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27-04-2009

La guerre des sucres allégés

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Beaucoup de goût et zéro calorie : la stévia, une plante naturelle, a tout pour séduire les gourmands. Pourtant, l’Union européenne et les géants de l’agroalimentaire font de la résistance.
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Quand le battement de feuille d’une plante amérindienne provoque un tsunami dans l’agroalimentaire. En cause : la stévia qui pourrait ébranler des géants tels que Merisant, société connue en France sous la marque Canderel. Son pouvoir sucrant se montre en effet 200 fois supérieur à celui du saccharose et elle affiche zéro calorie. Une concurrente de poids pour l’industrie mondiale qui fait son beurre avec le light.

Premier séduit : le Japon

Depuis des millénaires, les Indiens Satere Mawe, qui vivent à cheval entre le Brésil et le Paraguay, utilisent la « plante à miel » pour adoucir leurs boissons. Ce n’est pas encore le cas des gourmets européens, car l’arbuste peine à se faire une place sur le marché des édulcorants. Ailleurs dans le monde, la petite plante est pourtant très communément employée. Dans les années 1980, le Japon avait interdit le sucralose, un édulcorant artificiel puissant. La stévia en avait alors profité pour rafler 40 % des parts du marché du créneau sur l’archipel. La plante est également autorisée en Australie, en Nouvelle-Zélande et abondamment cultivée en Chine.

Mais l’Europe résiste. « Les lobbies du sucre et des édulcorants ont tout fait pour éviter l’introduction de la stévia : tentative de corruption de députés européens, études biaisées, mensonges... Le but était d’empêcher la stévia d’intégrer le marché des édulcorants européens », précise Jan Geuns, professeur à l’université de Louvain et président de l’Association européenne pour la stévia à Bruxelles. Longtemps, ces lobbies ont en effet jeté l’opprobre sur l’arbuste, l’accusant d’être un contraceptif puissant. « Enfin, en juin 2008, le comité d’experts de l’Organisation mondiale de la santé a défini une dose journalière admissible », précise-t-il, soulagé. Il aura fallu combattre près de dix ans pour cela.

Condamnée pour tromperie

Dix ans, c’est aussi la durée du combat de Claudie Ravel pour introduire ce produit en France. Cette femme à la chevelure flamboyante a fondé la société Guayapi Tropical, spécialisée dans l’importation de produits d’Amérique du Sud. En décembre, elle a même été condamnée pour tromperie. Sa faute ? Avoir vendu de la poudre de feuilles de stévia comme « complément alimentaire à fort pouvoir sucrant ». Or, pour la complexe législation européenne, la plante doit d’abord faire l’objet d’un classement à part (lire ci-dessous).

D’autres sociétés voudraient bien incorporer les composants de la plante, les stéviosides (glycosides et rebaudiosides) dans des préparations culinaires. En 2006, Joël Perret, fondateur de la société Greensweet a déposé les premières demandes d’autorisation en France, poussant les instances de contrôle à mener des études. Pendant deux ans, les avis successifs ont conclu à une « incertitude sur l’innocuité de la plante ». Mais fin 2008, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a tranché, n’autorisant l’utilisation que d’un seul composé sucrant, le rebaudioside A. De guerre lasse, Joël Perret s’est tourné vers la Suisse, où tous les composés de la plante ont obtenu un feu vert en septembre. Il fournit ainsi du concentré sucrant à la société helvète Storms Drinks qui commercialise des sodas bio.

Pluie de brevets

Même aux Etats-Unis, véritable berceau de l’aspartame, les barrières commencent à tomber. « Depuis un an, ça bouge parce que des multinationales ont déposé des brevets », explique Joël Perret. Alléchés par le jackpot et soucieux de se démarquer de l’aspartame, de plus en plus décrié, Coca-Cola et Pepsi ont ainsi déposé des brevets sur le rebaudioside A. En décembre, l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments a rendu son verdict : son usage est désormais autorisé. Les premières boissons sucrées à la stévia viennent d’atterrir dans les rayons. Suivront vite chewing-gums, gâteaux et glaces.

INDIGESTION DE LOIS EN EUROPE

En matière d’aliments, la législation européenne est indigeste. Selon qu’on utilise la stévia entière ou ses composés, on ne tombe pas sous le coup de la même réglementation. Pour utiliser une plante en Europe, il faut qu’au moins un des 27 pays de l’Union la consomme de manière traditionnelle. Ce qui n’est pas le cas de la Stevia rebaudiana. La plante dépend donc du règlement européen « Novel Food » relatif aux nouveaux aliments. Elle doit faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché. Ainsi, une plante utilisée depuis des millénaires par les Amérindiens est considérée comme nouvelle en Europe. Et doit être classée dans la même catégorie que les OGM, par exemple.
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Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

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