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31-01-2013
Mots clés
Pêche
France
Monde
Interview

« En Europe, l’objectif d’une pêche soutenable d’ici à 2015 est réaliste »

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« En Europe, l'objectif d'une pêche soutenable d'ici à 2015 est réaliste »
(Crédit photo : ludovic - réa)
 
Expert en écologie halieutique, Didier Gascuel insiste sur l’urgence d’une réaction des pêcheurs, des politiques et des consommateurs pour protéger les ressources. Mais l’exemple du renouveau de la coquille Saint-Jacques le prouve, la partie n’est pas perdue.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Terra eco : En 2012, le documentaire choc, « The End of the line », prévoyait la disparition des poissons en 2048. Que penser de ce diagnostic ?

Didier Gascuel : On estime qu’en moyenne l’abondance des stocks exploités pour les espèces de fond, pêchées au chalut, a été divisée par dix depuis un siècle. C’est évidemment une moyenne. En Europe, on estime que, depuis la Seconde Guerre mondiale, la division serait d’un facteur six. Dans le même temps, la pression de pêche exercée par l’ensemble des navires a été multipliée par dix. Cependant, la date de 2048, annonçant la fin des stocks, est une extrapolation journalistique d’une extrapolation scientifique. L’auteur de l’article scientifique disait que si l’on continuait de pêcher à ce rythme, tous les stocks seraient surexploités en 2048. « Surexploités » ne veut pas dire « disparus ». D’autre part, cette extrapolation scientifique n’avait pas de valeur prédictive. L’étude voulait simplement dire : nous sommes sur une pente grave et il faut réagir.

En septembre 2012, la revue Science publiait une étude qui estimait qu’il était encore temps d’inverser le déclin des stocks…

En Europe, la diminution forte des stocks a surtout eu lieu dans les années 1950 à 1970. Mais depuis vingt ou trente ans, la situation est assez stable, à un niveau extrêmement détérioré, certes, avec de grands écarts selon les espèces. Depuis quelques années, pendant lesquelles des mesures de gestion rigoureuses ont été prises, quelques stocks montrent même des signes de reconstitution encourageants. Sur les grands stocks européens, la principale mesure repose sur les fameux quotas de pêche. Pendant très longtemps, ces quotas n’étaient pas restrictifs, c’est-à-dire que les pêcheurs ne trouvaient pas à pêcher dans la mer la quantité qui leur était attribuée. Depuis une dizaine d’années, ils le sont devenus.

L’Europe négociera la réforme de la politique de pêche en 2013. L’objectif d’une pêche soutenable d’ici à 2015 est-il réaliste ?

Je pense que c’est assez réaliste pour les grands stocks européens sur lesquels nous possédons, depuis des années, des données et des systèmes de contrôle. Depuis 2011, l’Europe a engagé une transition. Tous les ans, les quotas sont recalculés pour atteindre l’objectif d’une pêche soutenable. L’année 2013 est en effet charnière. Comme l’état de quelques stocks s’améliore, les pêcheurs ont tendance à dire : puisqu’il y a plus de poissons, on peut augmenter de nouveau les quotas. C’est le cas des pêcheurs français de la côte atlantique, qui exploitent la sole ou la plie, par exemple. Cette décision remettrait en cause les progrès déjà accomplis. Il faut que les pêcheurs acceptent de ne pas capturer la totalité des poissons qu’ils sont capables de pêcher.

Et il y a toute une batterie d’autres mesures à mettre en place. Pour limiter la pression de pêche, on peut choisir de diminuer le nombre de bateaux ou de limiter l’effort de chaque navire. L’exemple de la coquille Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) est parlant. Les pêcheurs se sont eux-mêmes imposé une saison de pêche de six mois par an, pendant laquelle ils ne pêchent que deux jours par semaine, 45 minutes par jour. Moyennant quoi, 250 bateaux exploitent la baie et en vivent relativement bien. Dans ce cas précis, un nombre important de pêcheurs est maintenu et, derrière eux, tout un tissu économique. D’autres pays, dans la même situation, auraient choisi de maintenir dix ou vingt gros bateaux pêchant huit heures par jour. Ce serait très rentable pour ces bateaux. Mais en termes d’aménagement du territoire, le bilan ne serait pas du tout positif !

