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28-10-2015
Mots clés
Immigration
France

En Dordogne, les Syriens réinventent leur vie

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Maya poursuit son apprentissage du français chez elle, avec livre et CD.

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Dans le petit village enclavé, une voiture est nécessaire pour se rendre au travail.

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Le couple, en compagnie de Nathalie, sa voisine devenue amie.

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Dalal, 7 ans, a fait cette année sa rentrée en CE1.

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Les deux enfants, devant leur maison.

 
Il y a un an et demi, cette famille de réfugiés s’est installée dans un petit village du Périgord qui s’est porté volontaire pour les accueillir. Peu à peu, ils s’y font des amis, apprennent le français et se sentent chez eux.
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Son sourire solaire ne laisse rien deviner de sa souffrance. Celle de l’exil. Malgré les horreurs qui ravagent son pays en guerre, malgré l’angoisse permanente pour ceux restés là-bas, Maya (1), 28 ans, garde une fraîcheur toute juvénile et une bonne humeur communicative. Maya est réfugiée syrienne et son doux regard noir irradie. C’est que la jeune femme aux traits délicats bénit aujourd’hui la nouvelle vie qu’elle construit lentement en France avec son mari, Mohamed, et leurs deux enfants, Dalal et Bakri. A l’abri de Bachar Al-Assad, le président syrien, à l’abri de l’Etat islamique, bien loin de leurs bombes assassines et exactions d’un autre âge. « Ici, nos petits sont en sécurité. Désormais, c’est tout ce qui compte », assure, dans un français hésitant mais encourageant, celle qui n’en parlait pas un mot à son arrivée dans l’Hexagone il y a un an et demi. C’était en mai 2014. La fin d’une longue fuite pour ce couple originaire d’Alep.

Dans un coin du Périgord, on leur fait alors la promesse d’une vie meilleure, à eux et à quatre autres familles syriennes. La Coquille et Jumilhac-le-Grand, petits villages aux confins de la Dordogne, sont la terre d’accueil de ces 25 étrangers qui ont tout perdu. Un choix mûrement réfléchi par les deux communes rurales. « Cinq mois auparavant, nous avions répondu à une mesure d’exception menée par l’Etat, se souvient Yves Congé, à l’époque maire socialiste de Jumilhac-le-Grand. En fait, la France s’était engagée auprès de l’ONU à accueillir sur son sol 500 Syriens en exil. » Procédure rarissime où tout est pensé par la préfecture, les élus locaux, les institutions, les associations et où, au final, chaque partie y trouve son compte. On aide les futurs habitants à s’intégrer vite et bien et les maires ramènent un peu de vie dans leurs bourgades vieillissantes. Comme une sorte de donnant donnant. A Jumilhac-le-Grand, les enfants syriens doivent même permettre de sauver l’une des quatre classes de l’école (Lire l’encadré au bas de cet article).

De leur côté, Yves Congé et le préfet d’alors, Richard Didier, spécialement nommé pour coordonner l’accueil des réfugiés, vont jusqu’à aller chercher eux-mêmes les familles bloquées en Egypte, attendant un hypothétique salut. Maya et Mohamed font partie de ceux-là, « sélectionnés » par l’ONU avec l’aide de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. « On ne sait pas sur quels critères nous avons été choisis. Peut-être parce qu’on avait déjà tous des parents en France, suppose Maya. Moi, j’ai un frère qui habite Drancy (Seine-Saint-Denis, ndlr) depuis huit ans. »

La guerre à 4 000 kilomètres de distance

Le couple va alors laisser derrière lui Alexandrie et deux ans de galères à tenter d’y reconstruire une nouvelle vie. Car ils n’ont pas attendu que leur fief d’Alep soit dévasté pour s’évader. « On a fui en juin 2012. On était déjà en Egypte quand les bombardements ont commencé », raconte Mohamed, solide gaillard de 34 ans à la carrure de sportif. Un temps, il travaille dans l’abattoir de son oncle installé là-bas. Mais comprend bien vite que lui et sa famille ne sont plus les bienvenus au pays des pyramides. « On a voulu partir, encore une fois. Et en France si possible. J’adore la langue. Je l’avais un peu étudiée quand j’étais plus jeune. Elle est tellement magnifique… », s’enthousiasme discrètement le jeune homme brun qui insiste pour qu’on s’adresse à lui uniquement en français.

