publicité
haut
Accueil du site > Actu > Conso > Faut-il avoir confiance dans le bio ?
26-11-2012
Mots clés
Alimentation
France
Dossier

Faut-il avoir confiance dans le bio ?

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Faut-il avoir confiance dans le bio ?
(Crédit photo : rip hopkins pour « terra eco »)
 
Seulement une mode ? Une niche tout au plus ? Une appellation qui a perdu son âme ? Carrément une arnaque ? L’agriculture biologique est à la croisée des chemins. Bien que marginal, le secteur avance. Et invente peut-être les bases de l’alimentation de demain.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Le bio se développe… Et le bio prend des coups. Rien qu’une niche, grincent certains, avec ses misérables 3,6 % de surface agricole utile (SAU). Un truc pour bobos qui ont les moyens, une utopie farfelue. Pis, pour certains, c’est carrément un univers où sévit la fraude. Calmons-nous. Qu’importent les bruits de cour, les acteurs du bio continuent leur chemin. L’agriculture biologique n’est pas la panacée, non. C’est, en revanche, un des univers hypercréatifs de notre époque. Un bouillon de culture susceptible d’inspirer de grands changements – ceux-là mêmes qui sont nécessaires pour relever les défis de ce siècle. La preuve en quelques exemples à lire dans ce dossier.

Accusation de pétainisme

Revenons d’abord sur les critiques. Certaines font franchement rire. Dans un article du Nouvel Observateur du 1er novembre dernier, tout y est. Le bio est une « mode », voire une « arnaque », puisque 60 % des fruits et légumes siglés « AB » « sont importés de pays où la légitimité de ce fameux label est, disons, difficilement vérifiable ». Il n’est pas meilleur pour la santé, « comme l’a montré une étude américaine de l’université Stanford parue au début du mois de septembre ». « Ses rendements, comparés à ceux de l’agriculture conventionnelle, sont au mieux moitié moindres. » Ses valeurs aussi sont à jeter : « Dans les magasins bios, on trouve à l’occasion des cristaux magiques censés intercepter les ondes mauvaises ou favoriser les ‘‘ forces astrales ’’. Sans compter le côté pétainiste de la terre qui ne ment pas… »

Passons sur l’accusation un peu en-dessous de la ceinture de pétainisme et sur les cristaux magiques. Regardons les faits. 60 % de fruits et légumes importés ? Selon les derniers chiffres de l’Agence bio, les importations – tous produits confondus – sont en baisse. De 38 % en 2009, elles passent à 30 % en 2012. La moitié concerne des produits exotiques : café, thé, cacao, bananes, agrumes. Reste 15 %. Et 48 % d’importation pour les seuls fruits et légumes en 2011.

Des rendements deux fois moindres ? Sur ce point, la lecture de l’interview de l’agronome Jacques Caplat est édifiante. Quant au bio qui n’est pas meilleur pour la santé, finissons-en ! N’évoquons même pas la santé des agriculteurs exposés aux pesticides, ni même le problème de contamination de l’eau. Des problèmes centraux, pourtant. Denis Lairon (1), biochimiste et nutritionniste, directeur de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), a fait le tour des études sur les qualités nutritionnelles du bio. Résultat : pour les végétaux, toutes – même celle de Stanford – relèvent plus d’antioxydants, et beaucoup d’entre elles plus de magnésium, de fer et de vitamine C. Unanimité aussi (y compris à Stanford !) pour reconnaître que le lait bio affiche plus d’omégas 3.

Droit du travail bafoué

D’autres critiques paraissent plus sérieuses. Dans le livre collectif Le bio entre business et projet de société (Agone, 2012), les auteurs énumèrent bon nombre des dérives possibles. Exemple ? L’huile de palme bio consommée en Europe provient presque exclusivement d’une plantation colombienne appartenant au groupe Daabon. Monoculture, liens avec les paramilitaires, expulsion de familles de petits paysans… Le tableau n’est pas reluisant. L’ouvrage se penche aussi sur la situation en Espagne, et plus particulièrement en Andalousie. On y constate que la certification bio ne protège en rien de tous les problèmes qui fleurissent dans la province d’Almería : droit du travail bafoué et nappes phréatiques exsangues. C’est pourtant de là-bas que viennent nos tomates et nos concombres bios hors saison.

