible.

Avez-vous le sentiment que les décideurs ont pris la mesure de ce péril, en particulier en France ?

Pas vraiment, non. Il faut d’urgence restreindre tout ce qui est fossile, pétrole et gaz. Je considère que la meilleure façon de faire face au problème tient dans l’électrification accélérée du système énergétique français. En clair, prendre très vite les mesures nécessaires pour faire pénétrer plus fortement encore l’électricité dans le bâtiment et la faire progresser dans l’automobile en faisant émerger les hybrides rechargeables.

Pour faire face à la rareté imminente du pétrole, et bien sûr pour lutter contre le réchauffement du climat, il faudrait dès maintenant se lancer dans un nouveau plan nucléaire de grande ampleur. J’entends par là la commande d’un réacteur EPR chaque année dès maintenant et jusqu’en 2012, puis de deux par an à partir de 2012 et puis de trois par an à partir de 2015 ou 2017. Laisser retomber le pourcentage du nucléaire à 60 % ou 65 % (contre 80 % actuellement, ndlr), qui est le plan officiel français actuel, n’est pas raisonnable.