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31-08-2006
Mots clés
Marques, Marketing
Multinationales
Monde

L’ONG est une multinationale

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Pour convaincre, grossir et faire mouche, les Organisations non gouvernementales agissent comme des multinationales. L'une d'entre-elles - Oxfam - ouvre sa première antenne en France. Enquête sur le marketing de la charité.
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Un casse-tête permanent. Chaque année, les Organisations non gouvernementales de la planète se démènent pour boucler leur budget. Fini le porte-à-porte et place aux grands moyens. Une ONG ressemble désormais davantage à une multinationale qu’à une association caritative. L’organisation internationale Oxfam n’échappe pas à la règle. Elle affiche pour la première fois son label en France, sous les commandes de l’association Agir Ici. Sa mission ? Trouver les 265 millions d’euros nécessaires à son fonctionnement. Mode d’emploi en six leçons.

1. Etre partout - Oxfam (Oxford Commitee for Famine Relief) regroupe 4 500 âmes dévouées à la lutte contre la pauvreté dans le monde. Créée au milieu de la Seconde Guerre mondiale, l’ONG s’appuie douze relais : Grande-Bretagne, Etats-Unis, Australie, Canada, Belgique, Allemagne, Hong-Kong, Espagne, Irlande, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Québec. Ceux-ci répartissent leurs fonds sur l’ensemble de la planète. Chacun est en charge d’un bout de terrain sur lequel il doit lancer des opérations d’urgence en cas de catastrophe, comme installer un réseau sanitaire, subventionner la construction d’une école, ou d’un dispensaire. Ce saucissonnage permet à l’organisation de rayonner dans 70 pays. Mais contrairement à beaucoup de ses consœurs, Oxfam préfère la décentralisation à la méthode Louis XIV. Chacun de ses bureaux à l’étranger constitue une organisation indépendante du cœur oxfordien. Il doit gérer son propre financement, mettre la pression sur les élus, faire gratter des kilomètres de papier à ses feuilles de choux locales. "Une force", selon Matthew Granger, responsable de la communication pour Oxfam international : "Un gouvernement pliera plus facilement face à une association composée de ses ressortissants. Les gens n’aiment pas beaucoup que des Anglais débarquent sur leur terre pour leur dire quoi faire".

Oxfam ne se contente pas d’aller voir ailleurs si l’on a besoin d’elle, elle occupe aussi fermement le devant de la porte "occidentale". Car Oxfam, ce sont 1 175 magasins de produits d’occasion (vêtements, livres, vaisselle, etc.) ouverts dans sept et bientôt huit pays (en France, à Lille à l’automne). Rien qu’en Grande-Bretagne, 750 boutiques ont ainsi pignon sur rue. A force d’occuper de pied ferme le terrain britannique et de s’illustrer ailleurs, Oxfam s’est offert une place de choix : 9 Britanniques sur 10 citent d’abord Oxfam dans la liste des associations caritatives qu’ils connaissent.

2. Peser lourd - Pour parvenir à s’infiltrer, Oxfam se fait lobbyiste. Toute une armada "d’oxfamiens" est chargée de pister les problèmes de la planète et de les transformer en autant de chevaux de bataille. Reste ensuite à gagner les consciences. Pour lutter pour un commerce équitable, la campagne "Big Noise" (Grand bruit), lancée en avril 2002, s’est attelée à résonner le plus loin possible, grâce à des millions de signatures apposées sur une gigantesque pétition. Tandis que l’opération "1 million faces" (1 million de visages) s’est attachée dès le mois d’octobre 2003 à élaborer un trombinoscope géant pour attirer l’attention sur la prolifération d’armes. Objectif atteint en juin dernier par Julius Arile, un athlète kenyan de 23 ans, millionième signataire. Ce citoyen africain victime de la violence armée au Kenya a remis la pétition au secrétaire général des Nations unies en mains propres.

Mais parler fort ne sert à rien sans personne pour écouter. Il faut donc curer les oreilles des décisionnaires : Tony Blair, George Bush, Jacques Chirac... Pour chaque campagne, des lettres, courriels, coups de fil sont passés à leurs secrétariats. Et les pages des journaux sont prises d’assaut. "Il s’agit d’interpeller les gouvernements sur certaines actions et de leur faire honte", explique Jo Leadbeater, chef du bureau du plaidoyer. Technique payante, car la masse militante pèse lourd au cœur des gouvernements et leur fait quelquefois lâcher prise. "En février 2005, nous avons publié un classement des pays européens selon l’importance de l’aide qu’ils consacrent aux pays en voie de développement, illustre Joe Leadbeater. D’un côté se tenaient les très bons élèves comme la Suède et le Luxembourg, de l’autre les cancres comme l’Italie, la Grèce ou le Portugal. Les gouvernements ont eu honte d’être classés en queue de peloton. Quelques temps plus tard, les pays de l’UE se sont engagés à consacrer davantage d’argent au développement".

