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Coton : accrocs de taille dans la fibre mondiale

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Depuis le début de l’année, le marché mondial du coton a pris des airs de grand western : spéculation des fonds financiers, bataille entre OGM et fibres synthétiques et arrivée du Petit Poucet bio.
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Dans l’hémisphère Nord, l’automne sonne le temps du coton. Sous le soleil d’Afrique, dans les plaines américaines ou chinoises, dans les contrées reculées d’Ouzbékistan, c’est l’heure de la récolte. Depuis l’Antiquité et ses premiers plants, la boule blanche a acquis une dimension planétaire. Si bien que ces quelques centimètres de filament incarnent aujourd’hui l’incroyable écart entre pays développés et ceux qui aspirent à l’être. D’un côté, l’Afrique occidentale où des familles partent aux champs ramasser les capsules formées de graines et de fibres. Jour après jour, elles repassent entre les rangs d’arbrisseaux pour collecter les fruits mûrs. De l’autre, les Etats-Unis et le Brésil où règnent les machines. Lorsque 80 % des capsules arrivent à maturité, on asperge les plants d’un produit pour faire tomber les feuilles. Puis les fruits sont happés d’un coup de récolteuse. Le coton ferait vivre environ 100 millions de familles dans le monde.

Deux hémisphères, deux atmosphères, mais un même vent de changement. Culbutant les Etats-Unis, l’Inde a récemment ravi la deuxième place du classement des producteurs, derrière la Chine, indéboulonnable leader mais aussi premier consommateur. Bousculée, la matière l’est aussi sur le terrain de la technologie. La moitié des textiles consommés de par le monde sont en fibres synthétiques. Et dès 2010, les cultures génétiquement modifiées de coton devraient peser pour la moitié de la production mondiale. Malmené, le coton l’est enfin sur les marchés financiers. Malgré un système de régulation protecteur, la petite boule blanche n’échappe pas aux errances spéculatives et subit les batailles infinies autour de la suppression des aides aux planteurs, notamment américains.

Le dieu de la Bourse

Difficile de mettre en vis-à-vis une famille du Burkina Faso travaillant quelques arpents avec des outils rudimentaires et les grandes propriétés mécanisées du Texas ou du Brésil. Sauf que leur destin obéit au même dieu : la chambre de compensation de New York. La Bourse en résumé, où se négocient les contrats à terme qui dictent le prix de la récolte, donc, au final, la paye des producteurs. Les vendeurs et acheteurs qui « font » le marché du coton sont peu nombreux. Seuls 500 sont répertoriés et une vingtaine d’entre eux seraient responsables d’un tiers des échanges. On est très loin de la place bondée des marchés où s’échange le café dans un brouhaha assourdissant.

Dans le milieu du coton, le commerce reste traditionnel, informel par coutume : un coup de fil ou un mail suffisent pour que des millions de dollars passent d’une main à l’autre. En mars, sous l’effet de la spéculation de fonds financiers, le prix du coton a atteint la barre des 95 cents de dollar la livre. C’était la troisième fois en 150 ans d’existence que ce marché se hissait à de tels sommets. Lâchées par les banques, certaines sociétés de courtage n’ont pu rembourser les achats sur lesquels elles s’étaient engagés. Certaines ont fait faillite, d’autres ont perdu gros. La multinationale Cargill aurait vu s’évanouir un milliard de dollars en quelques heures, témoigne Pierre Texier, du ministère français de l’Agriculture. Mais la confiance entre opérateurs est telle qu’en une semaine, le prix de la livre avait retrouvé un niveau cohérent avec la production, autour de 75 cents de dollar.

Errances et batailles

Capable de surchauffe, le marché du coton sait aussi plonger. Pour les producteurs texans, ce n’est pas vraiment un problème. Ils sont protégés des coups de sirocco par leurs grosses capacités financières et les subventions agricoles défendues bec et ongles par les Etats-Unis à l’Organisation mondiale du commerce. Mais pour le paysan africain, chaque baisse des cours fait resurgir les vieilles angoisses : comment fera-t-il pour survivre et nourrir sa famille ? Comment payer ces bras qui continuent de travailler pour planter le coton au printemps, récolter les capsules ? En l’absence de parapluie étatique, les producteurs du Burkina Faso ont créé, en 2004, un système de lissage des prix, via un coffre-fort – un trésor de guerre en somme – que l’on remplit lorsque les cours sont hauts et dans lequel on pioche lorsque les prix plongent. Aidé à ses débuts par une injection de l’Agence française de développement de 18 millions d’euros, « ce système devrait trouver son équilibre en 2010 », estime Louis Goreux, ex-responsable au Fonds monétaire international et économiste spécialiste des mécanismes de régulation sur les marchés agricoles.

Sirènes biotechnologiques

L’enjeu est immense pour la survie des paysans du Burkina, pays dont 67 % des ressources proviennent de la commercialisation du coton. Mais aussi pour les pays de l’Ouest du continent malmenés par la concurrence indienne à bas prix. « Leur production a probablement reculé de 50 % ces dernières années », calcule Michel Fok, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) à Montpellier. Les producteurs se creusent donc la caboche pour trouver la solution miracle. Et sont forcément tentés par les sirènes des biotechnologies. En 2010, le Burkina Faso compte ainsi ensemencer 100 000 hectares de coton OGM Bt – spécifique contre les chenilles. « Dans les pays d’Afrique de l’Ouest, les gains économiques escomptés grâce à la progression des rendements des OGM sont potentiellement importants, bien plus que dans les pays techniquement plus avancés », précise Michel Fok. Pas étonnant que les Etats poussent les paysans sur cette voie, d’autant qu’ils pourraient, « comme les Indiens, se mobiliser pour faire baisser le prix des semences », ajoute le chercheur. Le coton génétiquement modifié représentait, en 2006, le quart des surfaces cultivées dans le monde et, vraisemblablement, le tiers de la production mondiale.

D’autres producteurs ont fait un choix radicalement différent : le bio. Une révolution pour cette culture qui est l’une des plus polluantes au monde. Elle consommerait 10 % des pesticides et 25 % des insecticides utilisés. Cette nouvelle filière demande plus de temps de culture, mais bonifie les sols et permet une moindre consommation d’eau. Encouragés par les grands distributeurs mondiaux – Walmart, La Redoute, Levi’s… – qui proposent de plus en plus de vêtements en coton « propre », les producteurs bio ont récolté 145 000 tonnes de fibres en 2008 sur un total mondial de 25 millions. A l’échelle locale, les industriels français du textile cherchent à sécuriser leurs approvisionnements. La région Bretagne finance ainsi pendant trois ans – 525 000 euros investis – la conversion à l’agriculture bio de 5 000 producteurs maliens et burkinabés. Résultat : 1 000 tonnes de coton (fibres et graines) produites en 2008. Voilà comment allier biologique et éthique. 


DU COTON-TIGE À L’HUILE

Si la fibre de coton entre dans de nombreux procédés industriels, elle est aujourd’hui concurrencée par ses consœurs synthétiques. La confection s’octroie 60 % du fil de coton produit par an : environ 35 % sont destinés à l’ameublement et 5 % aux vêtements professionels. La matière trouve également des débouchés dans le coton hydrophyle pour la fabrication de compresses, de cotons-tiges… Quant aux graines contenues dans les capsules, une fois pressées, elles donnent de l’huile, puisque le cotonnier appartient à la famille des oléagineux, comme le soja.

Illustration : Christelle Enault

Sources de cet article

- Organic Cotton

- Organic Exchange

- International Cotton Advisory Committee sur le marché du coton (en anglais)

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