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« Avec un peu de technologie, la ville peut économiser beaucoup d’énergie »

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« Avec un peu de technologie, la ville peut économiser beaucoup d'énergie »
(Photo : Aomi, Tokyo (Japon). Crédit : OiMax / Flickr)
 
Télétravail, éco-mobilité ou smart grids étaient au menu du forum Ville durable et connectée cette semaine à Strasbourg. Rencontre avec Gilles Berhault, président du Comité 21 et de l'Acidd, organisateur de l'événement.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Terra eco : avec l’Acidd [1] et en partenariat avec le Comité 21 [2], vous organisez chaque année à Strasbourg un Forum intitulé Green & Connected Territories. Quel en est l’objectif ? Comprendre comment la ville peut devenir plus verte grâce aux nouvelles technologies ?

Gilles Berhault : Le maître mot de ce forum, c’est la fertilisation croisée. Car plus que jamais nous avons besoin de partager nos expériences dans le domaine des nouvelles technologies. D’abord pour cultiver l’innovation sur les territoires et rafraîchir le développement durable à l’échelle locale. L’agenda 21 a été inventé à Rio il y a 19 ans. On a maintenant besoin d’une nouvelle vision car le monde a changé en 19 ans. On compte aujourd’hui 5 milliards de téléphones portables et 2 milliards de machines connectées. Qu’on trouve cela bien ou pas, le constat s’impose à tous : nous vivons dans un monde d’interconnexions. Ça veut dire en tout cas que chacun peut s’informer, comprendre, participer, agir... Ce qui change la logique de concertation qui glisse vers une gouvernance en temps réel. C’est fini d’élire quelqu’un pour 6 ans : maintenant, on peut avoir une interface permanente avec l’élu via les réseaux sociaux.

Ensuite il y a enjeu purement technologique. J’en donnerai deux exemples : améliorer la mobilité parce qu’il y a une meilleure gestion de l’information ; et rendre un bâtiment moins consommateur d’énergie parce qu’on sait mesurer, piloter et informer les gens pour les inciter à changer leurs comportements... Enfin, il y a question du travail (avec le télétravail, les télécentres, écocentres, etc.). Les modes de travail sont en train de changer radicalement. On est passé à une civilisation numérique, mondialisée, et donc on a besoin de s’adapter. Et une partie de la réponse c’est de créer de nouveaux lieux de travail, ce qu’on appelle aussi des « tiers lieux », qui soient ni la maison (car je ne crois pas au télétravail à la maison, en tout cas pas à 100%), ni les locaux de l’entreprise (car on peut pas continuer à passer 90 minutes par jour dans les transports comme la moitié des Français). Le modèle actuel du travail n’est pas viable, ni sur le plan environnemental, ni sur le plan social, ni sur le plan familial. Et financièrement, pour beaucoup de personnes, faire autant de kilomètres par jour seul dans son véhicule ça représente déjà un coût terrible. Alors quand le litre d’essence sera à 2, 3 ou 5 euros, on imagine bien que ce ne sera plus tenable.

Sur l’énergie, il est de plus en plus question des réseaux intelligents, ce qu’on appelle aussi des « smart grids ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

La tradition françaises des réseaux d’énergie, c’est de pousser du courant (c’est la même logique sur l’eau d’ailleurs). Mais on ne sait pas mesurer où sont les fuites quand il y en a, et on ne sait même pas dire si l’alimentation a été coupée ou non. L’idée aujourd’hui c’est de mettre de l’intelligence sur tout le réseau pour le rendre plus efficace, au niveau des centrales et des réseaux de distribution bien sûr, mais aussi au niveau local. Les smart grids permettent de passer du bâtiment connecté au quartier intelligent, et quand on commence à réfléchir au niveau du quartier, on commence à identifier des entrées d’énergies renouvelables possibles, à se poser la question de l’éclairage public, on se demande si l’électricité qu’on produit en local ne pourrait être consommée en local, pour limiter les coûts de transports, les pertes, etc.