Ces deux exemples soulèvent la faiblesse du système dominant de certification. Le label bio européen ne garantit en rien le caractère écologique ou équitable des produits. Pourtant, nombreux sont ceux qui estiment que ces notions devraient être réunies. Parmi les personnes que Terra eco a sondées, 52 % pensent que le label bio intègre des critères de production locale et 41 % de commerce équitable. Quand on leur révèle qu’il n’en est rien, elles sont une écrasante majorité à considérer qu’il faut intégrer ces notions dans les cahiers des charges.

Le bio sort de sa niche et doit évoluer. Ne rêvons pas. L’objectif des 20 % de SAU en 2020, cette révolution bio, fixée lors du Grenelle en 2007, est inatteignable. Mais tout de même, de la fin de cette année-là à la fin de 2011, le nombre de fermes bios a doublé en France. Et derrière les 3,6 % de SAU actuels se cachent 5 % des exploitations et 7 % de la main-d’œuvre agricole. Cette croissance soulève des questions nouvelles. « Le premier défi du bio, c’est de grandir en respectant les pionniers et en accueillant les nouveaux, relevait Elisabeth Mercier, présidente de l’Agence bio, lors du colloque Bioconvivium, qui s’est tenu à Valence, dans la Drôme, en octobre. Le deuxième défi, c’est de concilier le bio et le développement durable. Il faut du lien social, le respect de l’environnement, le bien-être animal, la biodiversité. »

Beaucoup se battent déjà pour ça. On les rencontre au sein de l’association Biocohérence, dans les circuits de proximité florissants – Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) ou « Ruche qui dit oui ! ». Ils créent des coopératives comme Biolait pour négocier des prix dignes face à la grande distribution ou inventent des maisons pour protéger la diversité des semences. Le bio n’est pas le culte d’une paysannerie révolue. Il est moderne, conscient des enjeux. Et l’air de rien, il fait bouger les lignes.

Retour aux bases de l’agronomie

Yves François cultive 130 hectares de céréales et produit des semences en conventionnel dans l’Isère. Il est aussi élu de la Chambre régionale d’agriculture de Rhône-Alpes, en charge des questions d’environnement. « L’usage intensif du pétrole nous a permis de simplifier à l’extrême nos pratiques, raconte-t-il. A partir de là, on a zappé certaines choses évidentes, à commencer par les rotations. » Yves, avec d’autres agriculteurs de son département, intègre de plus en plus de méthodes bios. Rotation des cultures, mais aussi lutte biologique ou compost. « Depuis deux ans, on fait de l’échange paille contre fumier avec des éleveurs (le mélange fait un excellent fertilisant, ndlr). Tout le monde est content ! » Pour l’agriculteur, c’est un retour aux bases de l’agronomie : « Il faut considérer le sol comme un milieu vivant et modifier nos pratiques, qui consistent à ne soigner que la plante ou l’animal, sans se préoccuper de tout ce qui se passe dessous. » La démarche annonce un grand chambardement : « On pourrait parler de transition agricole, comme on parle de transition énergétique. On vit une mutation importante et tout ce qui peut permettre de limiter les intrants chimiques dans l’agriculture est bon à prendre. » « L’agriculture biologique est un horizon », résume Jacques Caplat. Une solution parfaite ? La seule dans l’immédiat ? Assurément pas. Mais un sérieux moteur de changement, sur lequel il faut s’appuyer avec force, ça, oui. —

(1) Coauteur de Manger bio, c’est mieux ! (Terre Vivante, 2012)


SOMMAIRE

QUESTIONS Aux attaques, le bio réplique du tac au tac C’était mieux avant… Face à des reproches plus ou moins fondés, le secteur se démène. En cinq initiatives, découvrez un monde moderne et inventif.
ENTRETIEN « On peut nourrir 10 milliards d’humains en bio sans défricher un hectare » Résoudre la question alimentaire à l’échelle planétaire, en se passant de l’agriculture conventionnelle ? Ça ressemble à une utopie, mais c’est la réalité de demain, selon l’agronome Jacques Caplat.
SONDAGE Les Français et le bio Découvrez les résultats de l’enquête « Terra eco »/OpinionWay sur la consommation bio dans l’Hexagone.
QUIZ Remettez à l’heure votre horloge biologique ! Vous voulez entrer dans le monde des fous du bio ? Des acharnés du label ? Passez le test d’abord !
Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
11 commentaires
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • N’oublions pas aussi la nécessité de consommer ce qui est de saison dans un secteur géographique proche.

