L’exploration du potentiel d’une mine est loin d’être spectaculaire. Ça se résume même à un homme et un camion, en ce jour d’automne un peu gris. Jérôme Gouin, ingénieur pour la société Variscan, mène les recherches pour le permis exclusif de recherches (PER) minier dit de « Saint-Pierre » depuis le mois de juillet 2014 dans le Maine-et-Loire. Dans les 33 communes concernées, aidé par des contractuels ou des stagiaires, il étudie les archives géologiques départementales, observe les filons de quartz, sonde le sol pour en connaître la composition chimique exacte… Le carottage devrait commencer tout prochainement, ainsi que les calculs aéroportés, pour estimer ce qui se trouve peut-être loin, très loin, à près d’un kilomètre sous nos pieds.
Si la société Variscan a choisi cette zone autour des villages de Saint-Pierre-Montlimart et Montrevault, ce n’est pas par hasard. Il y a déjà eu une mine d’or ici, de 1904 à 1952. La concession de la Bellière a livré à l’époque dix tonnes d’or et deux d’argent. Puis la mine a fermé, la faute à la raréfaction de la ressource et à des cours trop bas par rapport au coût de l’extraction. « La zone a été exploitée à l’époque sur 1,5 kilomètre et assez peu profondément. Nous, on veut voir si ça continue. Et si oui, s’agit-il d’un filon ou d’un ensemble de filons ? » Jérôme Gouin est prudent. Il sait que, dans un projet minier, un mot de trop peut provoquer l’emballement ou la peur.
Alors l’ingénieur explique, patient, comment les employés de Variscan font des petits trous dans les prairies alentour, à 20 cm, puis à 1 m 20 de profondeur. Que tout le monde prend bien soin de remettre la terre en place, « pour éviter que les vaches ne tombent », et qu’une partie des données issues de ces prélèvements est mise à disposition du public. « Il me semble que cette société fait le maximum pour tenir informés les élus, les agriculteurs et les citoyens en général, remarque Joseph Marsault, maire de Montrevault. Peut-être parce qu’ailleurs ils se sont brûlés les doigts. »
Le précédent sarthois
Le premier permis obtenu par la société Variscan, en juin 2013, concernait une quinzaine de communes sur près de 200 km autour de Rouez, dans la Sarthe. Mais là-bas, rien ne s’est passé comme prévu : une partie des habitants s’est constituée en association et a réclamé que les déchets de l’ancienne mine de cuivre locale, fermée à la fin des années 1980, soient d’abord débarrassés. Or, c’est Total qui est le détenteur de la concession où sont stockés les déchets. De cet imbroglio, les adhérents de l’association Rouez Environnement ont fait un argument pour bloquer la route aux prélèvements menés par Variscan dans la zone.
Depuis, Patrick Lebret, l’un des géologues de Variscan, ne décolère pas : « Localement, l’objectif est de refuser en bloc. Et donc tous les procès d’intention sont bons. C’est la même réaction que lorsque l’on veut implanter un HLM à Neuilly… Ce sont des gens nantis qui refusent d’être dérangés, voilà tout ! » Maurice Gorges, président de Rouez Environnement, est certes retraité, mais réplique qu’il a fait sa carrière dans le secteur privé et qu’il est tout sauf « un écolo jusqu’au-boutiste ! ». « Mais à chaque fois qu’on tire une ficelle, on trouve un os ! Sur le nombre d’emplois promis, sur la cartographie, le périmètre du permis, le montage de Variscan… Ils nous ont pris pour des petits et ils ont été surpris ! » Les opérations à Rouez sont, depuis cette passe d’armes, plus ou moins suspendues.
Le Maine-et-Loire plutôt partant… pour l’instant
Afin d’éviter pareil fiasco dans le Maine-et-Loire, Variscan a pris les devants et s’est adjoint les conseils du Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) Loire-Anjou. Payé 3 000 euros pour aider à « animer le débat en local », le centre a organisé plusieurs rencontres sur le déroulement du PER. « On ne s’est pas sentis piégés, assure Olivier Gabory, le directeur de la structure associative qui a déjà mené pareille opération avant l’implantation d’éoliennes sur le territoire. Ce qui m’afflige le plus, c’est le manque de débat et les invectives gratuites. »
Raphaël Réthoré a participé à toutes ces réunions publiques et lit avec attention les rapports d’étape publiés par le CPIE. Enseignant en sciences naturelles à la retraite, l’homme est un passionné de minéralogie, bon spécialiste de la composition du sol local. « Je suis pour qu’ils explorent, car j’ai bien envie de savoir ce qu’ils vont trouver. Et puis, en réunion, ils arrivent à répondre, même face à un écolo pur et dur qui les a pas mal tarabiscotés…. » Rassuré donc ? « Pas vraiment. » Raphaël Réthoré, malgré sa cave remplie de minéraux multicolores, ne croit pas à la suite, c’est-à-dire à un véritable développement économique avec son chapelet d’emplois, idée vendue par Variscan. Il se méfie aussi des discours sur la « faible emprise » environnementale de l’hypothétique future mine. « Autour du ruisseau de la Bellière, pendant longtemps, il n’y a eu ni végétation ni vie animale. Et les ramasseurs de champignons, ils préfèrent ne pas aller dans ce coin-là… Moi, une mine propre, j’y crois pas. Ils disent que tout se passera en sous-terrain, mais alors, comment contrôler ? J’ai aussi des doutes sur l’extraction de l’or avec d’autres méthodes que le cyanure. Mais les gens, tant qu’on ne fait pas de trous chez eux, ils ne s’y intéressent pas. »
Pourtant l’accueil est plutôt favorable. « Ici, les gens n’ont pas une mauvaise image de l’exploitation minière », confirme Jérôme Gouin. Dans ce coin des Mauges, archipel de villages entre la Loire et la campagne choletaise, la mine d’or a dans le passé permis l’installation de tout un tissu industriel, qui assure encore aujourd’hui près de 3 000 emplois. « Pour les gens d’ici, un paysage est beau s’il est productif, constate Olivier Gabory. On est des besogneux. » La mine, ceci dit, n’est pas pour demain. Et les discours de Variscan sur les conditions de l’exploitation sont tout aussi hypothétiques, compte tenu du fonctionnement de l’industrie minière et de la division du travail entre entreprises « juniors » et « majors ». « L’exploitation, on l’envisage pour informer les gens, confirme Jérôme Gouin. Mais pour le moment, on n’en a pas la compétence. Et ce n’est pas notre responsabilité. »
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