Ça semble simple mais c’est en réalité extrêmement complexe. Les réseaux électriques, comme les réseaux ferrés, ont été construits dans note pays en étoile, ils n’ont pas été conçu pour qu’on fasse rentrer un peu de courant là et un peu d’autre ici. Ça pose plein d’autres questions : comment passer à un pilotage au niveau d’un quartier, quel apprentissage, quelle formation (car cela transforme évidemment le métier d’électricien), et plus largement quelle relation les personnes ont avec la technologie ? Entourer les gens de technos, de réseaux de capteurs, doit aussi se faire dans le respect de la vie privée et de l’envie de chacun et aussi des question d’affinité ou pas avec ce nouvel environnement.

Pouvez-vous nous parler d’une des nombreuses expérimentations présentées au forum de Strasbourg qui vous paraît particulièrement prometteuse ?

Je crois beaucoup au pilotage des bâtiments par des systèmes d’information. En mettant un peu de capteurs et d’intelligence dans le bâtiment on peut assez vite atteindre 20 ou 25% d’économie d’énergie. Ça peut aller très vite, d’autant que les investissement sont assez réduits car les capteurs ne sont pas très chers, les réseaux existent, on a donc des boîtes à outils disponibles. En plus c’est un secteur en plein développement, avec des start-up, des emplois à la clé, de la création de richesse. En France, on est vraiment en retard, nous n’avons même pas un compteur électrique « communicant », sans parler de compteurs « intelligents ». Le boîtier Linky est encore en phase de test et ne va pas très loin sur le plan technique.

En revanche, il y a dans le monde aujourd’hui des villes qui ont baissé de 20 à 50% leur consommation liée à l’éclairage public avec un peu de technologie. A Oslo, des capteurs sensibles, qui vont jusqu’à tenir compte de la réverbération en fonction de la quantité de neige, permettent de réduire la facture de la ville. Au lieu d’avoir des projecteurs dans la rue éteints ou allumés, leur niveau est complètement gradué en fonction de la luminosité ambiante. En Allemagne, il y a des villes où la moitié des lampadaires sont coupés et peuvent être activés par les riverains par l’envoi d’un simple sms. Ça permet de garder une lumière suffisant pour assurer la sécurité publique et d’avoir plus de confort en cas de besoin. Vous faites tomber vos clefs par terre devant chez vous et vous avez du mal à les retrouver ? Vous envoyez un message avec votre téléphone pour que l’éclairage de votre rue soit rétabli dans la seconde à 100%, et les lampadaires se remettront automatiquement en veille au bout de 20 minutes.

Vous parlez du retard français. Justement, les investissements mis sur la table par l’Etat aujourd’hui dans le cadre du Grand Emprunt vous semblent suffisants pour développer ces technologies vertes ?

Sur les smart grids, on parle en France de 250 millions d’euros qui seront répartis dans le temps. Je pense qu’on est totalement ridicule. Pour donner un ordre de grandeur on parle de dizaines voire de centaines de milliards d’investissements aux Etats-Unis ou en Chine. Ce qui est logique si on considère que le smarts grids peuvent faire baiser de plusieurs pour cents la consommation d’énergie mondiale. Les enjeux sont colossaux, et en terme financier et en terme environnemental. En France on les sous-estime encore. D’abord parce qu’on a une tradition économique organisée autour des fournisseurs d’énergie qui montre ses limites. Résultat : on a du mal a fonctionner local, alors que la réalité énergétique est aussi à l’échelle des villes. Certes, il faut sécuriser tout ça, parce que l’énergie, c’est aussi des hôpitaux, des secteurs sensibles, mais on a vraiment du mal a sortir de cette vision centralisée qui consiste à penser qu’il faut d’abord et surtout produire le maximum d’énergie.