    Mayumi bio

    19.06 à 16h43 - Répondre - Alerter
  • Analyse intéressante ... à un point près pour ma part : je ne pense pas que l’on puisse évacuer si vite la question des " cristaux magiques".
    Je trouve très regrettable en effet la présence de ces poudres de perlimpinpin et autres autres produits/objets (quasi) mystiques dans les rayons des magasins spécialisés. Cela contribue à marginaliser et décrédibiliser la bio auprès du grand public.
    Avez vous jeté un œil aux petites annonces à la sortie de votre magasin bio ? Ou pire aux publicités et annonces de votre Biocoop ?
    Une longue litanie de pratiques qui confinent à l’arnaque. Bien loin de mes motivations politiques/économiques/sanitaires pour la conso bio.

    7.02 à 11h23 - Répondre - Alerter
  • Yves François, cité dans l’article est une personne qui cherche à faire bouger les lignes en Isère. Mais du coup, il s’en prend au conservatisme de la FNSEA et de la chambre d’agriculture et va donc être licencié !
    Derrière le dénigrement du bio, il ne faut pas oublier qu’il y a des très gros intérêts agrochimiques...

    20.12 à 18h57 - Répondre - Alerter
  • Gardons notre calme face aux élucubrations du journaliste du Nouvel Observateur… Porte-t-il bien son nom ce journal ? qu’a-t-il observé ? Oh, ce journaliste a lu l’étude Américaine !!! la belle affaire, c’est tellement plus facile de critiquer, assis derrière son bureau en "observant" le nez sur son ordinateur…

    Pour la mode, il y a des années que je me bats pour les valeurs de la "bio", la vraie, pas celle qui sert les bobos. En effet, ceux qui servent "la bio", la vraie, achètent local, éthique, et en saison, se privent éventuellement du coiffeur ou d’autres envies ou besoin "non urgents" pour acheter un peu plus chère, certes, aux petits producteurs locaux qui aiment ce qu’ils font et respectent autant la terre que les personnes qu’ils nourrissent, qui n’empoisonnent pas la planète, les petits poissons qui vivent dans un océan à l’autre bout de la terre, et qui ne font pas monter le prix des produits alimentaires pour le confort des actionnaires du CAC 40 et autres, permettant à chacun de vivre correctement du fruit de son labeur.(Je ne suis pas la seule)

    Effectivement les tomates et autres produits chargés à bloc de CO2 on les laisse aux ignorants comme ce journaliste. (j’en profite pour faire une critique à ce nouveau journalisme qui potine plus qu’il n’informe, mais il parait que c’est la formation qui veut ça. Malgré tout, il y en a qui se refusent à entrer dans ce système, comme pour "la bio" , pas celle des bobos).

    L’huile de palme, je ne comprend absolument pas pas cette dérive de la bio où des acteurs importants de celle-ci, comme les "Biocoop" acceptent que leurs fournisseurs s’abaissent à ça. Pour ma part je trie, et n’achète pas s’il y a de l’huile de palme.
    Les fruits hors saison vous les trouvez où… dans les grandes surfaces, pas chez ceux qui font de la "bio", la vraie, alors si c’est là tous les arguments de ce journaliste, ça ne vole pas très haut.
    Si les objectifs du grenelle sont inatteignable, c’est que les femmes et hommes politiques, quel que soit leur bord, et ceux de la politique européenne ne font aucun effort en ce sens. Comme le dit la chanson, "il suffirait de presque rien…"

    Terraeco, vous parlez souvent de "la ruche qui dit oui" : s’il s’agit de trouver le meilleur prix, Je me pose les questions suivantes :
    - "Est-ce que le travail des petits producteurs est respecté"
    - "Ne risque-t-on pas avec ce système de se détourner du véritable message de la "bio", soit : respect de la terre, du producteur, éthique, et durable ?
    - "N’est-ce pas une sorte de marché parallèle aux grandes surfaces, mais qui finirait par fonctionner comme ces dernières, soit : "au meilleur prix, en oubliant le reste et les valeurs de départ ?
    - "Les produits proposés sont-t-ils tous en bio" ?. Ce ne sont que des questions, à vous lire pour les réponses.

