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25-05-2011
Mots clés
Immigration
Emploi
France
Décryptage

Immigration et économie : tordons le cou aux clichés

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Immigration et économie : tordons le cou aux clichés
(Crédit photo : Ludovic - Rea)
 
Ils viennent d’ailleurs et sont une richesse. A l’heure des controverses, « Terra eco » détricote 10 idées reçues sur le « coût de l’immigration ».
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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1/ "LE NOMBRE D’IMMIGRÉS NE CESSE DE CROÎTRE EN FRANCE"

2/ "LA FRANCE EST UNE TERRE D’ASILE"

3/ "L’INTÉGRATION EST EN PANNE SÈCHE"

4/ "PLUS D’IMMIGRÉS, C’EST PLUS DE CHÔMAGE"

5/ "L’IMMIGRATION TIRE LES SALAIRES VERS LE BAS"

6/ "L’IMMIGRATION ASPIRE LES ALLOCATIONS"

7/ "NOS PRISONS SONT PLEINES D’IMMIGRÉS"

8/ "L’IMMIGRATION EST NÉFASTE POUR LA CROISSANCE"

9/ "L’IMMIGRATION RAJEUNIT LA FRANCE"

10/ ET SI L’ON SE TROMPAIT DE DÉBAT ?


1/ "LE NOMBRE D’IMMIGRÉS NE CESSE DE CROÎTRE EN FRANCE"

Le Front national s’inquiète d’une « extraordinaire poussée de l’immigration légale ». Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, souhaite d’ailleurs la réduire et le président Nicolas Sarkozy craint que les révolutions arabes n’engendrent des « flux migratoires devenus incontrôlables ». Question : l’Hexagone subirait-il une déferlante de migrants ? Les chiffres disent l’inverse. « La France ne figure plus parmi les pays où il y a beaucoup d’immigrés, assure Georges Lemaître, économiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et spécialiste des migrations. La politique est très restrictive en matière d’immigration depuis longtemps. » Les immigrés (personnes nées étrangères à l’étranger) représentent 8 % à 9 % de la population en France, contre 12 % au Royaume-Uni, 13 % en Allemagne ou en Belgique, 14 % en Espagne. Cette proportion est stable depuis vingt ans. Et elle n’a pas de quoi faire hurler. En 2008, les nouveaux migrants représentaient 0,27 % de la population (hors ressortissants de l’Union européenne). « Parmi les pays de l’OCDE, la France est, avec le Japon et l’Allemagne, le pays où les flux d’arrivées sont les plus faibles. » Quant aux quelques milliers de Tunisiens débarqués à Lampedusa, rapportés aux 500 millions d’Européens, « c’est de la petite bière », sourit Georges Lemaître. —

2/ "LA FRANCE EST UNE TERRE D’ASILE"

La France est le berceau des droits de l’homme et une terre d’asile pour les persécutés. C’est en tout cas ce que dit la légende. En avril, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant s’est alarmé que notre pays soit « plus généreux, malgré les restrictions apportées, que l’Allemagne ou le Royaume-Uni, alors que nous appliquons les mêmes conventions internationales ! » En réalité, si la France est le pays d’Europe qui reçoit le plus grand nombre de demandes d’asile (51 600 en 2010), elle n’est pas la plus magnanime. En 2009, l’Allemagne a accordé 12 055 fois sa protection et le Royaume-Uni 12 510 fois. La France, elle, a accordé le statut de réfugié à 10 415 personnes (10 340 en 2010). —

3/ "L’INTÉGRATION EST EN PANNE SÈCHE"