Ce qu’il s’est passé il y a un mois sur la centrale nucléaire de Fukushima au Japon, amène aujourd’hui certaines personnes à penser différemment : finalement, le nucléaire pourra-t-il tout résoudre, est-ce qu’on est vraiment les meilleurs du monde dans le domaine, et est-ce que, finalement, le meilleur kilowatt, le moins cher, celui qui génère le moins de carbone, ce n’est pas celui qui est économisé ? Non seulement il faut mettre de l’argent sur les technologies, mais il faut aussi financer l’efficacité énergétique et mettre des millions sur l’humain, sur l’éducation, sur la formation. Il y a une partie de la réponse qui est technologique, mais une autre partie qui est comportementale. Et si vous voulez que les gens adoptent des pratiques plus économes, plus responsables, plus vertueuses, ça ne se fera pas tout seul.

La ville connectée, intelligente est-elle vraiment une ville plus verte ? L’explosion d’internet et des nouvelles technologies depuis 15 ans, n’empêche pas la hausse continue de la consommation d’énergie ou du nombre de kilomètres parcourus par habitant... A défaut d’inverser la tendance, est-ce que ces technologies permettront au moins de calmer les choses ?

Pour l’instant on est dans une phase de découverte du numérique qui conduit à un obsolescence très rapide des appareils. L’enjeu c’est d’allonger leur durée de vie. A un moment donné, on rentre dans une économie de la fonctionnalité, on arrête de changer de téléphone tout les ans, même si les innovations, comme la géo-localisation, créent des envies et rendent la vie plus pratique. Le renouvellement des équipement est beaucoup trop rapide. On commence seulement, depuis quelques mois, à parler d’efficacité énergétique, donc du numérique, des réseaux, mais c’est tout neuf comme réflexion. L’éco-conception des réseaux numérique, elle, n’existe quasiment pas. Il y a quelques serveurs qui commencent à bouger, parce que les gens entrent volontairement dans la logique de la responsabilité ou qu’ils y son contraint par des lois, comme le Grenelle, ou, surtout, par les coûts de l’énergie.

Il faut comprendre qu’on est face à un mouvement de société où tous les citoyens connectés ont envie de pouvoir télécharger un film, de pouvoir échanger sur le web, de travailler à distance. Le transport d’information numérique consomme moins de carbone que la transport de personne ou de marchandise, télécharger un film d’un giga dégage moins de CO2 qu’un trajet en voiture. OK, mais on sent bien qu’il n’y a pas de substitution automatique d’un mode vers l’autre. Je ne suis pas pour que les gens arrêtent de voyager, s’enferment chez eux, mais je pense qu’il y a une substitution souhaitable et possible dans certains domaines. Pour les voyages professionnels par exemple. Au moins un voyage d’affaire sur deux en avion pourrait être évité grâce aux TIC, ce qui est déjà beaucoup. Si ça ne se fait pas encore, ce n’est pas le numérique qui est en cause, mais nos modes de vie et nos aspirations. Comment voulez-vous résister lorsque vous avez des compagnies low-cost, qui vous proposent (pour quelques années encore, car elles disparaîtront avec avec la hausse inéluctable des prix de l’énergie), de traverser le monde en avion pour quelques centaines d’euros ?

S’il y a un objet qui symbolise la nouvelle frontière atteinte par les TIC, c’est bien le smartphone (celui avec lequel j’enregistre par exemple notre discussion). La fabrication de ces nouveaux téléphones demande des quantités de matières premières et d’énergie considérables. En comparaison, les économies d’énergie que permet leur usage semblent dérisoire. Sans parler du volet social qui laisse souvent à désirer dans les usines des fabricants...

C’est vrai que les dessous des smartphones ne sont pas toujours reluisants : des produits dangereux sont utilisés pour nettoyer les écrans par des gens qui travaillent sans gants, il y a des ateliers de fabrication où des enfants sont impliqués, etc. Mais ça, c’est malheureusement la problématique d’ensemble de la consommation. A un moment donné, est-ce qu’on est capable de dire « non » à un produit dont on a envie par ce qu’il consomme beaucoup d’énergie ou de matières premières, ou parce qu’il est fabriqué dans des conditions de travail déplorables ? Est-ce qu’on va continuer à acheter des DVD qu’on ne regarde qu’une fois ? Est-ce qu’on va continuer à acheter des perceuses qui servent en moyenne 3 à 4 minutes par mois ? Vous voyez bien que c’est un problème de consommation qui dépasse le numérique. On est dans une logique de possession avec laquelle il va falloir rompre totalement.