En septembre dernier, une étude de la New Economics Foundation, un « think-tank » installé à Londres, démontrait qu’arrêter la pêche quelques mois ou quelques années permettrait de reconstituer les stocks et serait économiquement rentable. Faut-il en arriver là ?

Cette étude a l’immense intérêt de montrer l’ampleur des gains économiques que l’on pourrait obtenir si on arrive à reconstituer les stocks. Mais fermer la pêche sur certaines espèces pendant plusieurs années ne paraît pas réaliste. Cette décision aurait des effets sur les filières de commercialisation. Par contre, les pêcheurs doivent accepter que le quota n’augmente pas, même si le stock remonte. C’est une position difficile à tenir. Il faut expliquer que la reconstitution des stocks ne sert pas à améliorer leurs captures totales mais leur rentabilité. Ils ne pêcheront peut-être pas beaucoup plus de poissons qu’avant, mais au lieu de les pêcher dix heures par jour, 300 jours par an, ils sortiront moins souvent, en allant moins loin, en pêchant moins d’heures, peut-être avec des moteurs moins puissants et donc des engins moins coûteux.

Ils vont gagner en rentabilité et en stabilité. Les vieux et gros poissons ont disparu. Beaucoup de stocks reposent désormais sur deux ou trois classes d’âge. Par exemple, 95 % des morues qui sont pêchées ont moins de trois ans. Or, la morue a une longévité de 20 ans. Cela signifie qu’aujourd’hui le stock et donc la pêche sont très variables d’une année sur l’autre. A l’inverse, un stock constitué de dix classes d’âge est beaucoup plus stable. Dans une activité économique, avoir une prédictibilité de son chiffre d’affaires, c’est important !

Quel rôle les consommateurs ont-ils à jouer ?

Ils peuvent sélectionner de préférence des poissons « durables ». Mais ces choix de consommation n’auront d’effet que s’ils trouvent leur traduction politique dans les modes de gestion. Pendant longtemps, le ministre de la Pêche est revenu du Conseil européen des pêches, où l’on discute des quotas, en disant qu’il avait obtenu une victoire en faisant augmenter le quota par rapport à la position des scientifiques. Le jour où il reviendra en disant que la grande victoire, c’est d’avoir pris des mesures rigoureuses pour assurer la durabilité des pêches, on aura gagné. Malheureusement, une fois encore, ce n’est pas ce qui s’est passé cette année pour les quotas de pêche de 2013. Il reste du chemin à faire et des mobilisations citoyennes à construire. —

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  • PêchonsCarpe : Intéressant

    Un article plutôt intéressant, merci pour ce point de vue.
    Sélection de level chair

    9.12 à 17h40 - Répondre - Alerter
  • Encore une fois, les politiques n’ont aucune vision durable de notre socité et de notre mode de vie. Ils agissent encore et toujours sur du court terme, uniquement motivés par une réélection. Nous avons bien sûr tous à y gagner à gérer autrement et durablement : les pêcheurs, les distributeurs, les transformateurs, les consommateurs et n’oublions pas le plus important : notre chère planète ! Pour ma part, je suis prête à consommer durablement et je le fais déjà autant qu’il m’est possible de le faire, c’est à dire lorsque l’on m’offre ce choix. Il m’arrive d’ailleurs de ne pas acheter lorsque je n’ai pas ce choix !
    Consommateurs, réveillons-nous ! Nous avons le pouvoir d’influer sur les choix des acteurs économiques par nos achats

    6.02 à 10h11 - Répondre - Alerter
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