Burqa, identité nationale, laïcité… Les signaux politiques qui véhiculent l’image d’une France atteinte dans ses valeurs par l’immigration sont nombreux. Pour le président de la République, « l’intégration est en panne ». Les Français partageraient cette opinion, si l’on en croit un sondage Harris Interactive du 20 avril dernier : 66 % des personnes interrogées estiment que l’intégration des étrangers fonctionne mal. Pourtant, les études sociologiques racontent une autre histoire, qui étudient les processus à l’œuvre sur plusieurs générations d’immigrés. « Il existe des preuves empiriques que l’intégration sous forme de convergence est bel et bien en œuvre », explique Mirna Safi, chercheuse à l’Observatoire sociologique du changement. Quelles preuves ? Adoption massive de la langue française, taux de fécondité proche de celui des Françaises, progression des mariages mixtes chez les immigrés de seconde génération, intégration des pratiques culturelles, demandes de naturalisation, adhésion aux valeurs démocratiques… N’en jetez plus. Ces résultats « battent en brèche le discours répandu sur le caractère inassimilable des nouvelles vagues migratoires d’origine non européennes », lance Mirna Safi. La sociologue distingue toutefois l’intégration culturelle de l’intégration structurelle, davantage mise à mal. Accès au logement, à l’emploi, réussite scolaire… « Les enfants d’immigrés d’origine maghrébine ou africaine sont, à caractéristiques égales – qualifications, âge, sexe, lieu de résidence –, dans une situation défavorable » par rapport aux Français qui ne sont pas d’origine étrangère. Ces inégalités sont liées à des discriminations. « Il n’y a pas de vrais obstacles à l’intégration, souligne la chercheuse. Et ce n’est pas lié à l’intention de l’individu immigré mais à la société et à ses institutions. » —

4/ "PLUS D’IMMIGRÉS, C’EST PLUS DE CHÔMAGE"

Les immigrés trustent-ils l’emploi des « nationaux » ? « Une idée répandue prétend que (…) les nouveaux arrivants “ volent nos emplois ” s’ils trouvent un travail », constate l’ONU dans son rapport mondial sur le développement humain de 2009. Mais le texte s’empresse de mettre à mal ce cliché : « L’immigration accroît l’emploi et il n’existe aucune preuve d’un effet d’éviction sur les autochtones. » Plus mobiles géographiquement, plus enclins à accepter des métiers dont les nationaux ne veulent plus (garde d’enfants, soins aux personnes âgées, restauration, hôtellerie, bâtiment, travaux saisonniers dans l’agriculture…), les migrants peu qualifiés « complètent généralement la force de travail locale en Europe », affirme le rapport de l’ONU. En France, 63 % des immigrés occupent en effet des emplois d’ouvriers ou d’employés, contre 51 % dans le reste de la population active (1). Dans certaines régions, ce phénomène est encore plus criant. Ainsi, en Ile-de-France, dans les entreprises de nettoyage, sept salariés sur dix sont immigrés. Le rapport public « Les métiers en 2015 », publié en janvier par le Centre d’analyse stratégique est sans équivoque : « Pour les emplois peu qualifiés, l’immigration alimente massivement le marché du travail francilien. »

« Besoin de main-d’œuvre »

Pourtant, en avril, les ministres du Travail et de l’Intérieur, Xavier Bertrand et Claude Guéant, déclaraient vouloir réduire l’immigration liée au travail pour favoriser la formation des chômeurs nationaux. Une logique dénoncée par le Medef. Interrogé par Terra eco, le syndicat patronal avait martelé à l’époque : « Quand une entreprise ouvre un poste, elle cherche d’abord à le pourvoir en France. Ce n’est qu’une fois qu’elle a montré qu’elle n’a trouvé personne qu’elle peut ouvrir son poste aux étrangers. Il n’y a donc pas de concurrence entre Français et étrangers. » Penser améliorer l’emploi des Français en réduisant les flux migratoires est une vue « à court terme », avait jugé la ministre de l’Economie, Christine Lagarde : « Dans le long terme on aura besoin de main-d’œuvre, on aura besoin d’effectifs salariés formés. » Réduire l’immigration légale pourrait non seulement augmenter certaines tensions sur le marché de l’emploi, mais aussi alimenter le travail au noir et donc l’immigration illégale.

« Rôle d’amortisseur »

Didier Gelot, secrétaire général de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale et Claude Minni, statisticien, soutiennent, eux, que, dans la crise et du fait de leur statut précaire et de leur présence dans les secteurs affectés par la récession, « les immigrés ont joué un rôle d’amortisseur pour l’ensemble du marché du travail, ce qui a permis aux Français d’origine de se maintenir dans une position relativement plus favorable » (2). —

(1) « L’activité des immigrés en 2007 », Institut national de la statistique et des études économiques.