Ne diabolisons pas non plus le smartphone qui peut rendre de précieux services, y compris au pêcheur de Saint-Louis au Sénégal qui l’utilise pour consulter les cours du poisson, et à plein d’autres gens à travers le monde qui peuvent se passer d’ordinateur pour le développement de leur activité, pour accéder à l’information, ou plus simplement pour échanger avec leur famille à l’autre bout du monde à moindre coût. A mon niveau de citoyen, ce que je peux faire, c’est pousser les gens à utiliser ces technologies pour faire d’abord des économies, et les inciter à ne pas renouveler leur appareils à tout bout de champ...

Ne croyez-vous pas, qu’à moins d’un saut technologique majeur, cette foule de petites innovations (celles des smartphone n’en est qu’une illustration), ne suffira pas à réduire les émissions de CO2 et maintenir le réchauffement climatique sous la barre des +2°C ?

Grande question. On est de plus en plus nombreux sur la planète, et de plus en plus nombreux à avoir envie d’intégrer les nouvelles technologies dans notre mode de vie. Et donc c’est vrai que ça pose question, dans le domaine de l’accès à l’information par le numérique puisque c’est notre sujet, mais dans beaucoup d’autre, comme l’industrie du médicament dont l’impact sur l’environnement est aussi très important. Je pense que sur le plan énergétique, on est à côté de la plaque. Il y a des technologies de rupture qui pointent, comme celle qui consiste à capter le carbone pour nourrir des algues avec lesquelles on fabrique du carburant... Mais au-delà, il nous faut repenser la notion de bien public, d’intérêt collectif. On sait bien que c’est la financiarisation du monde qui pose problème. Prenez les énergies renouvelables, qui génèrent plus d’emplois que les autres, mais elles rapportent moins d’argent aux actionnaires que les énergies fossiles...

Pour revenir au numérique, je voudrai insister sur le fait que c’est pas lui qui change le monde, ce n’est pas le numérique qui l’envoie dans le mur, c’est juste un outil qu’on a à notre disposition et on fait/fera ce qu’on veut. Par contre si on l’utilise bien, c’est un vrai amplificateur, pour améliorer les libertés (on l’a vu au sud de la Méditerranée), pour accélérer la diffusion des connaissances. Aujourd’hui être dans un écosystème informationnel avec des milliards de personnes connectées, c’est tout de même une aventure humaine extraordinaire. Et le développement durable, c’est aussi ça, c’est pas seulement l’environnement, c’est aussi une approche du partage, d’ouverture vers l’autre, de solidarité... On a une vraie et belle opportunité de faire quelque chose de bien, on a plein de bons exemples locaux sous les yeux, mais à très grande échelle, c’est vrai, tout reste à faire.

[1] L’Acidd (Association communication et Innovation pour le Développement durable) est une association qui a pour mission de mettre la communication et l’innovation dans le domaines des technologies de l’information au services du développement durable, et pousser ces secteurs à être plus responsables, tant sur le plan environnemental (sur la consommation d’énergie notamment) que sur le plan social où ces technologie ont parfois des impacts négatifs.

[2] Le Comité 21 est le comité français pour le développement durable. C’est le premier réseau d’acteurs sur le sujet, avec 450 structures, entreprises, collectivités, associations, institutions médias, centres de formation et de recherche. La plupart des régions, départements et grandes villes de France en sont membres. Le comité mène un travail collaboratif sur des sujets aussi variés que le tourisme, les achats responsables, le marketing durable, le quartier la ville durable, l’éducation, la concertation, la gouvernance... Plus largement il vise à rendre efficace les démarches d’agenda 21 sur les territoires, dans les entreprises ou au sein des associations.

Sources de cet article

- Le site du Forum Green & Connected Territories
- Le site de l’Acidd
- Le site du Comité 21

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