publicité
haut
Accueil du site > Actu > Enquêtes > Climat : ma maison est une passoire
Article Abonné
28-02-2008
Mots clés
Développement Durable

Climat : ma maison est une passoire

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
 
Les 31 millions de logements de l’Hexagone sont une passoire énergétique. Trop vieux, mal isolés… La construction d’écoquartiers ne suffira pas à inverser la tendance. C’est tout un parc qu’il faut rénover. Propriétaires, professionnels du bâtiment et pouvoirs publics sont-ils prêts ?
SUR LE MÊME SUJET

Les articles liés :

- Voyage au coeur d’un fantasme citadin

- Les écovilles : casse-tête capital

- Hôtels particuliers

Rénover ? Isoler sa salle à manger ? Changer de chauffage ? Direction le magasin de bricolage. La liste des courses est plutôt longue, et peu de chance en fait, d’arriver à s’en sortir sans faire appel à des professionnels. Faisons simple pour commencer. Installons une pompe à chaleur – avec son matériel de forage et son générateur thermodynamique –, quelques dizaines de mètres carrés de capteurs solaires et leur générateur photovoltaïque sans oublier une trentaine de panneaux isolants de toutes tailles pour doubler les murs, si besoin. Allez, tiens, il reste un peu de place dans le chariot, ajoutons un nouveau lave-vaisselle à basse consommation.

Transformer la manière de concevoir l’habitat constitue le chemin le plus prometteur pour lutter contre le changement climatique. Mieux isoler pour moins chauffer, consommer moins d’énergie et émettre moins de gaz à effet de serre : il s’agit là, pour une fois, d’un enjeu consensuel. Contrairement à la voiture, à l’agriculture et aux déchets – pour lesquels les efforts à fournir sont souvent jugés dangereux pour la compétitivité –, la rénovation des bâtiments existants et la construction d’« écoquartiers  » attirent les entrepreneurs alléchés par les opportunités économiques.

Engager des travaux pour les 31 millions de logements déjà existants dans l’Hexagone représenterait un investissement de quelque 8 milliards d’euros par an et créerait pas moins de 180 000 emplois, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Un indice ne trompe pas : c’est dans le domaine de la construction et du logement que chefs d’entreprises et ONG se sont entendus le plus vite lors du Grenelle de l’environnement, en septembre dernier. La France est-elle pour autant en mesure de relever le défi ?

Le casse-tête des matériaux

Stéphane Dumont, 29 ans, est pompier professionnel dans la région bordelaise. Il vient d’acheter un terrain sur lequel il souhaite construire une maison pour lui et sa petite famille. Il se dit déterminé à « bâtir écolo ». Mais il se retrouve aujourd’hui dans une impasse. « Je croyais être un très bon bricoleur, mais là, je ne m’en sors pas. Les matériaux nécessaires sont chers et il faudrait être un expert pour choisir entre le solaire et la géothermie, pour isoler correctement les combles, et j’en passe. Mon budget est serré et je n’ai pas les moyens de faire appel à un architecte pour trouver la solution. » Pour Stéphane et pour beaucoup d’autres, les obstacles économiques, fiscaux, juridiques et techniques sont légion.

Les solutions envisagées par l’Etat – essentiellement des aides financières à vicetravers subventions et crédit d’impôt – ne semblent donc pas à la hauteur de l’enjeu. Le bâtiment est le secteur d’activité le plus gourmand en énergie : il absorbe 42 % de la production française. Et logements et bureaux génèrent 23 % des gaz à effet de serre, à peine moins que le transport routier, première source d’émission. L’objectif fixé lors du Grenelle de l’environnement consiste à diminuer de plus d’un tiers la consommation énergétique du logement et des bureaux à l’horizon 2020. Un tiers d’énergie consommée en moins, c’est davantage que les 20 % de réduction auxquels la France s’en engagée tous secteurs confondus. La transformation du bâtiment sera bien le front principal de la lutte contre le réchauffement, incontournable si l’Hexagone veut parvenir à une division par un facteur 4 des émissions de gaz à effet de serre en 2050.

Factures de chauffage indolores

L’évolution promet d’être rapide. Dans moins d’une décennie, une famille qui souhaitera acquérir un logement neuf aura toutes les chances de se voir proposer un appartement dans un immeuble d’un nouveau type, pratiquement inconnu aujourd’hui en France. Les projets d’« écoquartiers » fleurissent un peu partout, à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne), Narbonne (Aude), Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), Bordeaux (Gironde), Lyon (Rhône) ou encore à Paris. Des bâtiments compacts, économes en énergie grâce à leur orientation et à leur isolation, faisant appel aux capteurs solaires et à la géothermie pour la production d’énergie (voir aussi pages 22-23).

Gestion draconienne des déchets, récupération des eaux de pluies… Toutes les solutions techniques y sont mises en oeuvre pour limiter l’impact environnemental. Le Grenelle de l’environnement a fixé pour objectif de « généraliser » dès 2015 la construction de ces logements neufs à basse consommation d’énergie, par le biais d’un renforcement futur des normes. En 2020, il faudra tendre vers le bâtiment à « énergie positive  », c’est-à-dire capable de produire plus d’énergie qu’il n’en consomme.