L’arrivée d’Yves Congé et du préfet Richard Didier sonne comme une providence pour les deux croyants. Au Caire, un avion les attend. Ils savent désormais qu’ils ne connaîtront jamais la longue et éreintante route des réfugiés et les bateaux de fortune qui tuent chaque jour leurs concitoyens. « De toute façon, on n’aurait jamais pris la mer, s’enflamme Mohamed. C’est trop dangereux. » Deux jours avant leur départ, ils ne savent toujours pas où ils vont, précisément, dans cette France qui veut bien d’eux. Mais peu importe. Ils mettent enfin la guerre à 4000 kilomètres de distance. « Tous les réfugiés pensaient qu’ils iraient à Paris, Bordeaux, Toulouse… C’est la veille d’embarquer qu’ils ont su. Leur montrer Jumilhac-le-Grand sur une carte au format A5 n’a pas été évident ! », se rappelle, avec un sourire, l’ancien maire. Dans ce vol qui les mène vers leur pays bienfaiteur, Mohamed et sa famille savourent l’instant. Désormais, ils sont hors de danger. Atterrissage à l’aéroport de Roissy puis encore quelques heures en car avant de découvrir les routes vallonnées du Périgord et leur refuge vert, au cœur d’un petit village de 1 300 habitants. C’est la fin du périple. Et le début d’une vie nouvelle où tout est prêt pour eux. De l’inscription à l’école au statut de réfugié, leurs papiers sont réglés en un rien de temps grâce à l’Association de soutien de la Dordogne. Et dans un lotissement calme, un pavillon HLM vacant de longue date les attend le soir même. « On s’imaginait un appartement dans un immeuble et on a eu une grande maison en bois, avec des meubles, des vêtements dans les placards, un jardin. J’ai été surprise, heureuse… et soulagée », se remémore Maya avec l’émerveillement d’une enfant. Rien n’a été oublié, jusqu’au repas froid qui le premier soir trône sur leur table et les cartables d’écoliers bourrés de livres et de crayons.

« Les habitants leur ont donné des couvertures, des jouets, des conserves…, précise Yves Congé. Une salle de la mairie en était remplie ! » Pourtant, l’opération a été menée dans la plus grande discrétion. Secret d’Etat. « Mes administrés n’ont été avertis qu’une semaine avant. Ils m’en ont voulu. » Finalement, la générosité de la population locale a vite raison de ses griefs. Et pour certains autochtones, la si commune méfiance de l’étranger laisse vite place à un accueil bienveillant. « J’ai eu un peu peur au départ qu’ils ne veuillent pas s’intégrer. Peur aussi vis-à-vis de leur religion. Et puis, il y a cette histoire de voile… », reconnaît leur voisine Nathalie. Maya et Mohamed sont là, l’écoutent sans gêne. Tous les trois en sourient ensemble aujourd’hui. « On est devenus de bons amis. On sort aux fêtes de l’école, au feu d’artifice… J’amène Maya aux champignons, elle découvre. »

« Je ne veux pas vivre du RSA ! »

