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12-07-2012
Mots clés
Bois-forêts
Inde

En Inde, les bons principes de Michelin se dégonflent

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En Inde, les bons principes de Michelin se dégonflent
(L'usine de pneus en construction. Crédit photo : CCFD-Terre solidaire)
 
La multinationale française construit une usine en Inde. Mais le site choisi est une forêt qui fait vivre des milliers de personnes. Des organisations dénoncent une violation des droits d'une communauté d'Intouchables.
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Engageant, le bonhomme Michelin, avec ses bourrelets rassurants et son gentil sourire. Alors quand il nous a proposé de discuter avec lui, sur le site web de la multinationale de pneumatiques, on n’a pas trop hésité avant de cliquer. Et on lui a posé une question certainement un peu sensible, parce qu’il a répondu... à côté. On lui a demandé comment il réagissait aux accusations de violations des droits de l’homme proférées contre lui par plusieurs défenseurs des droits. Bibendum, bien sympa mais pas fute-fute, nous a redirigés vers le site internet de l’entreprise en Inde, où pas un mot ne figure sur cette gênante affaire. Le service presse de l’entreprise est lui aussi resté muet.

Avoir partout un comportement responsable

Le CCFD-Terre Solidaire, l’association Sherpa de lutte contre les crimes économiques, la CGT et deux organisations indiennes (Sangam, association de villageois, et la Fédération pour les droits de la terre au Tamil Nadu) accusent l’entreprise française de violer les droits d’une communauté d’Intouchables, dans la région du Tamil Nadu, dans le sud-est de l’Inde. C’est là que Michelin construit une de ses plus grandes usines de pneus.

Ces cinq organisations ont saisi mercredi le point de contact national (PCN) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à Paris. Elles l’ont annoncé dans un communiqué commun. Par cette saisine, le PCN - instance tripartite qui rassemble des représentants des ministères de l’Economie et du Travail, du Medef et des syndicats de salariés - va vérifier si les agissements de Michelin dans cette lointaine contrée respectent les principes directeurs de l’OCDE, visant à encourager les multinationales des pays membres (dont la France) à avoir, partout où elles exercent leurs activités, un comportement responsable.

Une entreprise a priori irréprochable

A première vue, ça devrait être le cas de Michelin. L’entreprise s’est en effet engagée dès 2002 dans une démarche « Performance et responsabilité » et a signé la même année une charte (voir ci-dessous) dans laquelle elle insiste sur la responsabilité qui est la sienne « du fait de [sa] présence commerciale et industrielle dans de très nombreux pays ».

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En voici quelques extraits : « Nous considérons notre responsabilité de participer au développement économique des régions où nous sommes implantés, en aidant chaque fois que possible à la création d’emplois en dehors de notre entreprise. » « Nous souhaitons que notre activité contribue à l’amélioration des conditions de vie et du bien-être, en particulier dans les pays en développement. » De bien louables intentions. Alors pourquoi Michelin est-il l’objet de reproches ?

La construction de la plus grande usine de Michelin en Inde, près du village de Thervoy dans l’Etat du Tamil Nadu, a démarré en 2010, après que l’entreprise a passé un accord avec le gouvernement local en novembre 2009. Mais les quelque 450 hectares de terre mis à la disposition de l’entreprise par les autorités locales, sans concertation de la population avoisinante, sont situés au cœur d’une forêt collective qui abritait jusqu’ici des activités agricoles et pastorales, uniques moyens de subsistance des habitants du coin. « Aujourd’hui, la forêt a disparu, ils ont tout rasé, explique Antonio Manganella, chargé du plaidoyer responsabilité sociale des entreprises pour le CCFD-Terre solidaire. De plus, sur les terrains loués par Michelin, se situent trois lacs naturels alimentés par les pluies de la mousson, et qui servent de réserve d’eau pour les villages alentour. L’un d’eux est déjà à sec. »

Les habitants des villages alentour n’ont pas été consultés par l’entreprise ni les autorités sur le projet d’installation de l’usine. Crédit photo : CCFD-Terre solidaire

Plus qu’un moyen de subsistance, un mode de vie englouti

En tout, 19 villages sont directement concernés par la construction des infrastructures nécessaires au site : l’usine mais aussi les routes pour la relier aux grandes villes voisines et au port. Le village le plus touché à ce jour est celui de Thervoy, qui regroupe 1 500 familles – essentiellement des Intouchables de la communauté Dalit - et qui est à moins d’un kilomètre du site. « Les habitants ont déjà vu leur production agricole baisser de moitié. Et ils récupèrent les eaux usées du chantier dans leurs cours d’eau. Ils ont perdu leur moyen de subsistance (ils vendaient le surplus de leurs récoltes et s’assuraient un revenu correct, ndlr) mais sont aussi en train de perdre leur mode de vie, lié à cette forêt qu’ils avaient boisée et entretenue pendant deux siècles », ajoute Antonio Manganella, qui s’est rendu deux fois sur place.