3. Se faire de bons amis - Pour être certain de prendre quelques kilos sur la balance de la cause humanitaire, rien de mieux que des poids lourds. Oxfam en a "recruté" quelques uns. Chris Martin du groupe ColdPlay est devenu la figure de proue de l’opération "Make Fair Trade" (Faites du commerce équitable). Les chanteurs Youssou N’Dour et Michael Stipe (REM), les acteurs Antonio Banderas et Helen Mirren se sont faits photographier, heurtés de plein fouet par une cascade de lait ou de chocolat, engloutis sous une montagne de céréales... L’objectif pour Greg Williams, photographe de la campagne : "Montrer qu’un produit de consommation courante peut être utilisé pour blesser ou humilier."

4. Travailler son image - Créée en 1942, Oxfam commençait à afficher quelques rides. Du point de vue du citoyen britannique lambda, l’organisation ressemblait à une succession de vieilles boutiques vertes, emplies jusqu’à la geule d’un bric-à-brac sans valeur. Mais depuis quelques années, les magasins changent, se modernisent. "Aujourd’hui, explique Katie Abbotts, chargée des relations publiques, ils sont classés par spécialité : il y a les Oxfam vêtements, les Oxfam livres. Il existe même un magasin à Notting Hill - un quartier chic du nord de Londres - spécialisé dans les produits de design de luxe". Un changement tel, que les Britanniques reprochent à l’organisation d’avoir délaissé le registre de la pauvreté. Car ces produits coûtent cher. Réponse de Helen Palmer, directrice de la communication : "Nos produits ne sont pas destinés aux pauvres. C’est l’argent de leur vente qui leur est réservé".

A l’étranger, c’est contre une autre caricature qu’Oxfam doit lutter. Celle du "blanc colonisateur débarqué avec ses valises, ses bidets et sa conviction de pouvoir jouer les donneurs de leçons au tiers monde". Une image qui colle encore au comportement de certains humanitaires. Pourtant, se défend Hélène Palmer, "nous n’envoyons pas de bénévoles sur place. A peine quelques ingénieurs. Le reste est fait, supervisé, organisé par des employés locaux". N’empêche, l’image d’une "Lady Di, un bébé dans les bras, persiste", affirme la chargée de communication.

5. Parler marketing - Mission accomplie. Oxfam a été vue, entendue, parrainée et son image perçue correctement. Mais aucune pièce ne résonne encore dans ses caisses. Que faire ? Chasser le donateur, fusil à l’épaule et appeau aux lèvres. Car il s’agit d’appâter les novices grâce à l’arsenal traditionnel : spots TV, affiches, publicité dans les journaux... Mais que lui dire ? Il y a certes le message traditionnel : "Rejoignez-nous pour lutter contre la pauvreté". Mais le donateur n’aime pas la couleur du vague. Et rien ne vaut le spectre d’une catastrophe pour faire signer des chèques. Chez Oxfam britannique, les dons restrictifs - engagés pour s’appliquer à un événement particulier - ont grimpé en flèche l’année passée - 145 millions d’euros contre 65 l’année précédente.

Le premier chèque a été signé. Le donateur a rencontré son chasseur. Reste à le fidéliser. Un pack de bienvenue, un coup de fil quelques jours après le premier don, suivi d’un autre deux mois plus tard. "La première année s’avère la plus critique, celle où les départs sont les plus nombreux, décrypte Liz Weekes, membre de l’équipe marketing. Alors pour éviter l’hémorragie, il faut jouer les originaux, histoire de semer la concurrence. Au registre des innovations : un livret de cadeaux à offrir pour les fêtes. Un chameau pour 140 euros ou un âne pour 73 euros. Fauché ? Il vous reste les toilettes (44 euros) ou le seau équipé d’un robinet (34 euros). Naturellement, rien de tout cela n’atterrira chez vous mais sur un sol africain, ou dans un jardin indien.

Les voilà séduits, fidélisés, reste à les enchaîner... à mort. Car chez Oxfam, les legs posthumes pèsent lourd dans le bilan financier : 15,5 millions d’euros en 2005 en Grande-Bretagne.

6. Jouer la transparence - Une fois l’argent encaissé, surtout ne pas le laisser couler sans surveillance. Informer les donateurs pour gagner leur confiance et assurer le ballet de leurs transactions bancaires. Sur le site d’Oxfam, un journal de bord raconte jour après jour les tribulations d’un billet de banque en Inde, en Ethiopie... Là un avion humanitaire vient de décoller pour le Liban, chargé d’eau. Ici, des ingénieurs partent, pioches et pelles à la main, creuser des sanitaires en Afrique.

Un rapport du Centre for Policy Studies (CPS) publié en août [1] accuse les associations caritatives de "consacrer trop d’argent à leur fonctionnement administratif et leur politique marketing". "Faux", rétorque Oxfam, qui brandit un petit livre rouge destiné à ses ouailles. (voir ci-dessous). Objectif du fascicule : débarrasser les donateurs de toute mauvaise pensée et ouvrir grand leur porte-monnaie. Aucune barrière ne doit entraver la marche en avant d’Oxfam.

ARTICLES LIES

- ONG : 10 idées reçues à combattre

[1] Le rapport en anglais du CPS

Sources de cet article

Le site d’Oxfam

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