Avec son foulard blanc aux roses noires qui cache ses longs cheveux bruns et quelques fils d’argent, la jeune femme en jean et blouson de cuir sait qu’elle dérange encore un peu le village périgourdin. « Mon mari me dit parfois d’enlever mon voile. Mais moi, c’est ma croyance, vous comprenez. » Et Yves Congé de rappeler aux derniers récalcitrants qu’« avant, dans nos campagnes, nos grands-mères portaient bien des fichus sur la tête ». Le temps qui passe joue en faveur du couple. Sa volonté d’intégration, sa reconnaissance sans failles pour la France et la Dordogne, le rire de Maya aussi, éloignent peu à peu les oiseaux de mauvais augure. Très vite, l’ancien joueur de foot qu’était Mohamed en Syrie trouve sa place au sein de l’équipe locale. Et tous les dimanches, Maya, Dalal et Bakri vont encourager le massif numéro 3 du club, comme n’importe quelle famille du coin. « Notre fille et notre garçon en profitent pour s’amuser avec les autres enfants. Ils se font des copains. » L’entraînement du vendredi soir est même devenu un rendez-vous incontournable pour Mohamed, qu’il n’avait jusque-là encore jamais sacrifié. Mais depuis quelques semaines, la donne a changé : le jeune Syrien vient de décrocher un poste d’intérimaire dans un abattoir, à vingt minutes de là. Enfin. Du provisoire certes mais qui lui offre un peu d’espoir dans ce faible bassin d’emploi qu’est la Dordogne. « Le travail, il n’y en a pas beaucoup ici. J’ai ramassé des pommes, c’est tout ce qu’on m’a proposé. Alors, j’espère qu’avec cet abattoir… Je ne veux pas vivre du RSA ! »

Deux élèves assidus

L’absence de transports publics, l’enclavement de la petite commune rurale ne facilitent pas la tâche. Pour le couple, il faut alors se procurer une voiture, au plus vite. « Ici, c’est obligatoire. » Le frère de Drancy aide généreusement sa sœur Maya et Mohamed passe le permis de conduire français dans la foulée. Pour le travail bien entendu, mais aussi pour la langue. Tous les mardis, ils se rendaient au village voisin, La Coquille, pour suivre des cours, comme deux élèves assidus. Leur sésame pour se sentir vraiment chez eux, ici. « Mais maintenant que Mohamed a un travail, je n’ai plus personne pour m’emmener, constate Maya. Alors, je continue seule à la maison, avec un livre et un CD. » C’est sans compter sur sa fille qui, en un an et demi seulement, a appris à parler le français couramment. Avec son frère de 5 ans, Dalal ne s’exprime désormais plus en arabe et s’amuse à reprendre les fautes de ses parents. A 7 ans et malgré l’absence d’école qu’entraîne souvent l’exil, la petite a fait sa rentrée en CE1, comme les copines de son âge. Avec, presqu’intacte, l’insouciance des enfants qui n’ont pas connu la guerre. Bien entendu, il y a la tristesse de ne plus voir la famille restée là-bas, en Syrie. « Mes parents habitent une région épargnée par la guerre. Je n’ai pas trop peur pour eux mais ils me manquent », dit Maya, doucement mélancolique. Pour Mohamed, le cœur se serre et le ventre se noue quand il pense à ce frère coincé à Alep. « Il n’a pas assez d’argent pour en sortir », confie-t-il dans une inquiétude retenue et un geste d’impuissance. Et pourtant, malgré sa douleur d’exilé, le couple n’envisage désormais plus de retourner dans son pays. Dans les bombardements, leur maison a été réduite en cendres et avec elle, les photos, les souvenirs, toute leur vie d’avant. « On aimerait rester à Jumilhac-le-Grand, dit Maya. Nos enfants vont y grandir. L’avenir est là maintenant. Et surtout, c’est une grande chance d’être arrivés jusqu’ici. » Mohamed, lui, parle de « miracle divin ».

(1) Les prénoms ont été modifiés par peur de représailles contre leur famille restée en Syrie.


Les petits Syriens ont sauvé l’école !

C’est un bilan en demi-teinte mais le constat de l’ancien maire Yves Congé n’est pas amer. « Je suis content. On a sauvé une classe. » Sans les six enfants syriens scolarisés à Jumilhac-le-Grand, l’école aurait dû fermer l’une de ses quatre classes, passant sous le seuil des 80 élèves. En hébergeant des réfugiés, la commune y a trouvé son compte et l’opération ne lui a rien coûté. Par contre, le chirurgien syrien qui devait remplacer le médecin du village parti à la retraite a finalement trouvé un poste en Auvergne, plus proche de sa spécialité. Et c’est finalement une médecin espagnole qui s’est installée !

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