Escapade solidaire dans les Carpates

A une extrémité du village, l’église orthodoxe. A l’autre bout de la rue principale, le temple protestant. Au milieu, le numéro 509, une maison devenue le cœur de la vie de Purcareni. Le siège de "l’Arbre de Joie". Ici, les journées sont rythmées par les sabots des chevaux qui résonnent sur les chemins, et les cloches qui accompagnent le retour des vaches à l’étable. Depuis dix ans, une douzaine de familles partage ses activités entre travaux aux champs et accueil de touristes. Pas de quoi faire sauter la banque certes, mais d’adoucir une vie parfois rude. 70 euros par an, dans un pays où le salaire moyen plafonne à 146 euros - beaucoup moins dans les zones rurales - "cela paraît peu mais les familles auraient du mal à survivre sans", précise Maylis Cazaumayou.

Laboratoire rural

Cette femme passionnée à la soixantaine énergique se souvient de son arrivée à Purcareni, avec les camions de l’opération Villages roumains. C’était quelques semaines après la chute de Ceaucescu. "Coca-Cola, Marlboro et McDonald’s étaient déjà à l’œuvre en Roumanie, il y avait urgence à montrer qu’on pouvait faire autrement et sans eux". C’est ainsi que peu à peu, Purcareni est devenu un "laboratoire" d’initiatives visant à améliorer le quotidien rural. Pourtant, au début, l’idée n’a pas soulevé l’enthousiasme des foules. Difficile de faire changer les mentalités en quelques mois. Depuis, l’arbre a bourgeonné et ses fruits ont permis de créer une bibliothèque et de financer des stages de Français.

Parcours du combattant

Le tourisme s’est d’abord imposé comme un modèle économique capable de faire vivre l’association. Le principe est simple. Un coup de fil à Maylis, et elle se charge de trouver quelques heures à l’avance une famille prête à accueillir les voyageurs en tournée dans les Carpates. Tous les logements ont été aménagés pour obtenir l’agrément du gouvernement. Des mois de paperasses, le parcours du combattant version roumaine. Mais les retombées sont doublement positives pour les habitants, puisque leurs propres maisons s’en trouvent améliorées, tant au niveau de la décoration, que du confort ou de l’isolation.

Ouvrir les esprits plutôt que le portefeuille

Loger chez l’habitant, le concept n’a rien de nouveau. Le plus de l’association, c’est de privilégier le contact entre les hôtes et les touristes. L’échange est au cœur du séjour, que ce soit autour d’un verre de Tsuica - l’alcool maison - ou des repas traditionnels, lors de balades en forêt ou de promenades en traîneau. Pusa et Viktor, jeune couple, ont aménagé une grande pièce avec deux lits dans leur maison. Lui est paysan, elle travaille à mi-temps à la ville comme secrétaire médicale. Ils perçoivent deux tiers des 15 euros que coûte la demi-pension au visiteur.

Enrichissement financier, mais aussi culturel. Pusa profite de la présence des touristes français pour améliorer sa maîtrise de la langue. Et l’association atteint ses objectifs : revaloriser la vie rurale et l’image écornée d’un pays dont les Occidentaux ont parfois une approche folklorique. Pari réussi, si l’on en croit les visiteurs qui séjournent de plus en plus longtemps ici, pour profiter d’une véritable immersion.