    ***130 hectares !!! Je me demande pourquoi les petites fermes n’y arrivent pas et sont obligés de vendre, et qui rachète ???? :-((
    La PAC, (qui finance les grands céréaliers et autres grandes productions), et, qui laisse partir les petits fermiers et petits agriculteurs que notre politique a étranglé, ignoré malgré les lanceurs d’alertes, et qui à bout de force finissent par vendre.
    La PAC qui finance les grands céréaliers et autres grandes productions, qui ne respectent pas la terre et la bombardent de produits chimiques, et n’en ont rien a faire de la terre, puisque les aides sont suffisantes pour vivre. Combien d’année a-t-il fallu à ce Monsieur avec ces 130 Hectares, pour comprendre que la terre est vivante, pendant qu’à ses côtés les petites fermes vendaient, probablement à perte, et endetté par le système.
    C’est bien d’avoir une meilleure conduite, vraiment tant mieux, mais un regard en arrière n’est utile que si l’on essaie de reconstruire ou réparer ce qu’on a détruit par mégarde ou ignorance. Oui, ouvrir les yeux doit aussi servir à ça, et j’espère que ce Monsieur, participera a réparer ce qu’il a peut-être détruit au fils de ces années de conventionnel. Ce serait une belle façon de remercier ceux qui se battent depuis des années pour des pratiques propres, et qui pour garder leur valeur ont perdu tant d’exploitations que ces confrères ont probablement rachetés avec les aides de l’Europe… sourire amer.

    Alors, oui, dans la "bio," il y a aussi des opportunistes, qui voient là un moyen de se faire de l’argent sur le dos de pauvres ignorants que nous sommes, puisque la législation leur permet par exemple de marquer " huile végétale" à la place d’huile de palme, alors monsieur le journaliste du Nouvel Observateur qui observez si peu, si de votre côté vous faîtes votre métier correctement, passez cette information et tant d’autres encore, qui permettent à ces opportunistes de s’engouffrer dans le vide où l’opportunité législative leur ouvre de larges portes, les ignorants que nous sommes y verront plus clair et vous aussi. Alors, battez-vous pour que les choses soient claires, équitables et lisibles par tous.

    Merci malgré tout à ce Journaliste, qui permet aux gens honnêtes de rétablir la vérité sur les valeurs fondamentales de la "vraie bio" :-)
    Merci à terraeco pour cet article, et j’espère avoir certaines réponses aux questions posées.

    Marinette
    Un grain de sable

    P.S : Il y a quelques années, la "Bio" souhaitait créer un nouveau logo qui amènerait plus de garantie sur les vraies valeurs de la "bio", même si ce logo n’était pas reconnu par les instances du Pays ou de l’Europe. J’attends avec impatience.
    Merci pour les pistes proposées dans les commentaires... je note... et à Thomas pour la phrase d’Anatole....sourire...

    6.12 à 13h05 - Répondre - Alerter
  • Bonsoir,

    A lire l’enquête menée sous la direction de Philippe BAQUé, "La bio entre business et projet de société", aux éditions Agone, 2012.
    On y comprend ce qu’est le bio et la bio, les menaces qui pèsent sur ce qui est un en effet un projet de société et non seulement un label ou un logo, les agissements toujours néfastes de la grande distribution qui récupèrent le marché sans s’occuper du social, de l’environnement et de l’humain, les vrais coûts, etc.
    Cordialement.

    30.11 à 17h53 - Répondre - Alerter
  • Je vous conseille le très bon livre : La bio, entre business et projet de société, des éditions Agone. Et met bien avant qu’il ne faut désormais plus parle d’agriculture biologique au singulier mais bien des agricultures biologiques, tellement les pratiques peuvent varier d’une exploitation agricole à une autre.

    28.11 à 18h21 - Répondre - Alerter
  • le bio, oui, mais pas de n’importe ou.
    déjà qu’en France on n’est n’est pas très sur du respect du cahier des charges.

    quant au cahier des charges,parlons en !!
    il est tellement contraignant, que c’en est une incitation à la fraude. mieux vaudrait des obligations moins contraignantes mais réellement contrôlées.

    28.11 à 14h21 - Répondre - Alerter
  • L’ayant co-rédigé, je vous suggère "Le bio : qu’y-t-il (vraiment) dans votre assiette ?" de Michel Guglielmi et Christophe David Ed. Cavalier Bleu, 2011
    ...En général ceux qui l’ont lu le trouvent très bon, car équilibré.

    27.11 à 14h33 - Répondre - Alerter
  • "Le bio, on est jamais sûr que c’est complétement bio.
    Alors que quand c’est pas bio, là au moins on est sûr que c’est totalement de la merde."
    Anatole.

    27.11 à 10h57 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas