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3-12-2014
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Pollution
Economie
Monde
Tribune

Faut-il abolir la pollution ?

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Faut-il abolir la pollution ?
(Crédit photo : Andrew Hill)
 
Interdire toutes les contaminations de l'environnement : une idée si naïve vous fait sourire ? Et si ce combat était du même ordre que celui des militants contre l'esclavage ? Le consultant Yannick Roudaut explique pourquoi.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Yannick Roudaut est codirigeant de l’agence de conseil en développement et stratégie durable Alternité. Il est l’auteur de La Nouvelle controverse (Editions La Mer Salée, 2013).

« La pollution atmosphérique est aussi nocive que le tabagisme passif. » En publiant ces données le 24 novembre dernier, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) nous place face aux conséquences de notre modèle économique. Combien d’enfants asthmatiques, combien de décès dus à une insuffisance respiratoire, combien de cancers faudra-t-il encore supporter pour que la pollution devienne inacceptable ?

Dans une économie dopée aux énergies fossiles dont l’extraction et la combustion génèrent des pollutions, aucun responsable économique n’envisage sérieusement sa suppression, tant la question lui paraît absurde. Imaginer une société sans pollution est techniquement et culturellement inconcevable. Comment pourrions nous faire autrement ? Nos voitures, nos logements, les produits que nous consommons quotidiennement, les plastiques sont tous émetteurs – directement ou indirectement – d’une pollution de l’eau, des sols ou de l’atmosphère. Même les produits dits écologiques sont transportés dans des camions circulant au gazole, camions eux-mêmes fabriqués à partir de matériaux issus de processus industriels polluants. Bannir la pollution serait donc synonyme d’effondrement de nos économies modernes. La remettre en cause relève donc de l’irresponsabilité. CQFD.

L’insoutenable légèreté de nos comportements

Mais qui est vraiment irresponsable ? Faisons un petit saut en arrière. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, personne n’envisageait une exploitation des Amériques sans le recours à l’esclavage. En l’absence de mécanisation des tâches agricoles, il fallait des bras pour exploiter le Nouveau Monde. Un homme d’affaires avisé investissait d’ailleurs dans le commerce triangulaire sans se soucier des souffrances humaines de la traite des Africains. Les conséquences « collatérales » de cette exploitation humaine étaient considérées comme un mal nécessaire. Et cela n’était pas négociable. Une économie sans esclaves était inconcevable ! Tout cela semblait si naturel. C’est pourquoi les premiers abolitionnistes ont eu tant de difficultés à se faire entendre. Ils s’attaquaient à une certitude solidement ancrée. Pourquoi remettre en cause une vérité historique ? Les abolitionnistes étaient raillés, méprisés, jugés irresponsables par leurs contemporains, car ils prônaient un modèle de société qui relevait de l’utopie pour le plus grand nombre. Quelques décennies plus tard, cette vision de l’économie basée sur l’exploitation humaine suscite le dégoût.

En ce début de XXIe siècle, nous commettons de nouveau une erreur impardonnable aux yeux des générations futures. Notre incapacité à nous projeter dans un monde différent, où les activités humaines ne seraient plus destructrices de la nature mais bienveillantes, nous empêche de sauter le pas. Nous acceptons la pollution, sous toutes ses formes (air, eau, sols…) comme un mal nécessaire. Pas de croissance sans pollution ! C’est un dogme non négociable. C’est une vérité acquise avec laquelle nous nous accommodons tous. Nos enfants nous considérerons comme les nouveaux maitres esclavagistes.

En finir avec « l’esclavage environnemental »

Si l’esclavage a été aboli, c’est en partie grâce à une révolution technologique sans précédent : l’invention de la machine à vapeur à la fin du XVIIIe siècle, laquelle a permis la mécanisation de l’agriculture. Cette rupture technologique a donné lieu à la première révolution industrielle. Elle a été l’un des catalyseurs de l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis.

Aujourd’hui, une nouvelle rupture technologique et philosophique est en cours. Des citoyens et des entreprises explorent de nouvelles sources d’énergie, de nouveaux moyens de propulsion, de nouveaux matériaux dans l’habitat, de nouvelles formes d’agriculture… Tous partagent la même vision : faire mieux avec moins afin de créer des richesses, tout en préservant la qualité de vie et le patrimoine de nos enfants. Toutes ces initiatives ménagent le vivant en tentant de réduire la pollution à zéro. Que l’on parle d’« économie circulaire », de « biomimétisme », d’« économie de la fonctionnalité », toutes ces approches complémentaires et interdépendantes partagent une vision commune : produire, consommer, vivre sans polluer et sans renoncer au bien-être des individus. Ces inventeurs revisitent notre modèle économique et social en envisageant simplement de faire « avec » et non plus « contre » ou « sans » la nature. Les innovations sont nombreuses et les créations d’emplois seraient tout aussi importantes si nous acceptions de nous emparer de ces « nouvelles machines à vapeurs ». Le frein n’est pas financier – il n’y a jamais eu autant d’argent dans la sphère financière qu’en 2014 – ni technique : il est psychologique. Ces nouvelles « machines à vapeur » nous ouvrent les portes d’une nouvelle révolution. Non pas une troisième révolution industrielle, mais une révolution économique et sociale basée sur un sursaut philosophique : la nécessaire réconciliation de l’être humain avec le vivant. Ouvrons un nouveau débat. Abolissons la pollution. L’économie et l’homme s’en porteront mieux.

