Après l’Allemagne, c’est la Belgique qui devrait se passer du nucléaire dans un avenir proche. Dimanche 31 octobre, les six partis politiques associés à la formation d’un nouveau gouvernement fédéral – la Belgique n’a toujours pas d’exécutif – se sont mis d’accord sur une sortie de l’atome. L’annonce n’est, en fait, pas inédite. Une loi de 2003 prévoyait déjà la fermeture des trois plus vieux réacteurs en 2015 et des quatre autres à l’horizon 2025. La cible est simplement confirmée. Reste à trouver le moyen d’y parvenir.
Mais voilà, les critiques n’ont pas tardé à pointer leur nez. Le producteur d’énergie Electrabel, filiale de GDF Suez – qui gère les sept réacteurs du pays – ne s’est pas privé de jouer les alarmistes. L’entreprise a évoqué comme conséquences d’une sortie de l’atome une dépendance accrue de la Belgique à ses pays voisins, un impact négatif sur son bilan CO2 ainsi qu’une hausse « plus que probable » des prix de l’électricité. Le point sur ces arguments.
- La Belgique sera dépendante des pays voisins
Dépendante des autres, la Belgique l’est déjà, à en croire Philippe Bodson, ancien patron de Tractabel, la maison mère d’Electrabel. Le royaume serait en effet importateur net d’électricité, alors qu’il était exportateur dans les années 1990. « Notre consommation a continué d’augmenter mais n’a pas été couverte », a-t-il expliqué au quotidien belge Le Soir. Certes les importations d’électricité pourraient augmenter juste après la fermeture des premières centrales. Car le nucléaire pèse lourd dans le mix électrique de la Belgique. Selon l’Agence internationale de l’énergie nucléaire, les sept réacteurs du royaume produisaient 45 700 Gwh en 2010. Soit 55% de l’électricité produite dans le royaume. Le reste étant fourni principalement par les centrales au gaz (29%) et le charbon (8,5%).
Si la Belgique venait à fermer la porte de ses trois plus vieux réacteurs en 2015, c’est donc 1,8 GW de capacité (sur 5,9 GW) qu’elle devrait remplacer immédiatement. Comment ? Pour l’instant, le gouvernement a simplement déclaré qu’il allait doter le royaume d’un « plan d’approvisionnement stratégique » sans plus de précisions. Pour Greenpeace, pas de souci : « Si l’on prend en compte l’ensemble des projets déjà en place ou en cours de réalisation, on obtient une production électrique tout à fait comparable (à la production des trois réacteurs, ndlr), qui serait produite à partir de sources renouvelables (éolien, solaire...) et de centrales au gaz efficaces et peu polluantes. » Sauf que la chose devrait prendre un peu de temps. Des centrales à gaz ? « Il faut quand même quelques années pour en construire », a souligné Joan Condijts, chef du service économique du Soir. Alors si la Belgique respecte le calendrier de 2015, « il est vraisemblable qu’on doive importer un peu plus », a-t-il conclu.
- La sortie du nucléaire entraînera une augmentation des gaz à effet de serre
Vrai aussi… dans un premier temps. Car la Belgique est encore à la traîne sur le secteur des énergies renouvelables. A 0,7% et 0,05% de la part de l’électricité respectivement, le solaire et l’éolien occupaient en 2008 une place tout bonnement microscopiques. Seules l’hydroélectricité (2%) et la biomasse (3,5%) semblaient tirer leur épingle du jeu. Du coup, avec la sortie de l’atome, les centrales à gaz devront sans doute assurer la transition. De quoi envoyer du CO2 dans l’atmosphère. « Ce n’est pas idéal mais beaucoup mieux que le nucléaire ou le charbon et certaines nouvelles centrales de type TGV (turbine, gaz, vapeur) ne manquent pas d’efficacité », concède Greenpeace.
Mais puisque la Belgique est en retard, elle a aussi une grande marge de manœuvre. Et elle a déjà fait le premier pas. Une étude de Datamonitor, publiée en septembre, révélait que les énergies renouvelables ont crû de 23,4% entre 2006 et 2010. Et le pays vise un objectif de 13% d’énergies renouvelables (électricité + chaleur + transports) en 2020. Enfin, il existe un autre domaine dans lequel le pays peut progresser vite : les économies d’énergie. « La Belgique est tellement à la traîne dans ce domaine qu’elle peut mettre les bouchées doubles et y aller franco. Au rayon ’’économies pures’’, citons par exemple l’isolation des maisons », précise encore Greenpeace qui évoque aussi la nécessaire généralisation des appareils économes en énergie.
- La fermeture des centrales pèsera sur la facture du consommateur
Certes, les importations risquent de coûter cher. Surtout si l’électricité – notamment avec l’arrêt du nucléaire en Allemagne – devient une denrée plus rare en Europe. Le recours au gaz ? « Cela aura un coût parce que l’électricité au gaz coûte un peu plus cher. Le gaz, il faut aller l’acheter assez loin à des coûts qui sont importants. Donc pour être très concret, la fermeture du nucléaire risque de renchérir les prix de l’électricité, dans un premier temps en tout cas », a expliqué Joan Condijts.
En septembre 2010, la Commission de régulation de l’électricité et du gaz publiait d’ailleurs une étude et analysait l’impact d’une sortie du nucléaire sur le consommateur. Selon elle, l’arrêt des trois plus vieux réacteurs conduisait ainsi à une augmentation annuelle de la facture de 8% pour le consommateur. Mais « étant donné que la composante énergie représente la moitié de la facture globale du client final, le surcoût engendré par la fermeture des trois plus anciens réacteurs aurait été de 4 % (soit 23 euros, ndlr), un surcoût somme toute raisonnable par rapport à la masse de transferts dont bénéficie le nucléaire via le budget de l’Etat et la facture des consommateurs. En outre, il est possible d’épargner plusieurs fois ce montant en changeant de fournisseurs ou en économisant de l’énergie », relativise la coalition Stop and go.
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