Mais le retard vis-à-vis des pays du nord de l’Europe est important. L’Allemagne a déjà bâti 7 000 logements à énergie positive. En France, ces constructions novatrices « se comptent sur les doigts d’une main », note Thierry Salomon, président de l’association négaWatt, association qui milite en faveur des économies d’énergie. A la mairie de Limeil-Brévannes, Illy Mannouz pilote le plus vaste projet d’écoquartier lancé à ce jour en France. Conçu par Roland Castro et baptisé « Les Temps durables », cet ensemble d’un millier de logements devrait être achevé en 2011. Pour Illy Mannouz, « Les Temps durables sont un projet exemplaire, mais il reste encore beaucoup de chemin pour que l’exemple puisse être suivi partout ».

L’architecte et urbaniste Yves Lion, vice président du groupe « Climat » lors du Grenelle de l’environnement, donne un aperçu de la révolution culturelle à accomplir : « Dans le fond, ce qui doit changer, c’est l’éthique plutôt que la technique (...) Cela dit, je ne suis pas sûr que le monde de l’architecture se passionne pour ces problèmes pourtant essentiels. » Passer à des constructions consommant moins de 50 kilowattheures (kWh) par mètre carré et par an constituerait un progrès très substantiel, quand la norme dans le nord de la France se situe entre 200 et 250 kWh/m2/an pour des bâtiments neufs. Le surcoût à l’achat, de l’ordre de 15 % par rapport à des édifices classiques, serait amorti en une dizaine d’années, grâce à des factures de chauffage et d’électricité bien plus légères. « Il ne s’agit pas seulement de chiffres, espère Jean-Stéphane Devisse, de l’ONG WWF France. Bâtir des habitations qui intègrent les énergies président du groupe « Climat » lors du Grenelle de l’environnement, donne un aperçu de la révolution culturelle à accomplir (1) : « Dans le fond, ce qui doit changer, c’est l’éthique plutôt que la technique (...) Cela dit, je ne suis pas sûr que le monde de l’architecture se passionne pour ces problèmes pourtant essentiels. »

Passer à des constructions consommant moins de 50 kilowattheures (kWh) par mètre carré et par an constituerait un progrès très substantiel, quand la norme dans le nord de la France se situe entre 200 et 250 kWh/m2/an pour des bâtiments neufs. Le surcoût à l’achat, de l’ordre de 15 % par rapport à des édifices classiques, serait amorti en une dizaine d’années, grâce à des factures de chauffage et d’électricité bien plus légères. « Il ne s’agit pas seulement de chiffres, espère Jean-Stéphane Devisse, de l’ONG WWF France. Bâtir des habitations qui intègrent les énergies crois qu’on ne mesure pas bien l’ampleur du problème. Dans chaque immeuble, il va falloir doubler les façades pour les isoler, changer les fenêtres et leurs menuiseries, revoir les toitures, etc ! Quand on voit la difficulté qu’éprouvent la plupart des copropriétés à faire voter les moindres petits travaux... »

Doubler les façades : rien que pour ça, le casse-tête promet d’être gigantesque. Car une bonne isolation se fait par l’extérieur des murs. Il faudra obtenir l’accord de la mairie pour avoir le droit d’empiéter sur la voirie, trouver les matériaux adéquats pour ne pas défigurer les immeubles, refaire passer les systèmes de ventilation, les gouttières, et faire intervenir un cabinet d’expertise pour avoir l’assurance que le jeu en vaut bien la chandelle.

Cent ans de travaux !

Pas question d’imposer quoi que ce soit : la politique envisagée est purement incitative. Les pouvoirs publics devront se montrer persuasifs et faire en sorte que les propriétaires soient assurés de s’y retrouver. Premier obstacle : les charges de chauffage et d’électricité sont la plupart du temps payées par les locataires, donc les bailleurs auraient peu d’intérêts à les voir réduites… Les diagnostics de performance énergétique (DPE) des habitations sont aujourd’hui obligatoires.

Pourtant, selon un sondage commandé en 2007 par la Fnaim, seuls 19 % des propriétaires se disent prêts à entreprendre des travaux après avoir reçu le DPE de leur appartement ou de leur maison. Autre écueil, de taille : c’est aux populations les plus pauvres que l’on va demander les efforts les plus importants.

Rénovation ou démolition ?

Les architectes des grands immeubles construits entre les années 1960 et 1990 ne se souciaient guère de la qualité de l’isolation thermique. Il fallait bâtir vite pour répondre aux besoins immenses d’une clientèle modeste, qui pouvait enfin accéder à un logement HLM ou à un petit pavillon de banlieue. On a surnommé ces constructions à bas coût des « poubelles énergétiques ». Dans les lotissements du nord de la France, une maison à chauffage électrique consomme couramment 700 kWh/m2/ an, quand l’objectif est de se limiter à 150 kWh/m2/an en 2020. Il faudra donc souvent choisir entre des rénovations et la démolition pure et simple. Et aucune étude n’évalue encore le volume d’émissions de gaz à effet de serre qu’engendreraient d’aussi vastes chantiers.

