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28-08-2012
Mots clés
Agriculture
France
Interview

Doux : « On a travaillé et on n’a pas été payés pendant six mois »

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Doux : « On a travaillé et on n'a pas été payés pendant six mois »
(Crédit photo : DR)
 
800 éleveurs travaillent aujourd'hui avec Doux. Ils reçoivent les aliments et les poussins et envoient leurs bêtes à l'abattoir. Un système intégré confortable, sauf quand la machine s'enraye. C'est le cas aujourd'hui. Conversation avec un éleveur.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Ce lundi, une soixantaine de salariés de l’usine Doux de Graincourt-lès-Havrincourt (Pas-de-Calais), exclue par les plans de reprise, ont manifesté pour réclamer le versement de leurs salaires. Mais la tornade Doux ne touche pas que les 3 400 salariés du groupe, les éleveurs aussi – en contrat avec l’industriel – accusent le coup et peinent à récupérer leurs créances. Pierre-Yves Lohazic est éleveur de poulets au Merzer, près de Guingamp, et Président de la section avicole de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) des Côtes-d’Armor.

Terra eco : Pourquoi avez-vous choisi de travailler pour Doux il y a quatre ans ?

Pierre-Yves Lohazic : Chez eux, ce qui me plaisait c’était le schéma polyvalent qui me permettait de faire du poulet, de la dinde et de m’adapter au marché. Sinon, quand les affaires vont mal, il y a toujours le risque que les animaux restent dans les élevages. Là, les abattoirs favorisent les éleveurs de chez Doux. Et puis, l’entreprise nous fournit des poussins, des aliments, on n’a pas à avancer la trésorerie. On déduit juste les animaux et les aliments du coût à la vente. Le solde était versé, en principe, trente jours après la date d’enlèvement des poussins. En clair, si on prenait les animaux le 9 septembre, on avait l’argent le 10 octobre sur notre compte.

Mais les choses ont changé dernièrement ?

Oui, les versements ont commencé à traîner il y a un an. Les délais de paiement sont passés à 90, 120 jours. On enlevait les bêtes et on était payés trois à quatre mois après ! On a demandé un rendez-vous avec Doux. Ils nous ont promis de raccourcir les délais à 60 jours. Mais cette promesse n’a jamais été tenue. On s’est dit qu’on devait faire quelque chose, on avait prévu de se réunir entre éleveurs fin mai. Et c’est là qu’il y a eu le dépôt de bilan.

Quelle est votre situation aujourd’hui ?

Toutes les créances dues par Doux avant le 1er juin sont gelées. Pour certains ça représente 15 000 ou 30 000 euros. Mais pour d’autres, ça monte à 100 000 ou 150 000 euros. On a travaillé mais on n’a pas été payés pour les six derniers mois ! Les situations économiques sont très diverses. Sur certaines exploitations, c’est très tendu avec 20 000 euros de créances. Sur d’autres, 80 000 euros n’ont pas beaucoup d’incidence, quand il y a une bonne trésorerie et que l’exploitation roule depuis des générations… Moi, j’ai 15 000 euros de créances mais j’ai une trésorerie très tendue depuis 2004. L’objectif numéro 1, c’est de récupérer cet argent. Doux a promis de payer 50% avant le 30 septembre. Mais on n’a aucune visibilité sur les 50% restants. On aurait pu dire : « On arrête tout puisqu’on n’est pas payés. » Mais on travaille sur du vivant. Il y a des animaux qui sont depuis plusieurs mois en élevage. Et puis on nous a dit de ne surtout pas arrêter, parce que sinon, il n’y aurait plus de fonds de commerce. Et l’entreprise risquerait de ne plus rien valoir à la reprise.

Comment se passait, avant, la vie d’un éleveur Doux ? Les animaux et les aliments fournis étaient-ils bons, la rémunération suffisante ?

Les salaires dépendaient beaucoup du résultat technique de l’éleveur, de son équipement, du bâtiment [1]. J’ai travaillé pour 5 entreprises dans la volaille et c’est à peu près partout pareil. Moi je suis à mi-temps en élevage (Pierre-Yves Lohazic possède un poulailler de 1 700 m2, ndlr), j’ai pas mal de terres à côté, et je gagne à peu près 500 à 600 euros nets sur cette activité. Pour ce qui est de la qualité des animaux, il y a trois, quatre ans, ce n’était pas exceptionnel. Aujourd’hui, la qualité est plutôt bonne et les aliments sont corrects. Evidemment, depuis le 1er juin, chez Doux, ils ont du mal à avoir des matières premières donc la qualité de ce qu’on reçoit est aléatoire. Mais en général, avant, les éleveurs ne se plaignaient pas.

C’est un peu le problème du système intégré, non ? Vous ne maîtrisez rien ?

Vous savez dans l’agriculture, on est à 98% intégrés. Parce que s’il faut produire les animaux, les aliments, il faut une trésorerie énorme. Mais c’est vrai que le modèle est loin d’être parfait. Aujourd’hui, on ne maîtrise rien. Si l’aliment est mauvais, que la qualité du poussin laisse à désirer, on ne peut rien faire. Et lorsque le prix de la viande augmente, on n’a pas non plus de répercussions. On préfèrerait être indexé au coût alimentaire. C’est vrai qu’on toucherait moins si le prix de la viande baissait mais au moins ce serait plus clair.

En voulez-vous à la famille Doux ?

Il ne faut pas tout voir en noir non plus. Charles Doux a tiré l’économie bretonne vers le haut. Mais je lui reproche d’avoir mis les éleveurs dans cette situation. Je pense que ça aurait pu être évité. Quand les délais de paiement ont commencé à s’étendre, il ne nous a pas avertis. Il aurait dû lâcher les rênes plus tôt. Ce qui est sûr, c’est qu’à court terme, la liquidation totale du groupe fera perdre plus aux éleveurs qu’aux salariés. Certains devront peut-être vendre leur maison pour payer les fournisseurs.

Le tribunal de commerce de Quimper a décidé le 1er août de la liquidation du pôle frais du groupe Doux, menaçant plus d’un millier d’emplois. Cinq offres ont été déposées le 10 août par les groupes Duc, Glon Sanders (filiale de Sofiproteol), Axereal, LDC et Tallec auprès du tribunal de commerce de Quimper. Ils ont finalement jusqu’au 31 août pour présenter des offres améliorées. Le 5 septembre, le tribunal statuera sur les offres de reprise. Les autres pôles du groupe – « poulets exports » et « produits élaborés » – sont sous observation jusqu’au 30 novembre.

[1] Le solde versé par Doux correspond à la marge PA (poule par an) qui exprime la valeur produite (en euros/kg) moins le prix du poussin et le prix de l’aliment.

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