(2) Revue « Politiques sociales et familiales », CAF, mars 2010.

5/ "L’IMMIGRATION TIRE LES SALAIRES VERS LE BAS"

S’ils ne volent pas nos emplois, c’est donc qu’ils font baisser nos salaires ! Une chercheuse de l’Institut national d’études démographiques, Michèle Tribalat, a, dans un ouvrage intitulé Les yeux grands fermés (Denoël, 2010), soutenu que les nouveaux immigrés entrent en concurrence avec les salariés peu qualifiés déjà présents sur le marché du travail et font baisser les salaires, en se « déclassant ». Un phénomène recoupé par certaines études empiriques. Des chercheurs américains (cités dans un rapport de 2009 du Conseil d’analyse économique, « Immigrations, qualifications et marché du travail ») ont en effet trouvé qu’une augmentation du nombre d’immigrés correspondant à 1 % de la force de travail totale réduit de 1,2 % les salaires des moins qualifiés.

Le Front national s’est empressé de reprendre ce chiffre, en le travestissant. Marine Le Pen s’est ainsi scandalisée : « Comme l’ont confirmé toutes les études, 1 % d’immigration en plus, c’est 1,2 % de salaire en moins. » Même remis dans sa forme véridique et originelle, le constat ne fait pas consensus. L’ONU jugeait, dans son Rapport mondial sur le développement humain de 2009, que « l’impact agrégé de l’immigration sur le salaire des travailleurs locaux peut être positif ou négatif, mais relativement faible à court et long termes ». Gérard Cornilleau, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, ne dit pas autre chose : « Il n’y a pas d’impact général sur les salaires. En France, il y a un Smic et il empêche ces pressions à la baisse. » Michèle Tribalat soutient que l’absence d’immigrés créerait des tensions sur le marché du travail propices à un renchérissement des rémunérations. Georges Cornilleau juge qu’au contraire, « il ne se passerait rien. L’idée que des nationaux obtiendraient des salaires plus élevés n’est pas fondée », notamment en raison des rigidités salariales propres à la France. —

6/ "L’IMMIGRATION ASPIRE LES ALLOCATIONS"

Les immigrés ne sont bons qu’à toucher des allocations familiales. Un préjugé ? Le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, a déclaré en avril que nous filions droit dans le mur : « Nous n’aurons plus les moyens de payer (…). Le coût social pour le contribuable est tellement élevé qu’il y aura un moment où on ne tiendra plus le coup financièrement, parce que c’est du déficit et qu’on n’y arrive plus. » Pourtant, le rapport de 2010 « Migrations et protection sociale : étude sur les liens et les impacts de court et long terme », réalisé par des chercheurs de l’université de Lille et du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, et adressé au ministère des Affaires sociales, affirme l’inverse : « L’impact de l’immigration est neutre sur les budgets sociaux, voire relativement positif sur un horizon de cinquante ans », explique l’économiste Xavier Chojnicki, qui a dirigé l’étude.

En scrutant les chiffres du budget public de 2005, les chercheurs ont calculé que la contribution nette globale de l’immigration cette année-là au budget des administrations était « positive ou de l’ordre de 3,9 milliards d’euros ».

Des migrants jeunes

Comment arrive-t-on à ce résultat ? « Les immigrés sont sur-représentés dans certaines catégories » de dépenses sociales telles que les allocations chômage, le RMI, les aides au logement. La raison de ces écarts tient surtout aux caractéristiques socio-démographiques des migrants. Ils sont en moyenne plus jeunes que les « autochtones », moins qualifiés, et ils ont plus d’enfants. Mais ce n’est pas la seule explication : à caractéristiques égales (âge, carrière…), la sur-représentation des migrants se maintient en partie mais disparaît pour tous les dispositifs d’aides à la famille. « L’explication tient dans ce cas aux difficultés d’insertion sur le marché du travail », analyse l’étude, qui souligne un taux de chômage des migrants deux fois supérieur à celui des autochtones. « C’est lié à l’existence de discriminations », souligne Xavier Chojnicki.

