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3-06-2013
Mots clés
Solidarité
France

Avec la « Mobil’douche », les SDF retrouvent la dignité

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Avec la « Mobil'douche », les SDF retrouvent la dignité
(Ranzika devant la Mobil’douche à Paris, le 3 mai 2013 (Crédit photo : Jeanne Portal))
 
Cette association propose aux sans-abris parisiens de se laver dans un camping-car aménagé.
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De Tornado à la Batmobile, en passant par l’Aston Martin, chaque héros a sa monture. Ranzika Faid, elle, a la « Mobil’douche ».

Garé devant un grand portail bleu qui cache un petit pavillon des Hauts-de-Seine, le camping-car, acheté sur Leboncoin.fr pour 20 000 euros, attend sa sortie hebdomadaire.

Depuis un an, la quadragénaire et les bénévoles de l’association Mobil’douche partent tous les dimanches soirs à la rencontre des SDF du Sud parisien afin de leur proposer des services sanitaires mobiles. Douches, savons, vêtements, rasoirs, déodorants, parfums… tout est prévu pour redonner aux habitants de la rue une part de leur dignité.

« Petite déjà, je défiais l’autorité »

Tout a commencé par la lecture d’une enquête d’Emmaüs, qui révélait que la troisième priorité des sans-abri était de rester propres. La jeune femme est alors à son bureau de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), au ministère du Travail, lorsque l’idée lui vient de rendre l’hygiène mobile.

Depuis 1988, Ranzika travaille comme chargée de communication et occupe son cinquième mandat de représentante du personnel :

« Petite déjà, je défiais l’autorité. J’ai toujours voulu négocier, faire changer un peu les règles. »

Assise dans son salon ouvert sur le jardin, cigarette et tasse de café à la main, elle raconte qu’elle « avait tout le terrain pour virer du mauvais côté ». Enfant battue, Ranzika a connu la rue et la pauvreté dès sa naissance :

« Je suis issue d’une grande famille. Mais quand je vous dit “grande”, c’est que je ne connais pas tous mes frères et sœurs. Dans la rue, on y restait le plus tard possible pour éviter les coups. On était des enfants sales, on ne mangeait pas à notre faim. Je faisais les poubelles et je mangeais les chewing-gums que je ramassais par terre. »

« Je suis le fruit de la collectivité et du système social. »

Une nuit, alors qu’elle n’a que 6 ans, elle fuit ce père frappeur aidée par l’une de ses aînées. La petite fille est aussitôt placée, avec trois de ses sœurs, à la Ddass (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) de Corrèze :

« C’était un bonheur ! C’est en partie grâce à eux que je me suis reconstruite. Je suis le fruit de la collectivité et du système social. »

Finalement, à l’âge de 10 ans, elle est confiée à une femme, Elyse, qui lui donne le goût de la politique, de l’engagement :

« J’ai eu droit à tous les discours de Badinter, les décryptages, les rassemblements sous Mitterrand. Ils m’ont fait rêver. Ils m’ont fabriquée intellectuellement. »

Vivre, mais à condition de donner à son tour. Chaque dimanche vers 17h30, elle prend la direction des XIIIe et XIVe arrondissements parisiens. Un jour choisi par stratégie – « Le tissu associatif est moins présent le dimanche » – et en raison de son travail.

Il aura fallu deux ans et demi à la bénévole pour recueillir suffisamment de fonds pour acheter puis aménager le Mobil’douche ainsi que pour payer l’assurance (1 200 euros), le gazole (150 euros par mois), et les 230 litres d’eau du réservoir. Le coût d’une douche est estimé entre 17 et 19 euros :

« Il y a un an, heure à laquelle François Hollande devenait président de la République, Jo, SDF, prenait la première douche de Mobil’douche à place d’Italie. Je me souviens qu’il me criait alors qu’il était encore en train de se laver : “Alors c’est quoi les résultats ?” »

Boire un café, garder un emploi

A bord du véhicule, Ranzika nous montre les sacs plastiques remplis de vêtements et de produits de beauté qui s’entassent un peu partout :

« La solidarité n’est pas atteinte, c’est moi qui vous le dit ! Les pharmacies, les infirmières me donnent spontanément. J’ai quelquefois des sacs suspendus à mon portail et qui sont remplis de dons. A la dernière maraude, il y a deux jeunes SDF de 23 et 25 ans qui, pendant que l’un prenait une douche et l’autre se rasait, étaient en train de chercher une chanson pour l’association afin que l’on puisse collecter des fonds. Il y en a un autre qui voulait me donner 10 euros pour “notre” Mobil’douche. Ça fait chaud au cœur de voir toutes ces personnes avec les yeux qui brillent dès qu’elles sortent du véhicule. »

A l’intérieur du Mobil’douche, un salon où les personnes accueillies boivent un café, grignotent et discutent a été aménagé. A l’arrière, une partie complètement privatisée avec deux toilettes, deux douches – dont une accessible aux fauteuils roulants – et de la musique.

« J’ai vu les conséquences de l’effet Mobil’douche sur le terrain. Ça a non seulement permis à cinq hommes de garder leur emploi, mais aussi à deux autres d’être tellement heureux qu’ils ont décidé, après s’être douchés, de nettoyer entièrement leur camp. »

Les femmes SDF sur la défensive

A chaque fois, c’est un peu plus d’une dizaine de SDF qui empoignent serviette, savon et pommeau de douche. Mais en un an, seules dix-sept femmes sont montées à bord de la Mobil’douche. La conséquence, selon Ranzika, de leur vulnérabilité dans la rue, qui les pousse à développer une agressivité de défense :

« Il faut un moment pour qu’elles posent cette agressivité et qu’elles s’aperçoivent qu’avec moi, elles ne risquent rien, que je ne leur demande rien. »

Ranzika décrit aussi cette « culture de l’invisibilité » qui pousse les femmes sans-abri à se cacher sous plusieurs couches de vêtements larges :

« Prendre une douche, c’est un rapport particulier avec le corps. On sait que pour les femmes, c’est plus difficile de se mettre nu. Ce n’est pas parce que l’on est dans la rue que les phénomènes de société s’arrêtent. »

Elle pense à une femme qui « au début, m’aurait presque griffée dès que je lui parlais » :

« Aujourd’hui, j’arrive à la faire monter dans le camping-car, à discuter et boire un café avec elle. Elle me dit qu’elle a envie de se doucher mais que pour le moment, elle n’y arrive pas. Mais moi je sais que dans un mois, cette femme-là aura pris une douche. »

Cet article de Jeanne Portal a initialement été publié le 30 mai 2013 par Rue89

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