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8-09-2014
Mots clés
Santé
Europe

Dans les poches des transfusés, du sang et des phtalates…

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Dans les poches des transfusés, du sang et des phtalates…
(Crédit photo : gurmit singh - flickr)
 
500 000 Français ont besoin, chaque année, d'une transfusion. Et courent ainsi le risque de se retrouver avec des phtalates, une substance aux effets perturbateurs. Alors des chercheurs planchent sur de nouvelles solutions.
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Alberto Contador les connaît bien. Ce sont eux qui, un beau jour d’octobre 2010, ont accéléré sa dégringolade. Des phtalates avaient été détectés dans ses urines, révélait ce jour-là L’Equipe. Des résidus « semblables à ceux que l’on retrouve après une transfusion sanguine et qui proviennent de la poche plastique qui recueille le sang prélevé », expliquait alors le quotidien sportif. Une preuve embarrassante pour le coureur, un risque pour les 500 000 Français transfusés chaque année.

Une fois prélevé, le sang des généreux donneurs est en effet stocké dans une poche de plastique PVC (chlorure de polyvinyle). Le PVC, c’est le plastique qui compose les tuyaux de nos canalisations mais aussi les films étirables de nos cuisines et les rideaux de douche de nos salles de bains. Sauf qu’à ce PVC, les industriels ajoutent, dans le cas notamment des poches de sang, du di(2-éthylhexyle), plus communément appelé DEHP, pour le rendre plus flexible. Or, le DEHP est un phtalate, une substance capable de migrer dans l’organisme et d’entraîner des effets perturbateurs pour la reproduction, dont une diminution de la fertilité et une toxicité pour les testicules, mais aussi un désordre hormonal chez les femmes, etc.

Pas que dans les poches de sang

Certes, le DEHP, il n’y en a pas que dans les outils réservés aux transfusés. On en trouve aussi dans le matériel de perfusion, les cathéters, les sondes de dialyse, les canules… (Voir ici). En 2009, feu l’Afssaps (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) estimait que le DEHP entrait « pour plus de 50% dans la composition des plastiques à usage médical ».

Depuis, les choses ont évolué et les phtalates ont reculé dans certains milieux hospitaliers. A la clinique Delay de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), on utilise des tubulures sans phtalates. A la clinique Turin de Paris, on tente de réduire leur présence notamment dans les matériels de dialyse… Mais à l’échelle du gros établissement hospitalier, les choses se compliquent. « L’hôpital achète énormément de choses. C’est difficile pour lui de faire l’effort de savoir s’il y a des perturbateurs endocriniens dans ce qu’il achète face à des industriels qui ne donnent souvent pas l’information. C’est pour ça qu’il est beaucoup plus simple d’intervenir au niveau des centrales d’achat. Le CAHPP (Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique, une des plus grosses centrales du milieu hospitalier, ndlr) a mis dans son cahier des charges l’élimination du triclosan et des phtalates (et du bisphénol A, ndlr) dans ces dispositifs médicaux », explique Olivier Toma, président du Comité pour le développement durable en santé (C2DS) qui lance cet automne une campagne de sensibilisation du personnel hospitalier. Une initiative qui pourrait récompenser la centrale et ses clients dans un futur proche. En juillet 2015, le DEHP sera interdit dans les tubulures des services de maternité, néonatologie et pédiatries. Deux autres phtalates, le DBP et le BBP, sont d’ores et déjà aussi sur la sellette.

Le gros atout du DEHP

Pour les phtalates, les portes de l’hôpital se ferment doucement. Reste un écueil… de taille. Car si les alternatives existent pour tous les matériels (elles sont d’ailleurs recensées ici et ici), les poches de sang et leur cocktail PVC-DEHP résiste toujours aux assauts des chercheurs. Et, s’il est potentiellement toxique pour l’humain, ce satané DEHP a des propriétés admirables pour conserver le sang. Il a notamment un effet stabilisant pour les globules rouges, réduisant les risques que leur membrane se rompe et libère l’hémoglobine qu’ils contiennent. Mieux, la combinaison PVC/DEHP peut souffrir des températures très hautes (40°C) comme très basses (-70°C) et résiste aussi à une forte centrifugation nécessaire à la séparation des différents composants du sang. En clair, il résiste très bien au traitement imposé aux poches de sang. Coup de bol encore, l’alliage est très peu coûteux.