Surcoûts contrebalancés

L’ensemble de ces « surcoûts » est entièrement contrebalancé par la sous-représentation des migrants dans les dépenses de santé et de retraite, « des branches qui représentent les trois quarts des dépenses sociales ». Les migrants « contribuent plus au système social qu’ils ne lui coûtent », conclut Xavier Chojnicki. Et si demain la France optait pour l’« immigration zéro », ce n’est pas 3 % mais 5 % de PIB supplémentaire qu’il faudrait trouver à l’horizon 2050 pour financer la protection sociale. —

7/ "NOS PRISONS SONT PLEINES D’IMMIGRÉS"

« Les prisons sont surpeuplées d’immigrés ou de Français d’origine immigrée » (Jean-Marie Le Pen, avril 2011) ; « La plupart des trafiquants sont noirs et arabes » (Eric Zemmour, mars 2010) ; « La délinquance, chacun sait qu’il y a des liens avec l’immigration » (Frédéric Lefebvre, août 2010). Plus criminogènes que les « Français de souche », les immigrés ? En 2002, plus de 70 % des personnes interrogées pour l’Enquête sociale européenne déclaraient que l’immigration aggrave la criminalité dans le pays d’accueil. A raison ?

Délinquance administrative

« Les personnes étrangères légalement établies dans un pays ne commettent pas plus de délits que les autochtones », corrigent Natalia Delgrande et Marcelo Aebi, de l’Ecole des sciences criminelles de Lausanne. Le chercheur Robert J. Sampson, de l’université de Harvard, a même établi le contraire dans ses travaux : immigration rime avec baisse de la criminalité aux Etats-Unis.

Sur le Vieux Continent, très peu de chiffres sont disponibles. Au 1er janvier 2010, 17,76 % des personnes écrouées en France étaient étrangères (11 740 sur 66 089 détenus). Mais ces statistiques n’indiquent pas grand-chose car « elles [intègrent] les étrangers qui se trouvent sur le territoire national sans autorisation de séjour », expliquent Natalia Delgrande et Marcelo Aebi. Ce sont « des groupes organisés qui se déplacent spécifiquement sur le territoire d’un pays pour y commettre des délits » et des individus détenus pour une infraction à la législation des étrangers, c’est-à-dire pour de la délinquance administrative (pas de papiers, pas de permis de travail…). Cette catégorie représente près de la moitié des crimes et délits pour lesquels des étrangers ont été mis en cause en France. Si on l’écarte, les étrangers ne représentent plus que 12,5 % des personnes mises en cause dans des crimes et délits (1).

Errants et vagabonds

Mais prudence encore, « ces statistiques sont le résultat des procédures de police et de gendarmerie, biaisées notamment par la discrimination du contrôle au faciès », prévient le sociologue Laurent Mucchielli, spécialisé dans les questions de délinquance et de violence des populations immigrées. Le fait d’avoir la peau noire entraîne un risque d’être contrôlé 3 à 11 fois supérieur, et le fait d’avoir le type maghrébin un risque 2 à 15 fois supérieur (2). Il existe un autre risque à vouloir lire dans des chiffres qui ne font apparaître que la nationalité des personnes incriminées. Pour Laurent Mucchielli, le lien entre immigration et délinquance « ne s’observe que dans certains contextes locaux où les processus de ségrégation et de discrimination se cumulent et s’enracinent dans la durée ». Croire que la criminalité provient de l’immigration est un non-sens historique : « C’est d’une ignorance et d’une fausse naïveté terribles, dénonce le sociologue. Si c’était le cas, la prison serait une invention récente. Or, au XIXe siècle, la population carcérale était beaucoup plus importante et il n’y avait aucun immigré. Il s’agissait d’errants, de vagabonds, de voleurs originaires de la campagne… Des immigrés de l’intérieur. » —

(1) Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.

(2) Etude Open Society Institute de 2009 menée à Paris.

8/ "L’IMMIGRATION EST NÉFASTE POUR LA CROISSANCE"

Et si les immigrés nous permettaient de soutenir nos trains de vie de pays riches ? C’est ce que martèlent les organismes internationaux, tandis que les Etats sont tentés de se replier. « Si la population s’accroît de 1 % grâce à l’immigration, le PIB augmente de 1 % », explique ainsi l’ONU (1). « A long terme, quand l’économie fonctionne bien, la croissance est proportionnelle à la croissance de la population active, confirme Gérard Cornilleau, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques. L’immigration apporte une capacité de travail et une augmentation de la consommation. C’est ce qui explique qu’il n’y a pas de contradiction entre migrations et croissance. »

Dans un rapport de 2010 (1), l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, estime que si les migrations ont diminué pendant la crise, « à mesure que la reprise économique progressera, de nouvelles entrées de migrants seront nécessaires pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre ou de compétences ». Ces dernières, en effet, jouent « un rôle crucial, à long terme, dans les pays de l’Organisation parce qu’ils auront besoin de travailleurs supplémentaires pour préserver la croissance et la prospérité ». Et le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, insiste : « Les tendances démographiques de long terme demeurent quelle que soit l’ampleur des difficultés économiques actuelles. Ces dernières ne devraient pas servir d’argument pour imposer des barrières excessives à l’immigration. »

Alors que la France annonce son souhait de réduire l’immigration légale, l’OCDE s’inquiète au contraire de la faiblesse des flux : « En maintenant les taux d’immigration à leur niveau actuel, la population d’âge actif des pays de l’Organisation n’augmenterait que de 1,9 % au cours des dix prochaines années. Ce pourcentage contraste avec les 8,6 % d’augmentation de la population en âge de travailler enregistrés entre 2000 et 2010. » —

(1) Perspectives des migrations internationales.

(2) ONU, Rapport mondial sur le développement humain (2009).

9/ "L’IMMIGRATION RAJEUNIT LA FRANCE"

Venez chez nous payer nos retraites ! On entend souvent que les flux migratoires sont un moyen de juguler le papy-boom de la Vieille Europe. En réalité, « l’immigration ne pourra pas être utilisée comme un levier contre le vieillissement », explique Xavier Chojnicki, économiste à l’université de Lille et au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (1). Si dans un premier temps l’arrivée de migrants actifs peut contribuer au financement des pensions, sur le long terme, cet effet s’inverse largement car les migrants deviennent à leur tour des retraités. « L’effet de l’immigration sur le vieillissement est transitoire », insiste Xavier Chojnicki. —

(1) Coauteur de « Migrations et protection sociale : étude sur les liens et les impacts de court et long terme » (2010).

10/ ET SI L’ON SE TROMPAIT DE DÉBAT ?

Combien coûte l’immigration ? Combien rapporte-t-elle ? Au fond, ces questions doivent-elles être posées ? C’est « indispensable, estime Xavier Chojnicki, économiste à l’université de Lille, car ce genre d’études permet de remettre en cause un certain nombre de clichés. Ça montre que des discours politiques sont infondés ». Même son de cloche auprès de Mirna Safi : « On ne doit pas s’interdire de chiffrer l’immigration, d’autant qu’on démontre qu’elle ne plombe pas l’économie », juge la chercheuse à l’Observatoire sociologique du changement.

Que faut-il inclure dans ces calculs ? L’aide publique au développement et le contrôle des frontières, comme le font certains ? « Les partis d’extrême droite font des additions dans tous les sens, regrette Gérard Cornilleau, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Et les autres travaux existants ne sont pas satisfaisants. » Comment procéder alors ? « On peut construire un scénario avec une immigration zéro et un autre avec de l’immigration et s’amuser à comptabiliser différentes choses, propose Gérard Cornilleau. Mais il faut que ce soit un bilan dynamique et intertemporel et pas statique à un instant T. » Ou bien, suggère l’économiste, « on peut avoir une approche globale, macro-économique et on trouve que la croissance augmente proportionnellement à la population et donc que l’immigration a un coût net égal à zéro ».

L’approche purement quantitative a toutefois ses limites. « Ça n’aurait pas de sens de se demander quel est le coût de l’immigration polonaise du début du siècle sur l’économie française de 2011, illustre Denis Fougère, économiste au Centre de recherche en économie et statistique. Et personne ne saurait le dire car elle se dissout » dans le paysage national. Résumer l’apport d’un être humain à une collectivité par sa contribution ou son coût, « c’est être dans une pure logique comptable et c’est déjà mettre un doigt dans l’engrenage du Front national, regrette Eloi Laurent, économiste à l’OFCE. On ne pourra pas mesurer, par exemple, l’apport culturel des migrations ». Et demain, cherchera-t-on à connaître ce que coûtent les femmes à la société, les handicapés, les malades, les pauvres ? « Ce serait un non-sens, concède Xavier Chojnicki. Cela reviendrait à remettre en cause la notion même de justice sociale. » —

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Journaliste indépendante. Collabore à Terra eco depuis novembre 2010.

