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Accueil du site > Actu > L’économie expliquée à mon père > Faut-il annuler la « dette odieuse » grecque ?
22-11-2011
Mots clés
Finance
Société
Europe
Etats-Unis
Interview

Faut-il annuler la « dette odieuse » grecque ?

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Faut-il annuler la « dette odieuse » grecque ?
(Crédit photo : George Laoutaris - flickr)
 
Alexandre Delaigue, professeur d'économie à Saint-Cyr et blogueur, a répondu à nos questions sur la dette grecque, après avoir visionné le documentaire Debtocracy.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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|Un énième plan de rigueur a entraîné la démission de plusieurs députés et un regain de violences en Grèce ce dimanche 12 et lundi 13 février. Le besoin d’une alternative à l’austérité est plus pressant que jamais. L’occasion de relire l’interview d’Alexandre Delaigue sur l’utilité d’une annulation de la dette grecque.|

Terra eco : Le documentaire « Debtocracy » cite de nombreux exemples d’Etats qui ont refusé de payer leur dette. Est-ce vraiment aisé d’annuler ses créances pour un Etat ?

Alexandre Delaigue : Si vous ou votre entreprise ne payez pas votre dette, vos biens seront saisis. Par contre, un Etat a, lui, le droit d’annoncer un défaut à ses créanciers. C’est un privilège aussi vieux que les gouvernements. Alors pourquoi les Etats remboursent-ils leurs dettes ? La question a beaucoup été étudiée par la théorie économique. La réponse est simple : pour pouvoir s’endetter encore !

En effet, les créanciers, après un défaut, risquent de refuser de prêter ou vont prêter à taux très élevé aux Etats. Les gouvernements se demandent donc s’il est plus rentable d’annuler leur dette actuelle mais de ne plus pouvoir recevoir de prêt ensuite, ou bien de continuer à rembourser la dette et de pouvoir emprunter encore. C’est un calcul assez simple et l’option la plus rentable est très souvent la seconde, car les Etats ont presque toujours besoin d’emprunter. Dans l’Histoire, les annulations de dette ont eu lieu quand la première option était plus rentable, ce qui est rare.

Le documentaire montre le cas de l’Equateur, où une Commission d’audit intégral du crédit a été mise en place pour annuler les dettes odieuses. Il semble que le calcul n’était pas seulement économique à l’époque.

Ce n’est pas comme ça que cela s’est passé. En réalité, le Président Rafael Correa a décidé d’annuler la lourde dette du pays dès son arrivée au pouvoir, justement parce que c’était économiquement intéressant. Le pays était très endetté et prenait peu de risques en ne remboursant pas. En effet, il disposait de beaucoup de liquidités grâce à ses ressources pétrolières, et avait donc peu de besoin d’emprunt. Par ailleurs il avait l’assurance d’avoir des prêts de certains voisins grâce à leur proximité politique. La Commission sur la dette n’a donc fait que valider une décision déjà prise. On est dans de l’habillage politique, pour légitimer une décision économique.

L’annulation de la dette serait-elle une bonne solution pour la Grèce ?

Le documentaire pose la question en terme moral. Mais la vraie question c’est : est-ce que la Grèce a intérêt, économiquement, à faire défaut ? Et la réponse est non.

La Grèce souffre d’un déficit primaire. Cela veut dire que son budget est dans le rouge même si l’on ne tient pas compte du remboursement de la dette. Ce déficit primaire est très élevé : il dépasse les 6%. Donc si elle cessait demain de rembourser sa dette, elle serait très rapidement à court de liquidités parce que ses dépenses excèdent largement ses recettes. Aucun créancier ne voudrait lui prêter de l’argent, à cause de son défaut, donc elle devrait aller encore plus loin dans l’austérité, en augmentant les impôts ou en procédant à de vastes coupes budgétaires. Si la Grèce annulait sa dette, ce serait la panique, avec un coût trop élevé pour le pays.

Quelle serait alors, selon vous, la solution pour la Grèce ?

La solution aurait été de laisser la Grèce se faire aider par le FMI (Fonds monétaire international). Après ses plans catastrophiques, notamment en Argentine, le FMI a changé. Il aurait mené une politique de réduction des dépenses lente en maintenant une perfusion importante. Mais les dirigeants européens ont voulu s’en charger, en partie parce que Nicolas Sarkozy ne voulait pas laisser le mérite du sauvetage d’un pays européen à Dominique Strauss-Kahn - alors directeur général du FMI.

Le tour de vis imposé à la Grèce est inédit dans l’histoire, il est extrêmement rapide et a des conséquences dramatiques. La Grèce n’aurait jamais autant souffert avec une aide du FMI. Et la contagion au reste de la zone euro n’aurait pas été aussi rapide. Enfin, le fonds aurait laissé la Grèce négocier une décote avec ses créanciers alors qu’aujourd’hui l’Europe négocie cela directement avec les banques. De même, il y a un membre de l’UE derrière chaque ministre grec. Ce sont des dénis de démocratie très graves.

