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23-02-2012
Mots clés
Société
Monde

L’homme qui tombe à peak

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L'homme qui tombe à peak
(Crédit illustration : François Supiot)
 
Une nouvelle d’anticipation de Matthieu Auzanneau autour du pic pétrolier, illustrée par François Supiot. (3/4)
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Max Wise lève les yeux au ciel, discrètement. « Imbécile ! » Il scrute la nuque roide de l’officier supérieur de Xe-Blackwater, rêvant d’y enfoncer le poignard traditionnel suspendu à sa robe blanche. Le mercenaire américain s’éloigne vers le checkpoint où son Hummer l’attend, moteur allumé, encadré par une phalange de motards. Omettant le salut réglementaire, Max regarde le véhicule de son compatriote franchir le sas qui sépare le dôme hypotherme des faubourgs du terminal pétrolier de Dahran, en Arabie saoudite. « Moi aussi, je suis un mercenaire », se souvient alors l’écologiste royal. Une fois le sas refermé, Max tourne à son tour les talons et s’engouffre dans le bâtiment principal du centre de contrôle climatique.

Grosse journée en perspective. D’abord cette inspection de sécurité. Et dans trois heures, la jeune Sarah Poutine qui arrive avec sa cour à bord d’un Airbus A600 spécial d’Exxon-Rosneft pour visiter les installations des prochains jeux néolympiques. « Et cette pécore trillionnaire exige que la température extérieure ne dépasse pas 40 °C, se lamente Max en avançant vers son poste de commande. C’est vraiment génial, le pic pétrolier, grimace-t-il. Des émeutes et la misère partout, la mondialisation qui gangrène, et il y a encore des milliards de gens et des centaines de millions d’entreprises qui veulent du pétrole, en Asie, en Amérique latine et chez les über-riches d’Occident. Moins il y a de brut qui sort des puits – à part ici, en Arabie Saoudite –, plus le monde en est avide, plus le pétrole devient cher, et plus les majors de Big Oil consolident leur puissance… »

« Allez, au boulot ! Température au sol à midi à l’aéroport de Dahran : 65 °C. En baisse. Les chasseurs sont en train de mettre le paquet : largage des bombes à nuages à 4 000 pieds, comme d’hab. Les drones tapissent la haute atmosphère de poussières de souffre depuis avant-hier. R.A.S. du côté des satellites-miroirs, ils seront en position dans cinquante minutes. Mince, avec les 16 millions de dattiers OGM que le roi a fait planter l’an dernier sur la route de Dahran à Riyad, ça devrait suffire ! »

Satisfait, le géo-ingénieur se lève de sa console quantique. Souvent, il se sent pris de vertige en contemplant les fantastiques progrès du contrôle climatique accomplis grâce aux capitaux de l’or noir, depuis les nuages « climatisants » créés au-dessus des stades de la Coupe du monde de foot au Qatar en 2022. Depuis les nuages de pollution dispersés au-dessus de Pékin lors du soixantième anniversaire de l’ex-Chine populaire, en 2009. Depuis l’époque d’avant le pic pétrolier, quand Max n’était qu’un jeune chercheur à Stanford, dans le laboratoire d’Edward Teller, père de la bombe H et de l’art de refroidir la Terre. « Température à Dahran, 61 °C. Ok, ça commence. » Le géo-ingénieur lance quelques ordres, puis s’esquive dans son vestiaire privé.

Fermer la combinaison-distille, ouvrir le sas, franchir le sphincter plastique. Enfin l’air libre. Dernier réglage de l’axe des panneaux du vélo solaire, et c’est parti ! A 75 km/h, Max Wise longe les eaux fumantes du golfe Persique. Personne dans les rues, bien entendu, à part quelques grappes fuyantes de domestiques. Max pédale comme un fou, pour vite dépasser les dômes opaques des villas des pétro-ingénieurs et des officiers de la milice royale. Son badge RFID ouvre le portique « Al-Qaeda proof » qui verrouille la sortie de la capitale pétrolière saoudienne. Face à lui, le désert se couvre rapidement d’une ombre écarlate : à des milliers de kilomètres au zénith, les satellites-miroirs ont commencé l’oblitération du disque solaire. Max Wise perçoit soudain une sourde pulsation. Est-ce le sang contre ses tempes ou le rythme lointain des puits du mégachamp de Ghawar, le plus grand du monde, et le dernier à ne pas avoir encore amorcé son déclin ? Au loin, de l’autre côté, vers la mer, les torchères parfont le spectacle incandescent de l’ultime puissance du pétrole, siège solitaire d’un tyran triomphant au milieu de son empire à l’agonie. Max n’en peut plus. Dans une semaine, le pôle Nord. Enfin.

Retrouvez le dernier épisode de cette nouvelle exclusive le mois prochain… et les deux premiers sur Terraeco.net, ici et .

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Chargé de la prospective et du lobbying au Shift Project, think tank de la transition carbone, et blogueur invité du Monde

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