Pour contrer les critiques et anticiper une interdiction future, des industriels ont mis au point des poches de sang toujours à base de PVC mais utilisant un autre plastifiant (DNDP, BTHC, TOTM…). Mais sans garantie qu’ils ne soient pas, à leur tour, déclarés nocifs. « Pour certaines personnes, ça n’a pas d’importance qu’il y ait des perturbateurs endocriniens dans les poches de transfusion, le matériel de dialyse. Ils disent que c’est un effet indésirable négligeable pour une procédure qui peut sauver la vie d’un bébé prématuré par exemple. S’il réussit à survivre, on verra plus tard, regrette Anja Leetz, directrice exécutive de « Health Care without Harm Europe » (HCWH), une ONG qui travaille à réduire l’exposition chimique à l’hôpital. Mais si vous êtes malade, votre santé est déjà fragilisée. Vous ne devriez pas être davantage exposé à des perturbateurs endocriniens. Vous avez besoin de toute l’énergie nécessaire pour guérir. Pour nous, il faut absolument que la loi européenne interdise ces substances. » [1]

A la recherche d’une alternative

Reste à trouver la parade. Depuis quelques années, une chercheuse suédoise de l’institut Jegrelius s’applique à concevoir des poches libérées du dangereux cocktail. Et le défi est de taille. « Il faut qu’on prouve qu’on peut, avec un autre matériau, stocker le sang pendant six semaines mais aussi qu’il y a de la demande pour ces nouvelles poches de sang », raconte Lena Stieg. « La transfusion elle-même est une procédure dangereuse pour les patients. Elle implique une prise de risques. On ne peut pas ajouter des risques supplémentaires. Il faut que nos produits soient aussi sûrs que les poches qu’on utilise aujourd’hui », poursuit-elle. La chercheuse a entraîné plusieurs fournisseurs dans l’aventure : un Danois pour élaborer le matériau, un Finlandais pour mettre au point le film plastique qui recouvre la poche, un Polonais pour fabriquer les tubes reliés à la poche et un Italien pour produire la poche dans son entier. L’institut suédois Karolinska – un centre de recherche médical très réputé – se chargera de l’évaluation du produit fini.

Forcément, ces poches sans PVC risquent d’être plus chères, au début au moins, tant que la demande n’aura pas percé. « C’était pareil au départ pour les gants en PVC, rappelle Lena Stieg. Aujourd’hui, ils sont à peu près au même prix que les autres. » Aussi, comme Anja Leetz de HCWH, croise-t-elle les doigts pour qu’une interdiction européenne puisse booster la demande et faire dégringoler les prix. « Aujourd’hui, on regarde le coût du traitement mais on ne regarde pas le problème à long terme. Si on parvenait à diminuer les effets liés à l’exposition à ces phtalates, on réduirait potentiellement le nombre de pathologies à venir et donc le nombre de patients », assure Lena Stieg. De quoi faire faire des économies au système de santé public.


Les perturbateurs endocriniens, pas qu’à l’hôpital

« Il n’y en a pas plus à l’hôpital qu’ailleurs souligne Olivier Toma, président du Comité pour le développement durable en santé (C2DS). Il y en a partout. Dans les emballages alimentaires, l’eau, les matériaux de construction… Et ce, dans des quantités hallucinantes. C’est cette multi-exposition qui est dangereuse. » Est-ce donc inutile d’agir à l’hôpital ? Non. Car « l’hôpital a une vocation d’exemplarité. Quand on va à l’hôpital, on pense que tout est sain. Si on ne forme pas les professionnels de santé sur ces questions, je doute fort que la France puisse avancer sur ce sujet. A l’inverse, s’il fait bien les choses, il essaimera les bonnes pratiques. »

[1] Une réglementation des perturbateurs endocriniens est à l’étude à la Commission européenne. Mais elle tarde à émerger. Voir sur ce sujet le documentaire de Stéphane Horel, « Endo(c)trinement ».

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