Le documentaire diagnostique la crise grecque comme la conséquence d’une erreur de construction de la zone euro. Qu’en pensez-vous ?

Le début du commentaire, qui dresse le diagnostic des origines de la crise et les attribue à l’organisation de la zone euro est de loin le plus juste et le plus pertinent. Le vrai problème de la Grèce, c’est que la zone euro marche mal parce qu’elle est organisée avec une parité fixe et des mouvements violents de capitaux. La Grèce vit la même situation que la Thaïlande dans les années 1990. Il faudrait comparer les discours de l’époque à ceux d’aujourd’hui sur la Grèce mais il sont très proches.

On disait d’elle que c’était un futur dragon, elle a été tirée par sa politique monétaire et il y a eu un afflux de capitaux brusque vers le pays. Puis, violemment, ses capitaux sont repartis notamment à cause de la concurrence des pays voisins. Le pays s’est enfoncé dans la crise et on a accusé son indolence et sa corruption. Alors que le vrai problème est monétaire. C’est complexe, et moins attirant qu’un complot, mais c’est très intéressant sur notre vision politique et les leçons que l’on ne tire (pas) du passé.

A lire sur terraeco.net :

- « Debtocracy », LA vidéo solution anti-crise ?

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  • Ne pas oublier que Machin, ancien de Goldman Sachs a été imposé pour perdurer l’austérité actuelle en Grèce. Je crois qu’il y a réellement 1 volonté de + en + affichée de démontrer que tous les adeptes de l’obéissance aveugle (la plupart des électeurs de tous états) ne doivent leur pitance qu’en respectant le règne de l’ignorance et de la peur (volontaires ou pas)...
    La Grèce est loin d’être le seul pays concerné, ni le 1er et ni le dernier...Que les Français sachent qu’ils ne sont pas + épargnés ! L’ère du nuage de Tchernobyl qui a évité les frontières de France, est dépassée...à moins que la consommation de somnifères, ne les plonge dans 1 coma d’indifférence douillet...

    15.02 à 17h30 - Répondre - Alerter
  • La solution n’est-elle pas surtout de faire baisser (je n’imagine pas qu’il soit possible de la supprimer) la corruption et l’évasion fiscale ? Leur système est corrompu et les coffres grecs planqués en Suisse sont pleins. Pourquoi le reste des européens devrait il payer pour eux ? Qu’ils élisent des politiques honnêtes et gèrent mieux leur pays.

    15.02 à 12h58 - Répondre - Alerter
  • Je me permet de passer à la psychanalyse de la société. Le problème qui touche la Grèce et qui créera 1 crise, non pas qu’européenne, est dû au fait que le lobbying pousse les individus à sur-consommer, et les états à afficher des apparats coûteux pour paraître prospères...Donc au lieu de privilégier 1autonomie alimentaire assez suffisante pour nourrir la population, et pouvoir éventuellement exporter les produits locaux, on cherche plutôt à copier les habitudes aberrantes de consommations des pays les + polluants et gaspilleurs d’énergies de tous genres. L’origine des maux réside dans le choix des humanoïdes terrestres à opter pour l’Avoir, le Paraître, plutôt que pour l’Etre. A partir du moment où, par prétention, l’on finit par confondre ses caprices avec ses réels besoins, on tombe dans une schizophrénie sociétale qui exige d’augmenter de + en + le pouvoir d’achat, d’en rester dépendant jusqu’à ne plus comprendre la signification de la Liberté, Mère éthique de la démocratie.
    Et pour en sortir, il est impératif de réviser, pour les électeurs ainsi que pour leurs élu(e)s, leurs pensées et actes, afin de "bousculer" leurs boulimies. Je propose la philosophie de la simplicité volontaire qui permet d’ajuster son appétit existentiel, et évite d’évoquer le terme répulsif de "décroissance", car la plupart, omnibulé(e)s par le productivisme, ne comprennent pas que cela concerne plutôt l’obligatoire diminution de leurs gloutonneries.
    Les mots ont leur importance politique, et c’est ainsi que souvent, les guerres ne se déclarent que par des phrases à la base...La société humaine se trouve dans le cap de sortie d’1 adolescence cherchant son identité, et s’illusionnant sur sa maturité tout en refusant ses responsabilités et l’impact de ses empreintes écologiques. Si elle tient à perdurer ce stade d’évolution psychologique, alors elle sombrera définitivement dans sa névrose...Mais malgré le fait que l’histoire ait surtout montré le pire, je n’oublie pas que nous sommes également capables du meilleur, et continue ainsi à oeuvrer pour l’espérance

    23.11 à 08h37 - Répondre - Alerter
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