Le gouvernement promet de fourbir un arsenal de mesures capables de convaincre propriétaires et bailleurs. Crédit d’impôt, prêts bonifiés, étiquetage des appareils électriques. Pour l’association négaWatt, qui participe aux comités de suivi du Grenelle de l’environnement, ce type de mesures ne suffit pas à garantir que les rénovations seront mises en oeuvre. Thierry Salomon s’alarme : « Avec une multitude de mesures simplement incitatives, il est naturel qu’un propriétaire ne se lance dans des travaux que petit à petit et au cas par cas, sans projet cohérent. Untel refera la toiture quand cela deviendra urgent, Untel trouvera suffisant d’installer un isolant de 5 cm d’épaisseur, alors que 10 cm seraient nécessaires. On n’en viendra pas à bout en cent ans ! » Du coup, négaWatt milite pour une stratégie beaucoup plus contraignante : rendre obligatoire des travaux de rénovation en profondeur lors de chaque mise en vente. Chaque année, 450 000 logements changent de mains en France, un peu plus que les 400 000 rénovations annuelles sur lesquelles table le rapport final du Grenelle de l’environnement.

Division par trois ou quatre

Plus c’est vert, plus c’est cher Contraindre les propriétaires à engager des travaux est politiquement plus délicat que de les y inciter par la promesse d’avantages fiscaux. Mais plusieurs arguments économiques jouent en faveur de cette politique « à la baguette ». Des travaux de rénovation importants peuvent aboutir à une division par trois ou quatre de la facture d’énergie : on estime en général que de tels travaux sont amortis en dix ou quinze ans. En Allemagne, en Autriche et en Suisse, certaines banques acceptent d’abaisser les intérêts sur leurs crédits destinés à des travaux de rénovation, en les gageant sur les économies à venir en chauffage et en électricité. Ces banques parient sur une hausse inexorable des prix de l’énergie.

Le pétrole et le gaz naturel devraient en effet devenir de plus en plus chers, et la libéralisation du marché de l’électricité risque, selon la majorité des analystes, d’aboutir à une hausse du prix du kilowattheure. Une facture d’énergie allégée déboucherait donc à terme sur une augmentation de la valeur du bien immobilier, les logements peu gourmands en énergie étant de plus en plus demandés. Le banquier s’y retrouverait, puisque son client pourrait revendre son bien immobilier plus cher. En Suisse, un bien bénéficiant du label Minergie, qui garantit une excellente isolation thermique, vaut environ 15 % de plus qu’un logement normal. Résumons : d’un côté de la balance, un surcoût de travaux de l’ordre de 10 % à 20 % de la valeur des biens (en se fondant sur une moyenne de 200 euros de travaux de rénovation par mètre carré).

Calculs de rentabilité

De l’autre, un retour sur investissement en une quinzaine d’année, grâce aux économies d’énergie, et une valorisation de quelque 15 % à la revente, si l’on se fie à l’expérience helvète. La rationalité économique inciterait donc à convoquer sur-le-champ architecte, maçon, couvreur et électricien. Il ne reste plus qu’à le faire savoir aux 81 % de propriétaires qui, d’après le sondage de la Fnaim, ne voient aucune raison d’entreprendre des travaux, même quand on leur met sous le nez l’inefficacité énergétique de leur pré-carré ! La peur de l’effondrement immobilier Mais peut-être n’ont-ils pas tort. Car tous ces savants calculs de rentabilité pourraient vite devenir caducs en cas d’effondrement des prix de l’immobilier, ou, au contraire, en cas de poursuite de la hausse du prix du mètre carré.

Si les prix de l’immobilier chutent comme aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, faire des économies d’énergie risque d’apparaître secondaire. S’ils continuent à grimper comme en France, il sera délicat de faire accepter un surcoût de travaux. L’avenir économique est toujours incertain. Le ministre de l’Ecologie, Jean- Louis Borloo, en est peut-être conscient, puisque à peine quelques dizaines de ses fameuses « maisons à 100 000 euros », promises lorsqu’il était en charge de la Cohésion sociale, sont finalement sorties de terre : la faute aux terrains, trop rares et trop coûteux. L’avenir écologique, lui, est plus que certain si la société se montre incapable de s’adapter, avec ou sans rationalité économique. « La maison brûle », crie l’un. « L’extincteur est trop cher », répond l’autre. —

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Chargé de la prospective et du lobbying au Shift Project, think tank de la transition carbone, et blogueur invité du Monde

1 commentaire
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • et pourtant on disait : "quand le bâtiment va, tout va"

    à lire l’article, il apparaît que ce n’est pas tout à fait demain la veille qu’on aura des logements revus et corrigés à la mode basse consommation. Où sont les éco-maîtres d’oeuvre, les éco-maçons, éco-architectes et éco-plombiers qui sauront boucher ,dans les règles de l’art, les trous énergétiques de nos chers, trop chers (surtout en hiver) logements.
    Sacré chantier en perspective. Ne perdons pas courage, la maison passive vaincra !

    1er.11 à 15h11 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas