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La Finance Solidaire

Par Thomas Lagoarde-Segot
1-10-2013

L’Investissement Socialement Responsable (ISR) : un mirage ?

Le concept de développement durable est en passe de faire l’unanimité au sein de l’industrie financière. L’investissement socialement responsable (ISR) représentait en 2012 13.6 trillions de dollars dans le monde, soit 22% des actifs gérés globalement (et 8 trillions de dollars et 65% des actifs gérés en Europe). Les acteurs de l’investissement socialement responsable sont principalement les investisseurs institutionnels (fonds de pension, fondations privées), les sociétés de gestion, et les fonds de placement spécialisés pour particuliers (fonds éthiques). La promesse des fonds d’investissement socialement responsable est d’obtenir des rendements financiers concurrentiels (c’est-à-dire, supérieurs ou égaux aux « rendements d’équilibre » définis par le marché) pour le compte de leurs clients, tout en dégageant des rendements sociaux et environnementaux pour la société.

Pourtant, de nombreuses raisons laissent à penser que l’ISR n’est pas une panacée. Premièrement, les études économétriques comparant la performance de l’investissement socialement responsable avec les stratégies d’investissement standards ont dégagé des résultats très ambigus. Prendre en compte des critères extra-financiers empêche en effet les investisseurs de sélectionner les actifs ayant des caractéristiques optimales en terme de risque individuel, de rendement individuel et d’intercorrélation.

Deuxièmement, la promesse des fonds ISR d’atteindre non pas la viabilité financière, mais d’offrir des rendements de marché compétitifs à leurs clients, n’est pas sans entraîner une certaine schizophrénie chez les gestionnaires de portefeuilles labellisés ISR. Par exemple, la technique du « meilleur dans sa catégorie » (best in class) permet d’inclure de nombreuses entreprises de secteurs à forte empreinte écologique (énergies fossiles, extraction minière, restauration rapide…) dans les portefeuilles ISR afin d’accroître le rendement financier. De fait, les nombreuses exceptions appliquées par les gestionnaires permettent aujourd’hui à quasiment toute entreprise côtée d’être inclue dans un fonds ISR (en 2004 ; 90% des entreprises du Fortune 500 étaient inclues dans des portefeuilles internationaux ISR) (Hawken, 2004).

Enfin, la qualité de l’information extra-financière utilisée par les fonds peut être sujette à caution. D’une part, les données objectives et systématiques sur la performance sociale et environnementale des entreprises sont rares. Les catégorisations effectuées par les fonds ISR sont souvent ad-hoc, et peu précises. D’autre part, en l’absence de réglementations suffisamment contraignantes, une entreprise peut facilement contourner l’évaluation de sa RSE. Elle peut en effet limiter ou déformer les informations sur son niveau de pollution, grâce à des stratégies de communication élaborées. Elle peut également faire pression sur les régulateurs et investisseurs de manière à éviter la mise en place de mécanismes contraignants.

Fondamentalement, la question est donc de savoir s’il est possible de contribuer au développement soutenable tout en respectant les critères dits de « bonne gestion » financière, qui sont principalement un construit social issu de trentes années de financiarisation de l’économie. Celle-ci a eu pour effet de donner la primauté aux actionnaires au détriment des autres parties prenantes de l’entreprise, et de soumettre le management à une logique de court terme. L’investissement socialement responsable ne remet pas cette logique en question, mais y participe, en proposant d’étendre le principe de maximisation de la valeur actionnariale à des facteurs extrafinanciers.

Le développement durable appelle probablement un changement plus profond du financement et de la gouvernance des entreprises. Par exemple, une nouvelle forme de finance (la finance solidaire) émerge depuis une dizaine d’années, en rupture avec la logique de l’accumulation financière. Ces nouvelles institutions financières se réclament d’un positionnement éthique basé sur la prise de conscience des dangers d’une économie orientée vers la recherche de profits de court terme, et ont pour objectif d’orienter l’allocation de l’épargne vers des activités génératrices de bien-être. Elles permettent ainsi à de nombreux épargnants d’exprimer leurs valeurs éthiques, tout en donnant des opportunités aux nouveaux entrepreneurs de l’économie solidaire.

L’objet de ce blog sera d’analyser les principes et les pratiques de ces institutions financières alternatives. Nous présenterons par exemple les critiques adressées par les parties prenantes de la finance solidaire au secteur financier traditionnel. Nous appréhenderons également les pratiques des acteurs de la finance solidaire par des études de cas, issues du secteur européen de la Banque Ethique et Alternative pour la finance intermédiée, et du mouvement nord-américain du Slow Money pour la finance de marché.

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