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27-03-2011
Mots clés
Sciences
Biodiversité
France
Pôles

Jean-Louis Etienne, Papy pôle

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Jean-Louis Etienne, Papy pôle
(Infographies : Stéphane Lagoutte - MYOP)
 
Plus James Cook que Nicolas Hulot, l’explorateur des pôles enchaîne les expéditions, prenant conscience peu à peu du péril environnemental. Mais l’homme tient davantage du passeur de rêves pour le grand public que de l’écolo acharné.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Pas de hall en verre, de portier ou de secrétaire. C’est lui qui répond à l’interphone. Lui encore qui ouvre la voie vers un bureau parisien aux airs bohèmes. Il y a un vieux canapé, une cheminée ancienne, des livres et des maquettes. Crâne chenu et accent du sud, Jean-Louis Etienne joue de simplicité, s’abandonne au tutoiement. Ainsi le décrivent invariablement ceux qui l’ont croisé. « C’est un gars simple », confie une vieille connaissance, Philippe Rossigneux, président d’une association d’aide aux toxicomanes. « Profondément gentil et humain », complète Ghislain Bardout, un ex-assistant.

Ni showman, ni courtisan, Jean-Louis Etienne a gardé un goût pour l’aventure vieille école, tendue vers le rêve. Crayon en main, feuille blanche sous la paume, il conte son prochain projet, celui d’une plate-forme océanographique de trois étages lâchée dans le courant circumpolaire antarctique. Ainsi, on pourra mesurer les changements climatiques dans l’océan austral, explique-t-il avec emphase.

L’enthousiasme, il est né avec, il y a soixante-cinq ans : « J’aimais les expéditions, les caravanes qui partaient explorer, tous ces récits anciens de Scott, de Bougainville, de Cook… » Alors, il a emboîté le pas à ses héros. Pourtant, les grands paysages n’avaient pas encore frappé sa rétine. « Les gens qui font du bateau, ils sont nés en Bretagne. Ils sont imprégnés depuis longtemps. Les alpinistes, c’est pareil. » Lui est né à Vielmur-sur-Agoût, dans le Tarn. Un brin cossard, il file au collège technique, passe un CAP d’ajusteur sur métaux, avant d’être repêché. Il opte alors pour la médecine.

Le lien se tisse. Son diplôme deviendra passeport pour l’aventure. Il embarque dans un tour du monde à la voile avec Eric Tabarly. Au Groenland, en Patagonie, dans l’Himalaya, il joue les toubibs de cordée. Quinze ans passent. « J’avais 38 ans. Je me suis dit qu’il fallait peut-être que je m’installe. Mais avant, je voulais monter ma propre expédition. » Jean-Louis Etienne décide de traverser le pôle Nord sur des skis, harnaché d’un traîneau. Mille kilomètres de traversée en 63 jours. « Etre alpiniste, c’est très technique. Marin de compétition, aussi. Moi, je n’avais pas ce background. Mais j’étais un bon campeur », précise-t-il simplement.

Une crème de pédagogue

Il en revient avec une « endurance mentale » et davantage de lignes directes dans son répertoire. Et les expéditions s’enchaînent. En 1989, il boucle une traversée de l’Antarctique. Deux ans plus tard, il file vers les terres australes à bord de sa goélette Antarctica, qui deviendra Tara après son rachat. Sa silhouette engoncée dans une parka devient une image familière, douce au chevet des enfants. C’est d’ailleurs vers eux qu’il porte sa voix. Pour l’expédition Antarctica, il noue un partenariat avec l’Education nationale et envoie textes et images aux écoles via le minitel. Jean-Louis Etienne se révèle une crème de pédagogue, un concentré de prof. « J’aime ça, trouver des explications simples à des phénomènes complexes. »

« Il le fait mieux que d’autres, souligne Hervé Le Treut, climatologue. Dans le respect de la communauté scientifique et la compréhension des enjeux de la science. » Ses moyens financiers et techniques, il les met au service des chercheurs. Mais pour quels résultats ? Sur les forums, les critiques fusent : « Les distractions polaires de Jean-Louis Etienne n’ont pas grand-chose à voir avec la science, loin s’en faut ! Elles servent à faire parler de lui », souligne un internaute. Certes, mesurer le CO2 de l’air ou le pH des océans n’est pas franchement novateur. « Je ne sais pas si, sans le contexte de l’aventure, on ferait ces mesures-là, concède Hervé Le Treut. Mais il s’appuie sur de vrais scientifiques, va dans des endroits où personne ne va. »

D’autres lui reprochent sa proximité avec les industriels. « On se souvient d’une de ses expéditions éminemment écologiques “ parrainée ” par Total. Logique : en tant que producteur de combustibles émetteurs de gaz à effet de serre, Total est le mieux placé pour mesurer le réchauffement climatique », ironisait sur son blog le journaliste de Télérama, Samuel Gontier, en avril 2010. L’argent, Jean-Louis Etienne promet néanmoins de le mettre au service de la lutte contre le changement climatique. « Au départ, l’environnement n’était sans doute pas son premier sujet de préoccupation. Et puis, il a été confronté à la dégradation du climat dans les pôles, explique Stéphane Compoint, photographe sur quelques-unes de ses expéditions. Face à ça, chacun a ses armes : Yann Arthus-Bertrand fait des photos et des films ; Nicolas Hulot a sa fondation ; Jean-Louis Etienne, lui, fait rêver le grand public. »

Chasser sur ses vieilles terres

Regard embué de songes, Papy pôle – c’est son surnom – a peut-être raté le train de la modernité. Ancré dans l’imaginaire collectif, il est absent des grands débats. « Il y a quelques porte-paroles beaucoup plus emblématiques qui ont émergé, comme Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand, reconnaît Jean-Louis Etienne. Je me rends compte que je ne suis pas à ce niveau de notoriété (…). Borloo m’a appelé à ses débuts (au ministère de l’Ecologie, ndlr). Mais autour de lui, il y a de nouveaux entrants, des Maud Fontenoy qui sont beaucoup plus médiatiques. Moi, je ne suis pas un homme de cabinet. »

L’explorateur préfère chasser sur ses vieilles terres. Mais là encore, les temps ont changé. L’homme doit tailler ses rêves au piolet. Le « bateau océanographique du futur » dont il rêvait deviendra finalement une plate-forme dérivante, faute de moyens. La relève d’équipage se fera tous les trois ou quatre mois. Lui fera partie de la première fournée. « La plate-forme est partie pour longtemps. A mon avis, elle va me survivre ! », prédit Papy pôle. —


Jean-Louis Etienne en dates

1946 Naissance à Vielmur-sur-Agoût (Tarn)

1986 Devient le premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire, après un premier échec en 1985

1989 Traversée de l’Antarctique en traîneau à chiens avec une expédition internationale

1991-1992 Expédition en Patagonie, Géorgie du Sud et dans la péninsule Antarctique à bord du voilier polaire Antarctica

22 janvier 2008 Son dirigeable, destiné à une mission en Arctique, se détache de son amarrage et s’écrase sur une maison

2010 Survol du pôle Nord en ballon

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