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Gunter Pauli, le copieur non conforme

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Gunter Pauli, le copieur non conforme
(Crédit photo : Frédéric Stucin pour « Terra eco »)
 
Calme mais radical, l’entrepreneur belge en est sûr : pour changer le monde et inventer une économie durable, il faut imiter la nature. Avec Zeri, sa fondation, il arpente donc la planète, convaincu et convaincant, et fait germer les éco-innovations de demain.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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La scène se passe au pied du volcan d’El Hierro, aux Canaries (Espagne). Dans une salle comble d’un hôtel de luxe de l’île, Gunter Pauli, regard métallique, costume sombre et pochette rouge, interpelle le ministre de l’Industrie espagnol : « Je ne suis candidat à aucune élection, je peux observer, écouter, sans avoir à donner mon avis. Je cherche le consensus pour faire en sorte que ce changement, aujourd’hui à la périphérie du monde, en devienne le centre. » Le changement dont parle l’éco-entrepreneur belge de 57 ans, c’est la mise au point de la première centrale électrique 100 % renouvelable. La victoire du vent et de l’hydroélectricité face au pétrole.

Mais il pourrait tout aussi bien s’agir de l’un des 187 projets initiés par sa fondation, Zeri (Initiative pour la recherche « zéro pollution »), sur l’un des cinq continents depuis 1994 : conception d’un chauffe-eau solaire photovoltaïque à double face en Suède ; fabrication d’un gel antibiotique à partir de bave d’asticots élevés en Afrique du Sud ; création d’un « papier pierre » sans eau, à partir de déchets miniers à Taïwan ; construction de logements sociaux en bambou en Colombie ; production de champignons tropicaux sur du marc de café… Gunter Pauli a rassemblé la plupart de ces innovations dans L’Economie bleue (Caillade, 2011), édité à plus d’un million d’exemplaires en 35 langues. Le livre délivre les principes de sa philosophie : nos sociétés doivent tendre vers un mode de développement inspiré des écosystèmes naturels.

Le secret du zèbre

« C’est un homme qui voue une passion sans bornes au biomimétisme, un chercheur doublé d’un homme d’affaires avisé », dit son ami Christian Courtin-Clarins. Le patron des cosmétiques Clarins se dit « fan » de celui qui lui a révélé le « secret » de l’air conditionné du zèbre : les lignes noires attirent la lumière, les lignes blanches la repoussent, créant un courant d’air autour du pelage. Gunter Pauli a appliqué ce principe à la construction d’un immeuble au Japon, dont les zébrures réduisent la température intérieure.

Son modèle économique n’emprunte pas les voies éculées du capitalisme. Refusant de travailler pour les multinationales, il sauve de la faillite l’usine de lessive bio Ecover en 1987 et la transforme en cauchemar pour Unilever et Procter&Gamble. A ses employés qui viennent au boulot à vélo, il verse 50 centimes d’euro par kilomètre… Jusqu’à ce que l’Etat belge le condamne pour fraude fiscale, l’incitation à rouler à bicyclette étant assimilée à un avantage en nature. L’homme ne se démonte pas. « Il ne faut pas polluer un peu moins, il faut arrêter de polluer », répète-t-il dans l’une des sept langues qu’il maîtrise. Mais en 1993, un voyage en Indonésie contredit sa maxime : il découvre que l’huile de palme utilisée dans ses flacons ravage la forêt tropicale. Il refuse de cautionner cette déforestation et quitte Ecover. « Cet épisode de ma vie m’a appris la grande différence entre le biodégradable et le durable. J’étais, jusqu’à ce moment-là, persuadé que tout ce qui était bio était bon. Je me suis rendu compte que ce n’est pas du tout le cas. »

