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La France, reine de l’eau : jusqu’à quand ?

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La France, reine de l'eau : jusqu'à quand ?
(Dieter Telemans - Cosmos)
 
Veolia, Suez et Saur, leaders mondiaux de la distribution d’eau, c’est une « success-story » aux reflets bleu-blanc-rouge. Mais le robinet tourne et certaines villes, Paris en tête, reprennent leurs tuyaux.
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On les appelle les « trois sœurs ». Ce sont les trois géantes françaises de l’eau : Veolia, Suez et la petite dernière, Saur, parties à la conquête de la planète. Un marché fantastique, évalué à des milliers de milliards d’euros, alors que 95 % de la distribution de l’eau dans le monde échappe encore à toute intervention du secteur privé. En Chine, par exemple, « les trois quarts des contrats de construction d’usines sont décrochés par des entreprises françaises », explique Jean-François Donzier, le directeur général de l’Office international de l’eau, un organisme qui aide les Etats à organiser la distribution de l’eau et son assainissement. Mais quelle est la raison de la toute-puissance des « trois sœurs » ? Le responsable a une réponse toute simple : « Les entreprises françaises du secteur sont les meilleures. » Une explication un peu courte, car l’exception française trouve d’abord ses racines dans l’histoire.

Les trois quarts des Français sous opérateur privé

En France, les communes se sont vu confier la responsabilité de l’eau dès le XIXe siècle. Mais faute de moyens pour investir dans des systèmes de distribution d’eau potable, elles se sont tournées vers le privé. Comme Lyon, en 1853, qui passe contrat avec la Générale des eaux, créée pour l’occasion, et devenue aujourd’hui le bras aquatique de Veolia. Nantes et Paris suivent rapidement le mouvement. De quoi aiguiser des appétits. Au point que le Crédit lyonnais fonde en 1880 la Lyonnaise des eaux, aujourd’hui filiale de GDF-Suez. En 1933, un troisième larron se joint à la course, la Société d’aménagement urbain et rural (Saur). Mais le modèle de concession dans lequel les villes se déchargent complètement sur le privé ne parvient pas à développer l’accès à l’eau potable en France.

Selon la chercheuse Christelle Pezon (1), le taux de raccordement était passé de 0 % en 1850, à moins de 2 % cinquante ans plus tard. Si bien qu’à partir de 1900, ce sont les régies municipales qui prennent le relais et apportent l’eau à domicile. Mais à la fin des années 1960, les opérateurs privés proposent un autre mode de collaboration, baptisé affermage, qui rencontre un vif succès : la collectivité reste propriétaire de l’ensemble des installations et l’entreprise reçoit la délégation de service public. A charge pour elle d’entretenir et de faire fonctionner les installations, de verser une redevance à la collectivité et de faire payer le consommateur. Aujourd’hui, les trois quarts des Français reçoivent leur eau potable d’un opérateur privé, et les trois frangines ont bâti des empires.

« Attention, le modèle économique qui prévaut depuis un siècle s’écroule, analyse le journaliste au Monde diplomatique et consultant Marc Laimé (2). Car il repose sur une croissance indéfinie des volumes consommés. Or, depuis une quinzaine d’années, la consommation d’eau diminue en France. Tout est à revoir. »

Multiples défections

Sans compter que les règles du jeu ont bien changé : le capital de douze filiales communes des industriels français qui faussaient la concurrence a été clarifié. Quant à l’Union européenne, elle met la pression en termes de qualité des eaux. Enfin et surtout, malmenées par la crise et poussées par les organisations de consommateurs, les collectivités locales ne renouvellent plus les contrats les yeux fermés. Tout se discute âprement, ce qui tarit les rentes de situation qui ont fait les beaux jours des industriels. Plus grave encore, les défections de villes, et non des moindres, se multiplient : après Paris, qui a repris en main son eau début 2010 (lire ci-contre), d’autres ont suivi, comme la communauté d’agglomération de Montbéliard (Doubs) qui a dénoncé début juin le contrat qui la liait à Veolia, et qui reviendra au dispositif de régie dès 2015. « Dès 2011, la région Bretagne aidera financièrement les collectivités qui veulent revenir à une gestion publique de l’eau. », complète Marc Laimé. « Il faut arrêter de dire que l’eau est privatisée, répond Jean-François Donzier. Les industriels ne sont que des prestataires de service. D’ailleurs, si mouvement il y a, il est plutôt en faveur des partenariats public-privé. »

A l’étranger, les succès des industriels hexagonaux sont ternis par des échecs spectaculaires, comme celui de Suez à Buenos Aires en Argentine ou bien à La Paz en Bolivie (3). Car il n’est pas évident pour les opérateurs privés de faire payer les consommateurs des pays émergents. Ceux-ci se rebiffent et finissent par pousser les multinationales dehors. « La participation du consommateur est pourtant le seul moyen de développer les réseaux d’adduction à l’eau potable, explique Jean-François Donzier. Et elle est souvent inférieure à ce que réclament les marchands de seaux d’eau qui exploitent les populations les plus pauvres. Mais les entreprises françaises ne s’installent que dans les pays dont les gouvernements offrent des garanties dans la durée. » Autrement dit, il ne faudra pas compter sur le secteur privé pour apporter l’eau potable dans les régions les plus pauvres de la planète, et notamment en Afrique.—

(1) « Urban water conflict », éditions de l’Unesco, 2006.

(2) Sur le blog www.eauxglacees.com

(3) Suez a quitté l’Argentine en 2006 et la Bolivie en 2007.

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