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29-01-2009

L’équitable ? Difficile à éplucher

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Elle est jaune, oblongue et mangeable en banana split. Son signe de reconnaissance : le logo Max Havelaar, seul organisme en France qui garantit que ce fruit n’est pas passé par une filière conventionnelle. Vraiment équitable ?
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Que recouvre ce label ?

La clé, c’est le label. Et pour pouvoir décrocher ce sésame délivré par FLO, l’organisme international de certification du commerce équitable, les petits producteurs de bananes et l’importateur établissent un contrat. Ce bout de papier stipule un prix plancher par caisse de bananes (18,14 kg). La règle est simple. Le tarif est fixé selon les conditions de production et de vie du pays. Il garantit au moins le prix du marché. Pour chaque caisse, 1 dollar supplémentaire doit financer des projets communautaires environnementaux ou sociaux. L’objectif : permettre aux petits producteurs d’accéder aux marchés internationaux. C’est le réseau des Biocoop qui, dès 2001, a tiré le premier dans l’Hexagone.

En France, la banane équitable reste un mets rare. 7 189 tonnes ont été distribuées l’année dernière. Une augmentation certes spectaculaire de 60 % par rapport à 2006, mais qui représente tout juste 1 % de la consommation nationale de bananes. Chez nous, 99 % des bananes certifiées équitables sont aussi bio, ce qui explique, en partie, leur prix élevé. Début 2009, dans un supermarché parisien, la banane bio de République dominicaine, labellisée Max Havelaar, coûtait 2,50 euros le kilo quand, de l’autre côté du présentoir, la Cavendish venue du Cameroun ou de la Martinique se vendait à 1,75 euro le kilo.

Qui se cache derrière la banane équitable ?

Douze organisations de producteurs certifiés dans cinq pays (République dominicaine, Ghana, Colombie, Pérou et Equateur) vendent sur le marché français. De l’autre côté, chez les importateurs, on trouve de tout. Le plus gros – la moitié des bananes équitables commercialisées en France – se nomme AgroFair. La société distribue sous sa propre marque, Oke, dans les supermarchés Casino, Carrefour et Leclerc. Créée aux Pays-Bas en 1997, cette structure appartient pour moitié aux producteurs eux mêmes qui sont coactionnaires via une coopérative internationale. « En cas d’ouragan en République dominicaine, d’inondations en Equateur ou au Pérou, explique Gilles Deprelle, représentant d’Agro- Fair en France, nous restons forts. En travaillant ensemble, nous mutualisons les risques. »

Mais d’autres sociétés, à l’origine très éloignées des principes du commerce équitable, sont présentes dans les circuits, comme le géant des fruits et légumes Pomona ou la multinationale du fruit Dole. Cette dernière fait, avec d’autres, la pluie et le beau temps sur le marché de la banane « classique ». Sa branche française a développé, depuis 2005, une petite filière équitable : 1 000 tonnes distribuées cette année, soit 1 % du volume bananes de Dole France.

Quel profit pour le petit producteur ?

C’est la question qui fait mal. La filière est en effet plutôt opaque. Solveig Roquigny, doctorante à l’UMR MOISA du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), finalise actuellement une étude de terrain de plusieurs mois en République dominicaine puis en Europe [1]. Elle a passé au scanner les filières conventionnelle, bio, équitable et bioéquitable. Ses résultats sont plus nuancés que l’image attendue. Certes, le producteur gagne mieux sa vie. Une fois les coûts de production déduits, sa caisse de bananes équitables lui rapporte deux fois plus que s’il l’avait vendue sur la filière conventionnelle. Mais s’il cultive en bioéquitable, sa marge n’est que de 16 % supérieure. Quant à savoir où vont les sous déboursés par la ménagère française, c’est une autre histoire.

La chercheuse a suivi la piste de la banane dominicaine jusqu’à la caisse du supermarché. A l’arrivée, 13,2 % du prix d’une caisse revient au producteur dans la filière équitable, contre 12,9 % dans la filière conventionnelle et seulement 11,7 % dans la filière bioéquitable celle que l’on trouve communément en France ! Maigre différence. « Ce sont les supermarchés qui continuent de mener la danse, les producteurs demeurent très dépendants des acteurs de l’aval », explique Solveig Roquigny. Ainsi, dans la filière bio-équitable, 48 % du prix de détail va dans les poches de la grande surface qui commercialise le banane, contre 42 % dans la filière conventionnelle et, plus raisonnablement, 28 % dans la filière équitable !

Plus préoccupant aux yeux de la chercheuse, ce sont les mêmes acteurs (exportateurs, importateurs, mûrisseurs, distributeurs) qui opèrent sur les filières alternatives et conventionnelle. En d’autres termes, les filières de la banane équitable sont soumises à une très forte concurrence, bien loin des idéaux d’une équité dans le commerce. En République dominicaine, la plus grande plantation du pays a également reçu une certification FLO et commercialise des bananes équitables. Or, elle appartient au plus gros exportateur de bananes de République dominicaine, qui se charge du remplissage des bateaux et par qui doivent également passer les petits producteurs pour exporter leurs propres bananes équitables. « Les mêmes logiques guident les deux filières. Un jour, si les petits producteurs ne sont pas assez compétitifs, on pourra s’en passer », s’inquiète la chercheuse.

Max Havelaar

Petits producteurs de bananes équatoriens El Guabo

AgroFair

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[1] Enquête menée sur 38 producteurs dominicains, entre 2006 et 2007.

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