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9-12-2011
Mots clés
Energies
Etats-Unis

L’uranium minera-t-il la Virginie ?

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L'uranium minera-t-il la Virginie ?
(La mine d'uranium de Jabiru, en Australie. Crédit photo : Grey Albatross - flickr)
 
Un moratoire interdisant l'exploitation de l'uranium dans l'Etat américain de Virginie pourrait être levé. Cette éventualité inquiète la population, qui craint une pollution.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« L’affaire semblait enterrée depuis près de trente ans, mais le gisement sommeillait toujours là… » Telle pourrait être résumée l’histoire de la petite bourgade américaine de Chatham, dans l’Etat de Virginie (Etats-Unis). A peine 1 300 âmes, mais sous ses collines et ses champs tranquilles patiente l’une des plus grosses réserves potentielles d’uranium non exploitée du pays. Un moratoire empêchant l’exploitation de mines dans cet Etat de l’Est américain avait clôt le débat en 1982. Mais plusieurs études, récemment publiées ou attendues de pied ferme, remettent la question au goût du jour. Et si on exploitait ces réserves ? Le nouveau chapitre de l’histoire de Chatham promet d’être mouvementé : lobbyings, batailles environnementales, appâts du gain et indépendance nucléaire au sommaire. Quoi de mieux pour révéler l’état d’une Amérique en crise et se questionnant sur son avenir énergétique ?

Le promoteur : Virginia Uranium Inc.

« Le pays a besoin d’uranium. Nous en avons besoin pour nos bateaux, nous avons besoin pour nos services d’énergie nucléaire. C’est mieux d’exploiter nos propres ressources naturelles plutôt que de les importer », affirme Walter Coles, dirigeant de Virginia Uranium Inc au New York Times [1]. Pour aboutir à ses fins - exploiter l’uranium de Virginie -, le septuagénaire et gérant a donc trouvé son filon : réveiller la fibre patriotique. Afin de faire tourner ses 104 réacteurs nucléaires, le pays de l’Oncle Sam doit en effet ingurgiter d’énormes quantités d’uranium : près de 23 000 tonnes chaque année, d’après le Red book uranium publié annuellement par l’OCDE. Problème : de moins bonne qualité que l’uranium australien (leader sur le marché) ou canadien, le minerai américain n’est pas très compétitif et sa production a fortement décliné dans les années 1980, alors que le cours chutait. Les Etats-Unis ne produisent donc aujourd’hui plus que 1 700 tonnes annuels et restent très dépendants des importations de yellowcake (concentré d’uranium).

Publiée fin novembre, une étude sur l’impact socioéconomique d’une exploitation du filon, réalisée pour le compte de la Commission énergie et charbon de Virginie, ouvre d’autres perspectives : en trente-cinq ans, elle pourrait produire 700 000 tonnes de minerai d’uranium la première année, puis 1,05 million de tonnes chaque année entre la seconde et la 21ème année, et 350 000 tonnes de la 22ème année jusqu’au terme. L’étude promet aussi « d’apporter des bénéfices économiques substantielles et bien nécessaires ». Entendez : la création de quelques 1 000 jobs, ainsi qu’un impact économique annuel net de 135 millions de dollars (environ 100 millions d’euros) pour la région. Alors que Chatham « travaille à construire l’économie et l’emploi dans la communauté » , comme l’indique son site internet la ville jadis connue pour sa production de tabac, l’annonce fait bien évidemment des heureux.

Le facilitateur : l’argent

Pas simple d’attendre près de trente ans pour pouvoir bénéficier de l’argent qui dort sous ses pieds : voilà ce qui a poussé les propriétaires sous les terres desquels gît l’uranium convoité, ainsi que des dizaines d’investisseurs locaux, à créer Virginia Uranium Inc., en 2007. Leur but ? Faire pencher la balance, et vite, en leur faveur, afin d’exploiter les réserves endormies de minerais. Leurs moyens ? De l’argent, beaucoup. D’après les données de l’Etat et le Virginia public access project, qui piste les dollars flirtant avec le milieu politique, la société minière a dépensé, depuis 2007, plus d’un demi-million de dollars (375 000 euros) en lobbying et relations publiques, allant même jusqu’à embarquer des législateurs américains en visite sur des sites canadiens et français [2].

Personnellement, Walter Coles a aussi versé 200 dollars (150 euros) au républicain Bryce Reeves, candidat gagnant de récentes élections sénatoriales dans l’Etat de Virginie, qui s’est logiquement positionné en faveur de l’exploitation minière, « tant que la science est derrière elle… »

L’empêcheur de tourner en rond : le moratoire

Mais pour l’instant, aucun coup de pioche n’est possible, à cause du moratoire, véritable bête noire de Walter Coles et de ses associés. Il a été décrété en 1982 en Virginie, à la suite de plusieurs études, et doit courir jusqu’à ce que des réglementations assurant une extraction d’uranium en toute sécurité soit traduites dans la législation. « L’Assemblée générale [de Virginie] et le gouverneur avaient décidé qu’il était dans l’intérêt des habitants de maintenir un moratoire sur les mines d’uranium en Virginie », rappelle le Piedmont environmental council. Faire sauter ce moratoire ? « C’est bien évidemment l’objectif de Virginia Uranium Inc », explique Cale Jaffe, représentant de l’association environnementale Southern environmental law center (SELC).

Les opposants : une partie de la population

« Nous ne sommes pas les seuls à défendre le moratoire. Il y bien sûr des militants écolos, mais aussi des associations locales, et beaucoup d’autres personnes individuellement » , précise le spécialiste du SELC. « Tout le monde a bien compris les risques qu’il y avait à reprendre l’exploitation d’uranium dans cette région, l’environnement y est très sensible. » Au cœur des inquiétudes (voir les témoignages) : l’opération de fraisage via laquelle est produite le fameux combustible nucléaire, dit « yellowcake ». Des débris radioactifs sont alors produits, avec le risque qu’ils se répandent dans l’environnement, notamment à la faveur des ouragans qui frappent régulièrement la région. Les cours d’eaux (voir la carte) seraient alors particulièrement menacés comme l’a conclu une étude réalisée pour Virginia Beach. En 1996, comme en 2004, deux tempêtes majeures avaient noyé la région sous les eaux, laissant augurer d’une catastrophe en cas de reprise des opérations de mines. 

L’Assemblée générale de Virginie est aujourd’hui sous le feu des projecteurs : comme elle l’avait décrété en 1982, elle pourrait lever le moratoire. Elle en débattait justement mercredi. Verdict ? Plutôt qu’une abrogation immédiate, la question pourrait être mise en « stand by » pendant un an, le temps pour les législateurs de discuter des règles permettant d’exploiter l’uranium en toute sécurité. « C’est absurde de commencer par penser à une réglementation. Cela signifie forcément qu’on s’apprête à lever le moratoire » , s’ingurge Cale Jaffe. En attendant, tout le monde espère voir délivrer rapidement les conclusions de l’étude de la National academy of sciences, qui doit assister la Virginie afin de savoir si l’exploitation peut ou pas reprendre dans cet Etat.

[1] Terra Eco, malgré de multiples relances, n’a pas pas pu recueillir de commentaires du dirigeant de la société.

[2] (La dernière mine d’uranium de l’Hexagone a été fermée en 2001, mais les anciens sites restent répertoriés sur la base MIMAUSA.)

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Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

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