publicité
haut
Accueil du site > Actu > COP21 > Des savants fous au chevet de la planète
Article Abonné
13-03-2012
Mots clés
Technologie
Climat
Monde

Des savants fous au chevet de la planète

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Des savants fous au chevet de la planète
(Crédit photo : twicepix - flickr)
 
Manipuler l'atmosphère, ensemencer les océans ou capturer le CO2 : si nous ne parvenons pas à infléchir les émissions de CO2, devrons-nous en arriver à ces solutions extrêmes ?
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Suck it up : How capturing carbon from the air can help solve the climate crisis ! Littéralement : Aspirez ou comment la capture carbone peut aider à résoudre la crise climatique. Le titre de l’essai tout juste publié par Marc Gunther, un journaliste américain spécialisé dans les questions énergétiques et climatiques, a de quoi faire frémir dans les chaumières. Mais pas de panique : ce ne sont pas nos bonnes mœurs qu’il entend secouer, mais notre inertie environnementale. Car l’auteur pose la question qui fait mal : et si on ne parvenait pas à réduire les émissions de carbone ? Depuis 1992, et le Sommet de la Terre de Rio, le monde court après la réduction des émissions de CO2. Résultat : loin de s’équilibrer, celles-ci ont augmenté de 36% entre 1992 et 2008, passant de 22 000 millions à 30 000 millions de tonnes.

- « Personne ne veut payer le prix »

« Nous devons réduire les émissions de carbone, nous n’avons pas le choix. Mais nous n’avons réalisé aucun progrès jusqu’ici », assure Marc Gunther. « C’est difficile de réaliser à quel point si peu d’avancées ont été faites, car on parle beaucoup de green business, notamment aux Etats-Unis. Mais les voitures électriques, le recyclage et autres activités vertes ne fonctionnent pas. Les nouvelles énergies renouvelables, l’éolien, le solaire, le géothermique, pourraient nous sauver. Mais actuellement, personne, ni les gouvernements ni le monde de l’entreprise, ne veut en payer le prix. Leurs coûts ont beau avoir diminué, c’est encore trop demandé d’investir dans ces technologies pour des résultats qui ne seront pas visibles avant longtemps. » Le constat de Marc Gunther est sans illusion. Ce qu’il ose aborder dans son livre est de la même trempe : et si, pour continuer à rouler en voiture sans perturber davantage la machine climatique, il fallait oser s’aventurer vers la manipulation de la stratosphère pour refroidir la planète ou la construction de machines à aspirer (d’où ce tonitruant « suck it up » ! ) le CO2 ?

- Des parasols réfléchissants et des océans ensemencés

Parmi ces solutions de l’extrême, la géo-ingénierie. Ou comment jouer avec la machine climatique à grande échelle… Le principe général fait froid dans le dos : il s’agit de bloquer les rayons du soleil avant qu’ils ne parviennent sur Terre pour refroidir la planète. « Je ne sais pas si c’est possible, et j’espère que nous n’aurons jamais à le faire. C’est la plus risquée, probablement la pire option que nous ayons », prévient l’essayiste. Pourquoi, dès lors, la mettre sous les projecteurs ? « Je pense qu’il faut que des recherches soient menées, il nous faut comprendre ces technologies et leurs conséquences. Juste en cas d’urgence, si nous n’avons plus d’autres choix... », nous explique-t-il.

Ces recherches se mènent en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Japon, mais surtout aux États-Unis. Là, les scientifiques imaginent des solutions qui dépassent parfois l’entendement. Lowell Wood, du Lawrence Livermore National Laboratory, en Californie, a par exemple proposé d’envoyer dans l’espace entre la Terre et le Soleil, au-delà de l’orbite lunaire, d’immenses miroirs pour réduire l’éclairement de la Terre : 1,6 million de km2 d’une telle structure réfléchirait 1% des rayons solaires et suffirait à rétablir la stabilité climatique, affirme ce Mister Hyde des temps modernes. L’idée, bien évidemment, reste plus que futuriste.

Le principe de fonctionnement des miroirs Terre-Soleil en vidéo :

Ailleurs, on pense à injecter de très petites particules ou des aérosols dans la haute atmosphère, afin qu’ils réfléchissent, comme les miroirs, une partie du rayonnement solaire. A la clé, une diminution des températures moyennes.

Le principe de fonctionnement des aérosols réfléchissants en vidéo :

Les partisans de ces techniques ont un appui de taille pour « prouver » que ces techniques ont de l’avenir : l’éruption du volcan Pinatubo, en 1991, aux Philippines, a rejeté suffisamment de particules dans la haute atmosphère pour réfléchir une partie de la lumière du soleil pendant plus d’un an et abaisser la température de 0,5 degré sur cette période. « Rejetées » par la main de l’homme, ces particules pourraient être du dioxyde de sulfure (SO2), dispersées par ballons, canons, avions géants... Chez Intellectual Ventures Lab, aux Etats-Unis, on imagine un tuyau long de 30 km, soutenu par des ballons, qui conduirait le SO2 jusque dans la haute atmosphère...

Le principe du StratoShield développé par Intellectual Ventures (à 45’’) :

Au Centre national de la recherche atmosphérique, à Boulder, dans le Colorado, on tente de développer des sprays qui pulvériseraient de minuscules gouttes d’eau de mer, capables d’ensemencer les stratocumulus qui se forment au-dessus des mers, les rendant plus opaques, et donc plus réfléchissants...

Dans la famille géo-ingénierie, on compte aussi la fertilisation des océans avec des particules de fer : celles-ci, boostant la photosynthèse, et donc l’absorption du carbone par le phytoplancton, pourraient aider à diminuer la concentration de CO2 atmosphérique.

Comment faire absorber plus de CO2 par les océans en vidéo (à 1’50’’) :

Le problème, c’est que ces technologies sont loin d’être sans risques. « Premièrement, elles ne s’attaquent pas aux causes du réchauffement climatiques et ne font que masquer des conséquences », rappelle Marc Gunther, qui insiste dans son essai sur le fait que le CO2 continuera de s’accumuler dans les océans, menaçant coraux et écosystèmes marins. Plus grave, une fois un pied posé dans ce monde sous parasol réfléchissant et océan ensemencé, difficile, voire impossible, de revenir en arrière. Or les Etats lancés dans l’expérience seront-ils toujours en mesure de la poursuivre en cas de guerre, de crise économique majeure, de terrorisme ? Sans compter qu’avec de tels outils, certains pays pourraient décider de réguler le thermomètre chez eux... pour mieux faire tomber la pluie dans d’autres coins du globe.

- Des usines à capturer le CO2 qui copient les navettes spatiales

Pour l’auteur, une autre approche vaut le détour : capturer le CO2 de l’air. « C’est différent. Il ne s’agit pas de rafraîchir la Terre sans s’attaquer au problème mais de régler le désordre que nous avons mis en émettant toujours plus de CO2. La capture de CO2 fonctionne un peu comme le recyclage », décrit-il. A la base de ce « recyclage », la même méthode que celle utilisée dans les navettes spatiales et les sous-marins pour extraire le CO2 issu de la respiration des occupants et rendre l’air respirable : des composants, comme l’hydroxyde de sodium (NaOH) sont mis en présence du CO2, avec lequel ils ont la faculté de se lier, entraînant la formation de carbonates. Sous cette forme, le CO2 peur ainsi être retiré d’un environnement, d’un sous-marin ou de l’atmosphère. Reste à l’appliquer à grande échelle !

Mais que faire pour s’emparer du CO2 qui sort de nos pots d’échappement, des trains ou des bateaux, ces pollueurs mobiles ? Rien, si ce n’est le laisser s’évader... et le capturer plus tard, ailleurs. C’est en tout cas ce qu’explique Klaus Lackner, chercheur au Los Alamos national laboratory, au Nouveau-Mexique, dans Suck it up : « Les gaz à effets de serre sont dispersés tout autour du globe, ils peuvent donc être extraits de l’air n’importe où. Du CO2 sortant d’un tuyau à São Paulo ou d’une usine à charbon en Chine peut être capturé par une machine en Islande ou au Moyen-Orient, parce que l’atmosphère fonctionne comme un tapis roulant, déplaçant le CO2 de ses sources jusqu’à n’importe quels éviers. » Les « usines à digérer le CO2 » pourraient ainsi être installées au-dessus de réservoirs sous-terrains permettant son stockage.

Le principe de fonctionnement de ces « usines » ? Exposés au vent, leurs capteurs barbotent dans le CO2 ambiant, alors transformé en carbonates grâce à la présence d’absorbants chimiques (comme le NaOH), lesquels sont ensuite récupérés, séparés, compressés, puis stockés... ou réutilisés. « Le CO2 capturé peut en effet être vendu », explique Marc Gunther. Bulles à soda, gaz pour extincteurs, réfrigérants sous forme de glace sèche, utilisation dans les serres pour accélérer la pousse des végétaux... L’industrie est en demande de CO2.

Le projet d’usine à capture et de production de CO2 chez Carbon Engineering en vidéo :

- Le CO2, l’or de demain ?

Ces projets sont-ils viables ? En 2010, Global Thermostat, une société basée à New York, a fait une démonstration avec une petite machine, capable de capturer deux tonnes de CO2 par jour. Les modules commerciaux de la compagnie, en développement, peuvent, eux, capturer 4 à 5 tonnes quotidiennement. Pour comparaison, en moyenne, un Américain « émet » chaque année 20 tonnes de CO2 ! En l’état actuel de la technologie, ce sont donc quelque 25 000 machines capables de traiter un million de tonnes par an qui seront nécessaires pour faire l’équilibre avec les émissions de CO2 à l’échelle planétaire !

Avec de telles perspectives, aucun doute : la capture de CO2 pourrait devenir un business. Ce qui n’est pas sans inquiéter les environnementalistes : certes, cette approche pourrait être un bon pansement climatique en attendant la conversion énergétique qui tarde à venir, mais les impératifs commerciaux ne noieront-ils pas trop vite l’objectif environnemental ? C’est à craindre : le Texas Clean Energy Project, qui envisage de tester les machines de Global Thermostat, pourrait être un modèle de recyclage du CO2. Cette usine à charbon, en plus de produire de l’énergie, ambitionne aussi de fournir des engrais (de l’urée) pour l’industrie agricole, mais également de capturer 90% de ces rejets de CO2, lequel sera utilisé... pour faciliter l’extraction pétrolière dans le Bassin texan. « C’est un peu l’ironie du sort : l’industrie pétrolière bénéficie de ces excédents de CO2... », concède Marc Gunther.

(1) Disponible uniquement en format numérique et en anglais.

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas