Exki : le fast goût

13 heures. C’est le coup de feu chez Exki, boulevard des Italiens, à Paris. Pendant qu’une jeune femme joue des talons pour s’emparer du dernier sandwich « Olivia », au pain bio et courgettes grillées, un employé remplit des soupières fumantes. À Paris comme à Bruxelles, la clientèle de cette enseigne belge est à 80 % féminine. Il faut dire que le slogan, « Natural, Fresh & Ready » (« Naturel, frais et tout prêt »), résume une formule taillée sur mesure : un fast-food qui ne propose que des produits frais du jour.

Des petits cartouches signalent même la valeur nutritionnelle des plats. Le repas coûte, en moyenne, entre 10 et 12 euros. Au départ, les fondateurs étaient pourtant loin de militer contre la malbouffe. Arnaud de Meuûs, Frédéric Rouvez et Nicolas Steisel, trois quadragénaires belges et amis de longue date, jouaient plutôt sur le terrain de la finance et de l’audit. « Nous avions la fibre du commerce, nous cherchions une bonne idée ! », résume Nicolas Steisel, aujourd’hui administrateur délégué.

Flux tendu et produits frais

Les trois compères pensent d’abord à se tourner vers la peinture industrielle ou la parapharmacie. En 2000, ils trouvent le créneau : un self-service « rapide mais pas industriel ». « La restauration rapide est nécessaire. Il lui manquait deux choses : des produits respectueux de la santé et un accueil un peu différent », explique Nicolas Steisel. Le chef Franck Fol, un cuisinier belge étoilé, met sur la carte ses inventions comme la « légumaise », une mayonnaise sans œuf. Pour fonctionner en flux tendu et se passer de conservateurs, un atelier est installé à la frontière franco-belge et fournit quotidiennement le pain, bio, et une partie des plats, préparés pendant la nuit. Convaincu, l’ancien employeur des trois acolytes, le groupe GIP, spécialisé dans la grande distribution, investit dans le projet.

Dès l’ouverture du premier restaurant, à Bruxelles en 2001, le bouche-à-oreille leur bâtit une belle image de marque. Les premiers clients se félicitent que les produits d’entretien des restaurants soient certifiés écologiques et les invendus donnés chaque soir à l’Armée du Salut. En 2003, une discrète holding, Landinvest, tenue par trois industriels flamands versés dans l’agro-alimentaire bio, entre dans le capital à hauteur de 65 %. L’année suivante, c’est Max Havelaar qui les contacte et leur propose de remplacer leur café industriel par un produit labellisé équitable.

A la sauce sociale

Leur technique marketing ? Installer un cercle vertueux en misant tout sur leurs employés pour relayer « l’esprit Exki ». Embauche à 10 % au-dessus du Smic, création d’un institut de formation au sein même de l’entreprise, la « Exki académie » : la formule fonctionne. Le taux de rotation est nul dans l’établissement parisien. Les neuf employés embauchés à l’ouverture sont toujours là. Cinq autres les ont rejoints, tous en CDI. Comme Varlet Anibie, qui ne veut plus partir. « Dans la restauration rapide, les cadences sont généralement insupportables. Ici c’est l’inverse. Je n’ai jamais senti le stress habituel. Les plannings sont souples. On peut s’arranger en un coup de fil.

Quant à vendre des produits frais, dont je connais la qualité, ça m’enlève les remords que j’ai pu avoir dans d’autres chaînes ! », explique l’homme de 33 ans. Aujourd’hui, l’enseigne possède 20 établissements, à Bruxelles, Turin et Paris. Le chiffre d’affaires de l’entreprise, qui a réalisé son premier exercice rentable en 2005, atteint 13,8 millions d’euros. Mais les maîtres d’œuvre ne comptent pas s’arrêter là. Côté concept, des plastiques biodégradables sont à l’étude pour remplacer les emballages. Côté business, l’objectif est clair : ouvrir cinq établissements par an, au moins dans les trois prochaines années. Une micro-invasion, plus digeste que celle des McDo.