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  • Entièrement d’accord avec SAIL49 : l’argumentaire de Cornilleau (au point 5) est entièrement basé sur la notion de SMIC.
    Naïveté ou aveuglement ? (on ose espérer : pas délibéré)
    Quand le MEDEF est de fait aux commandes de la politique "socio"-économique, on voit bien que l’argument ne tient pas, le SMIC en question stagnant (donc régressant en euros constants) et ayant de plus ses beaux jours derrière lui (le MEDEF veut sa disparition pure et simple pour un marché du travail "libéré" parfaitement, ce qui ne saurait tarder), les patrons voyous n’ayant déjà qu’une inspection du travail infirmet et bientôt moribonde pour les empêcher de nuire et la sacro-sainte concurrence "libre et non fausséee" contre laquelle nous avions voté mais qui nous fut quand même imposée (salut les Grecs, bienvenue au club !) ayant pour sa part les effets déjà décrits par SAIL49.

    Alors, pas d’influence de l’immigration sur les salaires ? Mon oeil !

    Cependant, je ne partage pas le point de vue très lapidaire et simpliste du Brebis Galleux.
    Le problème n’est pas d’en vouloir ou pas. Outre que cela ne se peut guère défendre moralement, la question me paraît plus relever de la politique sociale au sens large : sachant qu’on ne pourra jamais empêcher l’immigration -au demeurant fort faible, comme démontré ci-dessus-, quelle politique d’accueil, quelle politique de protection des plus faibles, quelle politique de taxation et de redistribution des richesses produites, quelle politique de l’habitat, quelle politique d’éducation et d’initiation à la richesse de la diversité des peuples, quelle politique de partenariat (pour les exils économiques) ou de pression amicale (dans le cas des exils politiques ou liés aux droits de l’homme) avec les pays d’origine (sans parler de l’obligation d’accueil en cas de guerre), etc.

    Tout cela suppose de rompre avec les pratiques en cours et de sortir de l’egocratie gouvernante. Commençons par balayer chacun devant sa porte dans ce domaine... et par discuter avec le/a voisin/e des vertus comparées de la société dirigée par l’ego et de celle dirigée par le sens du bien commun !

    19.07 à 22h36 - Répondre - Alerter
  • Nous n’en voulons pas !!! raus !!

    9.07 à 15h12 - Répondre - Alerter
  • Si l’article ci-dessus remet les pendules à l’heure en ce qui concerne l’immigration "sédentaire", il en va complètement différemment avec l’immigration TEMPORAIRE par CONTRAT autorisée par la très libérale Europe
    Ainsi, étant dans les Pays de la Loire, j’observe ces pratiques dans bon nombre de secteurs.
    A Saint-Nazaire dans les chantiers navals par exemple, tout le monde peut vous dire que les ouvriers venu des pays de l’est, SOUS CONTRAT et avec la législation de LEUR PAYS , travaillent plus de 45 heures/ semaine pour un salaire inférieur à 500€/mois !!
    Ces ouvriers ne participent aucunement à la vie de la cité (ils viennent pour capitaliser et repartent en ayant dépensé le moins possible). Certains sont là depuis des années, ils font un aller-retour pour rester en règle et passent simplement d’un intitulé de poste à l’autre ... et hop le tout est joué.
    Cette situation existe aussi dans le bâtiment, chez les routiers, chez les saisonniers chez les marins pêcheurs etc ...
    Et je ne vous parle que ce que je vois là … sous mon nez dans ma région.
    Comme toujours, la vérité est toujours plus complexe qu’il n’y parait et cette immigration de passage là impacte bien les salariés de ces secteurs. Elle est même en concurrence frontale avec l’immigration sédentaire ... que cela nous plaise ou pas !!

    27.04 à 13h44 - Répondre - Alerter
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