Pour comprendre l’origine de son engagement, il faut remonter au début des années 1980. Après de brillantes études d’économie à l’université Saint-Ignace-de-Loyola d’Anvers, Gunter Pauli entame un MBA (maîtrise en administration des affaires) à l’Insead (Institut européen d’administration des affaires), une grande école de commerce française. « C’est à cette époque que j’ai découvert le Club de Rome et fait connaissance avec son créateur, Aurelio Peccei, se souvient-il. J’avais devant moi un grand chef d’entreprise très inquiet de l’avenir de l’économie. Cela a été un choc. Voir cet ancien dirigeant de Fiat prêcher le développement durable a déclenché chez moi un sorte d’appel à agir. » Issu d’une modeste famille du port d’Anvers, Gunter Pauli est le dernier d’une fratrie de trois. Il s’est retrouvé seul avec sa mère lorsque son père a quitté le foyer. « Il ne lui a laissé aucun argent. J’ai dû prendre soin d’elle. Mon père est un salaud, mais grâce à lui j’ai endossé très jeune certaines responsabilités qui m’ont permis de devenir ce que je suis aujourd’hui. »

« Pool » de 3 000 chercheurs

Instruit chez les Jésuites, Gunter Pauli s’est converti au bouddhisme. Cette religion, qui repose sur « la circularité du temps », l’absence de manichéisme et la modestie, sied à sa vision circulaire de l’économie. « Je ne rate jamais une occasion, puisqu’elle va se représenter plusieurs fois. Chacun d’entre nous peut toujours faire mieux et peut corriger ses erreurs, souligne-t-il. Avec une telle philosophie, vous avez une façon différente de voir les autres et les erreurs que vous avez faites. Imaginez toutes les opportunités que nous avons ratées avec la conception temporelle linéaire du christianisme ! »

Père de bientôt six enfants, il vit au Japon depuis que l’ONU lui a demandé, dans le cadre des préparatifs du protocole de Kyoto, d’élaborer un nouveau modèle économique sans CO2, ni déchets. C’est depuis ce pays qu’il pilote les projets suivis par sa fondation, qui s’appuie sur 32 organisations locales et un effectif global de 900 personnes. Chaque fois que Zeri repère une éco-alternative rentable, elle met en alerte son pool de 3 000 chercheurs pour évaluer sa faisabilité scientifique et technique. « S’il y a un consensus autour de sa réalisation, on la lance immédiatement », explique Gunter Pauli. Le plus souvent hors d’Europe. « Le Vieux Continent adore la réflexion, le débat, les analyses. On fait des conférences sur l’économie circulaire, le biomimétisme… Mais on ne fait rien ! J’en ai marre des conférences. Je pourrais y passer ma vie. C’est sans intérêt. Ce qui m’intéresse, c’est de faire des choses. »

Inclassable, Gunter Pauli se refuse à toute publicité. Il mise sur la capillarité des démonstrations de terrain. Avec les gens du cru. Et comme l’avenir, ce sont les plus jeunes, il écrit pour les enfants, avec des mots simples, les aventures de Zeri, distribuées à plusieurs dizaines de millions d’exemplaires depuis 2006 dans les écoles du Mexique, du Brésil, de Chine, d’Egypte ou d’Algérie. « Gunter n’est pas rêveur, il apporte des réponses concrètes à la crise écologique », commente le cheikh Bentounès, fondateur des Scouts musulmans de France. Il y a quelques jours, Gunter Pauli et lui se sont retrouvés en Algérie dans le bureau du ministre de l’Ecologie pour lancer le premier Centre méditerranéen du développement durable. Et recentrer la planète. —

En dates

1956 Naissance à Anvers (Belgique)

1979 Rencontre son mentor, Aurelio Peccei, fondateur du Club de Rome

1987 Transforme Ecover en entreprise leader des détergents bios

1993 Quitte Ecover

1994 S’installe au Japon, et crée la fondation Zeri

2010 Publie L’Economie bleue (Caillade, 2011)

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  • BikePower : J’aime beaucoup...

    l’histoire Belge du vélo et de l’avantage fiscal !
    ah ah ah
    on dirait presque une histoire Française, tellement bureaucratique...
    Je crois cependant que nos amis Belges on évolué depuis sur le sujet....
    Ceci dit, bravo à Gunter et à Zeri, et merci à Green People et Raphael Baldos pour l’article !

    16.01 à 22h50 - Répondre - Alerter
  • Intéressant, je vais acheter son livre, mais comme j’habite dans un pays à fortes pentes je ne me sers pas de mon vélo... !!

    20.12 à 12h03 - Répondre - Alerter
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