Il précise que « toute la zone est destinée à se transformer totalement car il est prévu de construire, à proximité de l’usine et pour les cadres qui vont y travailler, des logements, des centres sportifs et commerciaux ». Il en conclut qu’« il y a incompatibilité entre ces projets et le fait que les villages puissent perdurer ». « Les populations locales vont se retrouver sans autre choix que celui d’entrer dans la spirale maudite du déplacement vers les banlieues des villes. »

Michelin accusé de tirer les bénéfices des défaillances des autorités

Et ce malgré la forte mobilisation des habitants. Dès le départ, « ils ont mené des manifestations pacifiques et ont intenté plusieurs recours judiciaires contre l’Etat du Tamil Nadu », précise le communiqué associatif. En vain. Le site, sur lequel travaillent 4 000 personnes, continue inexorablement de sortir de terre. Et les manifestants pacifiques sont sévèrement réprimés par les autorités locales. Résultat : « Certains villageois qui ont été arrêtés se retrouvent aujourd’hui avec un casier judiciaire et ne pourront donc plus jamais exercer dans la fonction publique », ajoute le représentant du CCFD.

Alors il est vrai que ce n’est pas Michelin qui a directement violé les droits des habitants, puisqu’il a obtenu des autorités les permis de s’implanter sur ce lieu. Mais les organisations qui ont saisi le PCN de l’OCDE lui reprochent d’avoir tiré bénéfice des défaillances de l’Etat du Tamil Nadu en termes de respect des droits de l’homme, et de ne pas avoir évalué les impacts sociaux et environnementaux de la construction du site.

Exemplarité ici, relâchement là-bas ?

Certes, l’entreprise n’a jamais refusé de discuter avec les ONG au sujet de l’entreprise au Tamil Nadu. « Depuis qu’on a entamé les discussions en 2010, il ne nous ont jamais fermé la porte, mais ils font la sourde oreille à nos demandes de suspendre les travaux, de consulter les populations sur le projet et de réaliser un étude indépendante d’impact. Le but de Michelin est de gagner du temps pour nous dire ensuite “on ne peut plus rien y faire, c’est trop tard” », estime Sandra Cossart, responsable du pôle RSE à Sherpa. Plutôt que de faire face au gros problème, l’entreprise présente sur son site les petits pansements qu’elle propose à la population, des formations pour devenir boulanger notamment.

Pour Sandra Cossart, « ce cas est emblématique du comportement des entreprises transnationales qui, loin de leur zone d’implantation mère, font moins d’efforts pour respecter les standards internationaux ». Elle espère que le PCN, qui a un an pour rendre sa décision, estimera que Michelin a violé les principes directeurs de l’OCDE, au premier rang desquels figure le respect des droits humains. Certes, cette décision ne serait pas contraignante. Néanmoins, « une réunion du PCN va au-delà du symbolique. C’est un instrument qui fait peur et peut faire bouger les entreprises. » Mais quand l’usine sera entièrement construite et que les populations auront été contraintes de gagner les bidonvilles, il sera trop tard.

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  • Michelin soutient et organise l’implantation d’une usine d’éthanol à 1 km de Vichy, sur la commune de Bellerive sur Allier (site de Montpertuis).
    Notre histoire ressemble comme deux gouttes d’eau à celle du Tamil Nadu :
    1 - Michelin leur a piqué leur forêt en douce (quand ils ont commencé à bouger, c’était trop tard)
    2 - Avec l’aide bienveillante des élus locaux, sur lesquels ils se sont défaussés.
    3 - Les villageois y avaient leur propre économie depuis longtemps (la nôtre, c’est le tourisme/thermalisme)
    4 - "Le but de Michelin est de gagner du temps pour nous dire ensuite “on ne peut plus rien y faire, c’est trop tard” ».
    A noter que Michelin a la réputation de se livrer à un "accaparement des terres" d’après le Corporate Europe Observatory....
    SVP, signez notre pétition sur www.montpertuis.info

    1er.03 à 21h25 - Répondre - Alerter
  • L’article parle de "défaillances" du gouvernement du Tamil Nadu, c’est un peu facile, il faudrait avoir le courage de dénoncer les choses jusqu’au bout, Michelin est responsable d’avoir fermé les yeux et d’un manquement éthique grave, mais le gouvernement avec lequel il a traité doit être véreux, comme la plupart des hauts fonctionnaires indiens qui se fichent pas mal des populations qu’ils sont censés représenter, et encore plus des "intouchables" ! Il serait temps de dénoncer cette situation qui pourrit toute l’Inde.

    12.07 à 21h15 - Répondre - Alerter
    • je suis triste aussi pour les forets saccagées, ses habitants faunes et flores,les eaux détournées.. pour aller servir à nettoyer des pneus... vivement les véhicules sans pneus !
      même sans le souhaiter, parfois on ne peut que penser voir la nature reprendre ses droits.. Dénoncer ? ces gens là en ont rien à cirer excusez cette expression.. rien à cirer des populations, de l’environnement. Beaucoup de grosses entreprises ce sont emparées du développement durable pour leurs mobiles.. bref.. espéreront tout de même un monde meilleur..

      14.07 à 01h04 - Répondre - Alerter
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