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  • Difficile en effet surtout quand les écologistes donne la voie/voix au tout routier.
    En effet qui se souvient du projet, porté entre autre par M. Raymond Barre, d’un canal Rhin Rhone ?
    Ce canal nord/sud allait supprimer des milliers de camions sur la route.
    Savez vous qu’une seule péniche peut transporter l’équivalent de 35 semi-remorques ?
    Cette voie fluviale avait pour but de diminuer le trafic de transit très polluant.
    C’est en effet Madame Dominique Voynet écologiste notoire, qui s’est opposée farouchement à ce projet plein de bon sens.
    Non à une écologie qui freine, oui une écologie progressiste.

    2.11 à 15h41 - Répondre - Alerter
  • Je découvre avec 1 mois de retard cette très intéressante tribune qui recoupe l’aussi tres intéressant bouquin de JF Mouhot "Des esclaves énergétiques".
    Je ne suis pas sûr que les énergies renouvelables jouent seules un role aussi fort que la révolution industrielle qui est arrivée à "ringardiser" les pratiques d’esclavages au XIXème siècle.
    Si on veut vraiment abolir la pollution des gaz à effet de serre, il faut je pense mettre un signal prix carbone de plus en plus important pour qu’il devienne plus coûteux de polluer que de ne pas ! Ainsi les ENR et la sobriété énergétique pourront remplacer notre dépendance aux carburants fossiles.

    5.01 à 16h20 - Répondre - Alerter
  • "Le frein n’est pas financier – il n’y a jamais eu autant d’argent dans la sphère financière qu’en 2014 – ni technique : il est psychologique."
    Faux ! Le frein n’est pas psychologique et le changement des comportements ne suffit pas s’il n’y a pas de volonté politique.

    5.12 à 11h29 - Répondre - Alerter
    • Avec tout mon respect, croire que c’est le politique qui va innover sans pression populaire, c’est ça qui relève de l’utopie. Arrêtons avec cette poule et cet oeuf du changement politique. Arrêtez de croire, comme le rabâchent les journaux de masse, que seul le politique est légitime à agir mais que le politique ne peut rien parce que les choses sont inévitables. Arrêtez d’entériner cette hypnose de masse qui a réussi à vous faire abdiquer tout pouvoir et donc toute responsabilité politique sous prétexte qu’on serait en "démocratie". Nous ne sommes pas en démocratie. Nos "représentants" ne représentent qu’eux-mêmes et ne se sentent obligés de faire semblant de nous écouter que tous les 5 ans, en passant plus de temps à préparer leur prochaine élection qu’à se préoccuper de l’intérêt général.
      C’est à nous de changer de paradigme à la fois social et politique. Les politiciens vivent de leur boulot, qui est de se faire élire, et non de diriger le monde - ça, ils le laissent aux lobbies bancaires et industriels mondialisés, dont les actionnaires ne sont responsables devant aucun peuple, aucun Etat, aucun système fiscal. Voilà pourquoi nous ne sommes pas en démocratie.
      L’ennemi est devant notre nez. Arrêtons de nous croire dépossédés des moyens d’action. Arrêtons de nous croire esclaves d’une situation par confort, lâcheté, fatigue permanente, découragement, cynisme et autres maladies morales contemporaines.
      Bref, d’accord en tout avec cet article.
      Continuer de rouler ville en crachant la mort par son tuyau, c’est de la folie, le moteur à explosion en ville, c’est une folie ; les politiciens ne sont pas fous, ils sont lâches. Ils ressemblent à leur peuple. A chacun de savoir à qui il veut ressembler.
      Merci !

      8.12 à 12h03 - Répondre - Alerter
      • Quel pouvoir ? Quand on essaie tant bien que mal de mettre du beurre dans ses épinards et lorsqu’on se serre la ceinture, où est le pouvoir populaire ? Arrêtez cette culpabilisation du citoyen commum. Moi, j’ai beau adopter les gestes écologiques, mais sans une volonté politique, rien ne sera fait. POINT BARRE.
        Vous êtes complètement à côté de la plaque.
        Sur ce, je finis cette discussion.
        Au revoir et à jamais.

        8.12 à 14h18 - Répondre - Alerter
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