Dans la cuisine, il est partout. Souvent à notre insu, car il n’a aucun goût et se fait discret sur les étiquettes. L’aluminium, métal le plus abondant de la croûte terrestre, est naturellement présent dans la nourriture. La plupart des denrées alimentaires non transformées en contiennent moins de 5 mg/kg. Les pains, gâteaux et biscuits en renferment davantage, tout comme les radis, les épinards, les laitues et les champignons. C’est dans les herbes aromatiques, le thé et le cacao que les concentrations sont les plus fortes.
La grande migration du métal
Les nombreuses propriétés de l’aluminium en ont fait un allié des industriels de l’agroalimentaire, qui l’utilisent comme additif (E173), sous différentes formules chimiques : sulfates (la gamme des E520 à E523), phosphates (E541) ou silicates (E554-555-556-559). Sous ces formes, l’aluminium sert de conservateur dans les charcuteries, de levant dans les gâteaux, d’agent de blanchiment dans les pains et les farines, d’antiagglomérant dans le sel ou les poudres de lait pour bébé, de colorant dans les confiseries, etc. En France, il n’existe aucune valeur obligatoire sur la teneur maximale en aluminium dans les aliments. La réglementation ne vaut que pour chaque additif, pris isolément. Des seuils limites sont également établis pour les casseroles, canettes, conserves et emballages. Car le métal peut migrer vers la nourriture, surtout à haute température. D’autant plus s’il est de mauvaise qualité, si le contact s’éternise ou si la denrée est acide ou très salée.
Dans l’eau du robinet
« Il faut bannir les poissons en papillote avec du citron et les confitures cuisinées dans des ustensiles en alu car l’acide des fruits attaque le métal qui pénètre la nourriture que vous ingérez. Et qui se dissout ensuite dans vos graisses et votre sang », explique André Picot, président de l’association Toxicologie-Chimie. L’idéal, dans l’alimentation, est de le remplacer par du papier sulfurisé ou du film étirable en plastique. Et pour les récipients, préférez le verre. L’eau du robinet aussi contient de l’aluminium. Les stations de traitement de l’eau en utilisent sous forme de sulfates afin d’agréger les matières en suspension et de clarifier le liquide. En France, le seuil à ne pas dépasser est de 0,2 mg/l car, à haute dose, l’aluminium est neurotoxique. Coup de chance pour les Parisiens : la société chargée de distribuer l’eau dans la capitale a remplacé dès 1978 les sulfates d’alu par des sels de fer, aux mêmes propriétés. Le but de la manœuvre ? Faire réaliser des économies aux hôpitaux en permettant aux insuffisants rénaux d’effectuer sans risque leurs hémodialyses à domicile. Auparavant, les bains de dialyse étaient remplis d’eau chargée en sulfates d’alu ; le métal passait dans le sang pour atteindre le cerveau et provoquait à long terme des neuropathies – troubles moteurs, convulsions, dégénérescence cérébrale – chez les dialysés…
Cosmétiques et vaccins
Mais être exposé tous les jours à des doses relativement faibles, via l’alimentation, présente-t-il des risques ? « L’aluminium n’apporte rien à l’organisme. Notre corps fait tout pour le chasser et l’élimine en grande partie », observe Pierre Souvet, président de l’Association santé environnement France. Si la quasi-totalité de l’alu que nous gobons est excrétée, une petite quantité (de 0,1 % à 0,3 % selon l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments) va se ficher dans nos os, notre cerveau mais aussi le placenta ou le fœtus. Plusieurs études montrent qu’adjoindre de l’aluminium dans les repas des souris a sur elles des effets neurotoxiques et embryotoxiques.
« Chez l’homme, il n’est pas facile d’imputer directement les maladies neurodégénératives à l’aluminium avalé, puisque d’autres produits, comme les cosmétiques et les vaccins, en contiennent et qu’il se cumule avec des substances neurotoxiques comme le mercure ou le plomb », détaille Eliane Serre, représentante de l’UFC-Que Choisir en Aquitaine. Les scientifiques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ont conclu, dans un rapport de 2011, qu’« un risque lié à l’exposition alimentaire à l’aluminium ne peut être exclu pour certains groupes de consommateurs ». Ils recommandent donc d’en limiter autant que possible la consommation. Et si on remplaçait l’alu par l’or dans nos cuisines ? —
Ne pas forcer la dose…
Il existe une dose hebdomadaire tolérable provisoire (DHTP) d’aluminium établie par l’Organisation mondiale de la santé et validée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Elle s’applique à tous les composés d’aluminium présents dans les aliments et est fixée à un mg par kg de poids corporel par semaine, soit en moyenne 8,5 mg/jour pour un adulte. Elle est censée garantir qu’en deçà on ne court aucun risque. En France, l’apport moyen en aluminium lié aux denrées alimentaires est de 0,43 mg/kg de poids corporel par semaine chez les nourrissons, de 0,26 mg chez les 3-17 ans et de 0,16 mg chez l’adulte (chiffres de 2008 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Les plus forts contributeurs sont les boissons chaudes autres que le café (13 %) et les légumes, hormis les pommes de terre (11 %). L’exposition moyenne des Français est donc inférieure à la dose tolérée. Sauf qu’« on la baisse au fur et à mesure qu’avancent les recherches », explique Virginie Belle, auteure de Quand l’aluminium nous empoisonne (Max Milo, 2010). Pour arriver au taux actuel, la DHTP a ainsi été divisée par sept en 2006 ! —
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions