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Dans le flacon du N°5

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Comment fabrique-t-on un parfum ? Terra Economica a suivi les effluves du N°5 de Chanel. Des champs de roses dans le sud de la France aux rayons chics des parfumeurs.
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La cueillette de la rose de mai : les mains expertes des cueilleuses détachent les fleurs de leur tige (Crédit : DR)

Pour dormir, Marilyn Monroe ne portait « que quelques gouttes de N°5 » tandis que les plus grandes stars de cinéma, de Carole Bouquet à Nicole Kidman en passant par Catherine Deneuve, en ont été l’égérie. En créant la formule de ce jus presque centenaire, le parfumeur Ernest Beaux a ouvert la voie d’un succès planétaire : celui d’un parfum, le plus vendu au monde. Sur ses terres, à Pégomas, coiffé d’un béret écossais, Joseph Mul scrute le ciel. L’agriculteur perpétue une tradition familiale qui remonte à Napoléon.

Il cultive la « centifolia » : la fameuse rose aux cent feuilles. Cette fleur assure la renommée de Grasse dans la parfumerie et constitue l’une des composantes du N°5 de Chanel. La famille Mul, productrice de fleurs depuis cinq générations, exploite 50 000 pieds de ces rosiers sans épines qui fleurissent l’espace de trois semaines au cours du printemps.

En ce matin de mai, la douceur climatique du Midi est au rendez-vous. Et depuis l’aube, dans ces champs à perte de vue, une vingtaine de cueilleuses courbées s’activent. Parées de blouses multicolores, elles travaillent, les traits marqués de fatigue, telles des abeilles qui butinent autour de petites fleurs rondes, encore perlées de rosée. Leurs mains expertes partent à l’assaut des boutons à peine éclos qu’elles détachent méticuleusement : « Il faut prendre la rose dans le creux de la main comme un pompon. Puis, casser la tige d’un coup sec. Vite, avant que les rayons du soleil ne chauffent les pétales leur faisant perdre leur odeur », explique Joseph Mul, que l’on surnomme « Jojo » au village.

Contrat d’exclusivité

Ce savoir-faire se transmet de génération en génération pour ces femmes originaires de Calabre ou du Maroc et venues trouver à Grasse un complément de revenu. Inlassablement, elles déposent, dans leur sac en toile de jute, 5 à 7 kilos de roses à l’heure, soit quatre tonnes de pétales par jour. La récolte est réservée à Chanel, qui a signé un contrat d’exclusivité de production avec les Mul en 1986, et ce, pour une période de dix ans renouvelables. « C’était la seule solution pour préserver la culture de ces fleurs emblématiques à Grasse. Aujourd’hui, il est beaucoup moins coûteux de s’approvisionner en Turquie ou en Bulgarie », explique Jacques Polge, le créateur des parfums Chanel. Car, derrière ce tableau champêtre, digne d’une peinture de Millet, se dissimule une réalité moins onirique : la très compétitive industrie du parfum.

« La rose dont la seule fleur de qualité se trouve encore à Grasse est devenue un produit cher compte tenu du coût de la main-d’œuvre. Les grandes productions se sont installées en Egypte, en Inde, en Chine ou en Ukraine où sont garantis, au détriment de la qualité, un faible coût des matières premières et de la main-d’œuvre », poursuit-il. Autre problème : la raréfaction des matières premières. Chaque année, plus de 400 parfums se créent sur la planète, certaines fleurs sont aujourd’hui en passe de disparaître. Du coup, les parfumeurs optent de plus en plus pour des produits de synthèse dérivés du pétrole. Ils font ainsi appel aux scientifiques pour copier les senteurs, qui sont ensuite élaborées par une poignée de multinationales comme Quest, IFF, ou Givaudan. Ces dernières tiennent les marques par des contrats de fourniture à long terme. Ce marché à forte concurrence est estimé à plus de 4 milliards d’euros. La qualité n’est cependant pas toujours au rendez-vous. L’ONG Greenpeace souligne ainsi les risques d’allergies et de cancers. Devant ces menaces, les autorités européennes ont arrêté des réglementations drastiques.

Labeur des alambics

Depuis 2006, les parfumeurs doivent ainsi mentionner sur les étiquettes la présence de produits allergènes et les fabricants doivent détailler la composition des essences. Ces impératifs n’effraient pourtant pas la maison Chanel. « Il existe dans les parfums cet aspect industriel dramatique. Mais nous n’appartenons pas à ce registre. Nos méthodes restent artisanales », se défend-on au siège. Les jus estampillés Chanel suivent, en effet, un parcours quelque peu différent. Après la récolte, les fleurs fraîchement cueillies sont directement acheminées vers l’usine d’extraction, implantée à l’autre bout du champ des Mul.

Cette proximité permet de préserver le pouvoir olfactif de la fleur sans en altérer la teneur. Les roses sont alors minutieusement pesées avant d’être traitées dans d’immenses cuves d’extraction (2 500 litres). Elles infusent dans un bain d’hexane, un solvant volatile, pendant six heures. Place ensuite au mystérieux labeur des alambics. De ces petits appareils utilisés pour la distillation se dégage le suc des fleurs qui se transforme en « concrète » puis en « absolue ». Il faut une tonne de fleurs pour obtenir 1,5 kilo de ce précieux nectar. Le prix : 6 870 euros les 1 000 grammes. Sachant que 50 tonnes de roses seront traitées dans l’année.

Pour garantir la qualité de fabrication, les matières premières sont testées par échantillon au sein du laboratoire de Jacques Polge, situé au siège, à Neuilly. Dans ce lieu hautement surveillé, le « nez » Chanel, auteur de grands succès comme Coco, Egoïste, ou Allure officie depuis près de trente ans et perpétue la formule du bouquet absolu. Sur son bureau, des papiers griffonnés de formules, des notes d’observation et un amoncellement de mystérieux flacons.

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Une fois le parfum mis en bouteille vient l’étape du baudruchage : un geste qui consiste à fermer hermétiquement chaque flacon d’une fine pellicule entourée ensuite d’un fil cacheté de cire (Crédit : DR)

Autour de lui, une équipe de spécialistes examine les matières premières provenant de plantations contrôlées, originaires des quatre coins du monde. Chacune entre dans la composition du N°5. A la rose et au jasmin de Grasse, s’ajoutent le santal de Mysore, le vétiver bourbon de La Réunion, l’Ylang-Ylang des Comores. « Rien ne doit entraver l’intégrité d’un produit qui reproduit la fragrance originale. J’examine donc tous les ingrédients au moyen de contrôles analytiques et olfactifs sophistiqués », explique le « nez », reniflant entre deux phrases, quelques mouillettes de ses nouvelles créations.

Puis, avec son autorisation, les bidons rejoignent l’usine de production des parfums Chanel, à Compiègne. Dans ce berceau de haute technologie, le mélange des matières premières et la mise en alcool des concentrés sont l’objet de soins attentifs de techniciens. Suivront enfin les opérations de conditionnement, comme le baudruchage, geste ultime réservé à l’extrait de N°5. Pour cette dernière manipulation, l’ouvrière dépose sur le col du flacon une fine membrane maintenue par deux rangs de coton perlé noir afin d’assurer une étanchéité absolue. La pose d’un cachet de cire pour garantir l’inviolabilité du flacon clôt le processus de fabrication. Direction maintenant les rayons des parfumeurs. 96 euros pour un flacon de 100 ml : le rêve a tout de même un prix.

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