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30-03-2006
Mots clés
Social
Société
France

Je suis patron et je fais du social : ça vous dérange ?

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Ils ne font guère parler d'eux et jouent souvent les originaux. Terra Economica est allé à la rencontre des "patrons sociaux", ces animaux pas comme les autres, qui s'échinent à remettre l'humain au coeur des entreprises. Alors que fait rage le débat sur le CPE, leur expérience est plutôt rafraîchissante.
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Claude-Jean Desvignes est patron de PME. Il est rongé par le blues. En perdant son principal client, il a vu son chiffre d’affaires amputé de plus de 10 %. La guigne. A deux doigts de se débarrasser de sa boîte et de se laver les mains de l’avenir de son personnel, Claude-Jean prend une décision étrange. Il s’asseoit à son bureau et commence à pondre un journal intime dans lequel vont se bousculer ses doutes, ses contradictions, et ses idées reçues sur son rôle de chef d’entreprise.

"Je suis le patron, le chef, le dirigeant, le boss, le capitaine, le suzerain, le top niveau, le chieur, l’empêcheur de tourner en rond... c’est ainsi que mes salariés me voient" couche-t-il d’entrée. Ainsi commence un lent et étonnant processus de rédemption patronale. Ce jeune dirigeant va se mettre à l’écoute de ses employés, de leurs besoins et aspirations. Jusqu’au constat suprême, qui vaut excommunication directe par le pape CAC 40 : le profit n’est pas tout dans la vie.

On croit rêver et c’est un peu vrai. Car Claude-Jean Desvignes n’existe pas. Ce personnage est un condensé de témoignages de membres du Centre des jeunes dirigeants, le CJD. Le tout a été regroupé dans un recueil baptisé Portrait idéal d’un entreprenariat à visage humain [1]. "Les journalistes et le Médef nous prennent souvent pour de doux rêveurs", s’amuse Françoise Cocuelle, l’actuelle présidente. Quand le CJD est fondé en 1938 (à l’époque, le Centre des jeunes patrons), le chef d’entreprise est perçu comme un affameur de la classe ouvrière. Alors ses adhérents essaient de penser l’entreprise autrement. Ni Seillière, ni Bové sauce patronat, ces "alterpatrons" croient dur comme fer en un libéralisme plus responsable.

Exit les patrons paternalistes

"Mettre l’économie au service de l’Homme, c’est possible", et pour atteindre l’objectif, le CJD a accouché d’une charte en 21 points : abolir les stratégies à court terme, développer le dialogue social, favoriser la créativité des salariés, proposer de bonnes conditions de travail, plus de formation, ouvrir l’entreprise au monde associatif... "Si c’était pour faire joli, nous n’aurions pas 700 de nos membres engagés fermement dans cette voie. Changer de vue est une nécessité", affirme Françoise Cocuelle. Le programme plaît : 10 % d’adhérents supplémentaires chaque année.

L’idée, incongrue pour beaucoup, du patron social a fortement évolué au cours de l’histoire. Auparavant, le chef d’entreprise "à l’écoute et proche de ses collaborateurs" était un patron paternaliste, un peu étouffant. "Prenez François Michelin par exemple, explique Hubert Landier, directeur de La Lettre du management social. C’était un modèle très englobant. On mangeait, on allait à l’école, on partait en vacances chez Michelin. Un modèle rejeté aujourd’hui."

Exit les Michelin ou Riboud (Danone) dont l’image sociale a, depuis, été largement écornée par des plans sociaux à répétition. Aujourd’hui, ces patrons responsables ont compris qu’il est nécessaire d’impliquer le salarié dans un projet commun avec l’entreprise.

L’argent-roi au placard

Les Dodane, Paul et Bernadette, sont de ceux-là. Lui, technicien-concepteur, elle comptable. En 1987, ils relancent ensemble une usine de casseroles en berne, Cristel. Le succès arrive mais pas la grosse tête. Les Dodane n’oublient pas d’où ils viennent. Les premiers récompensés sont les employés, pas les actionnaires. Ils ont même longtemps refusé de verser des dividendes. "L’argent seul ne peut satisfaire notre désir d’entreprendre. C’est un outil parmi d’autres pour développer la société, pas une fin en soi", affichent-ils. Un rejet de l’argent-roi qui semble être une constante chez ses patrons hors du moule. Ces chefs d’entreprise humanistes veulent trouver un sens nouveau au mot "entreprendre".

Ils se retrouvent plutôt dans les PME, souvent créateurs de leur société et porteurs d’un projet qu’ils ne veulent pas qu’économique. Même les grandes écoles de gestion prennent le pli. L’Essec a créé une chaire de l’entreprenariat social il y a quelques années. HEC a répondu en proposant pour la rentrée prochaine un nouvel enseignement en dernière année qu’elle a baptisé "Management Alter". Le but - ambitieux - consiste à devenir un laboratoire d’idées innovantes pour préparer le management et les dirigeants de demain.

Vent d’optimisme

Et avec la poussée récente de la notion de responsabilité sociale de l’entreprise (la RSE), on voudrait presque croire qu’une nouvelle voie est possible, que l’entreprise du XXIè siècle serait plus respectueuse de l’homme que son aînée des années 1900-2000. "Ne rêvons pas, tempère Nicole Notat, passée de la CFDT à la tête de Vigeo, une agence de notation sociale des entreprises. La pression des marchés financiers s’exerce en faveur de la maximisation de valeur pour l’actionnaire. Mais nous pouvons au moins espérer un rééquilibrage vers la prise en compte des intérêts des autres parties prenantes de l’entreprise."

Soyons tout de même optimistes. Voici des exemples qui font espérer. Patrons d’une micro-PME ou d’un grand groupe, un seul regret finalement : qu’ils ne soient pas plus nombreux  !


L’ECONOMIE SOCIALE EST EN VOGUE

Elle grossit à vue d’œil. L’économie sociale et solidaire, composée en majorité d’entreprises organisées en coopératives, de mutuelles ou d’associations, poursuit un objectif prioritaire : servir la collectivité au-delà du simple profit financier.

Organisé en délégations régionales, le Centre des jeunes dirigeants et des acteurs de l’économie sociale (CJDES), créé en 2002, tente de fédérer l’économie sociale et solidaire. Ce secteur regroupe au total 19 000 coopératives (hors coopératives de crédits), 17 mutuelles d’assurances, 3 000 mutuelles de santé, et 730 000 associations.

Le site de l’autre économie

Articles liés :

- 4500 salariés plébiscitent leur patron

- Petite charte du patron social

[1] La surprenante histoire de Claude-Jean Desvignes, jeune dirigeant, Editions d’Organisations, 240 pages, 2004, 12 euros.

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  • Oui, ça nous derange.

    1er.02 à 16h16 - Répondre - Alerter
  • J’ai envie de dire bravo à votre dossier mais en même temps je suis un peu ébahi en le lisant ... Tout au long de vos articles on a l’impression que vous prenez vraiment ce sujet avec des pincettes en partant d’un a priori comme quoi la majorité des patrons seraient tous des "en..lés".

    C’est à peine si les patrons que vous interviewez n’ont pas honte d’admettre qu’ils ne sont pas des "sa..ups". Comme ce Jean Claude que vous citez en début de dossier et qui se serait rendu compte presque tout seul qu’il valait mieux être un bon patron qu’un gros salaud.

    J’ai presque envie de dire que malgré la qualité de votre dossier vous participez tout de même par votre prudence à cette haine purement française et totalement fallacieuse contre les entrepreneurs et les chefs d’entreprise.

    Un journal est-il capable dans ce pays de dire la vérité ? Les patrons sont des employeurs qui savent dans leur ECRASANTE majorité que le bien-être social de leurs employés EST une clé MAJEURE de la réussite de leur entreprise.

    Votre dossier ne devrait pas être dirigé sur "ces patrons qui font du social" (par là vous écrivez entre les lignes que la plupart n’en font pas) mais sur "ces patrons qui sont des sa...auds" car il y en a mais il sont une minorité !

    Je dirige actuellement une entreprise de 27 personnes (contre 18 quand je suis arrivé dans l’entreprise) et je ne me retrouve absolument pas dans l’image qui est villipendé en France sur les patrons.

    Toutes les personnes qui ont été embauchées dans ma boite depuis trois ans, l’ont été en CDI. Je n’ai jamais cherché à profiter de ce qu’on appelle les "contrats aidés" et je n’ai même pas eu une once d’intérêt pour le CPE qui nous était proposé jusqu’à hier. (je connais d’autres entreprises sans les citer, ça ne vous ferait pas plaisir ... qui ont sauté sur le CNE l’été dernier)

    J’ai eu certes, des conflits parfois avec certains de mes salariés, mais je les ai gérés dans le plus strict respect des personnes humaines et de la loi.

    Je fais toujours en sorte que mon équipe se sente bien au travail parce que c’est comme ça que ça marche et la plupart de mes collègues chefs d’entreprises raisonnent de la même façon !

    Ce soir il y a une émission de télévision sur canal+ qui veut montrer que certains patrons utilisent les services d’entreprises privées pour les aider à licencier plus facilement du personnnel ... je n’ai même pas connaissance de ces "services". A quand une émission sur la majorité des patrons qui sont des gens biens ?

    Il est temps je crois en France de réconcilier le monde de l’entreprise avec celui des travailleurs, pour la simple raison que c’est le même !!!! Oui il y a des cons partout, même chez les patrons sans doute, mais la majorité sont des gens responsables qui ont compris DEPUIS LONGTEMPS que c’est le bien-être dans une entreprise qui fait son succès.

    Je le vois tous les jours dans mon secteur d’activité : les entreprises qui marchent sont celles dans lesquelles il y a une bonne ambiance de travail. Les autres sont en déclin.

    Nous sommes quelque 3 millions de chefs d’entreprise en France (dont les dirigeants de TERRA ECONOMICA qui auraient pu ajouter au dossier un article sur leur gestion sociale au sein du journal, par exemple !). Nous ne sommes pas 3 millions d’en..lés ...

    10.04 à 19h43 - Répondre - Alerter
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