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Anders Rubin : « Repartir de zéro et parier sur l’éducation »

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Anders Rubin : « Repartir de zéro et parier sur l'éducation »
 
SERIE : ILS IMAGINENT LA VILLE DE DEMAIN 1/4. Comment une ville de Suède brisée par la crise économique des années 1980-1990 est-elle devenue un modèle de ville durable pour le monde entier ? Réponse avec Anders Rubin, son grand manitou vert.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Anders Rubin en a vu de toutes les couleurs. Adjoint au maire de Malmö et membre du conseil municipal depuis vingt-cinq ans, il a vécu la descente aux enfers de cette ville suédoise dans les années 1980 : disparition de l’industrie textile, fermeture des chantiers navals, de l’usine automobile Saab et effondrement du secteur informatique. En 1995, l’équipe municipale, conduite par un architecte d’origine finlandaise, Ilmar Reepalu, inverse la spirale du déclin. A ses côtés, Anders Rubin, en charge de la planification urbaine, pilote une politique urbanistique audacieuse primée en septembre par les Nations unies. Désormais 3e ville de Suède (293 000 habitants) derrière Stockholm et Göteborg, et 5e de Scandinavie, Malmö voit défiler, chaque année, des dizaines de maires et responsables de collectivités du monde entier désireux de découvrir et de copier ce modèle de cité moderne et durable.

Malmö est une ville reconnue comme un modèle de ville durable en Europe. Quels sont, selon vous, les maîtres-mots de la ville de demain ?

Je dirais environnement et éducation. Beaucoup de villes considèrent leurs efforts dans le domaine du développement durable comme une contrainte. Pour nous, c’était une question vitale et relevait d’une stratégie globale. Tout le monde devait y travailler, pas seulement quelques personnes dans un bureau. Depuis 1974, la ville se vidait de ses habitants. Et elle s’était pris de plein fouet la crise économique du début des années 1990 : entre 1992 et 1994, elle a perdu un tiers de ses emplois. Mais j’ai l’habitude de dire que cette situation a été une énorme chance. Car il a fallu repartir de zéro. Nous avons d’abord parié sur l’éducation et la formation et réussi à convaincre l’Etat que, même si nous nous trouvions à une vingtaine de kilomètres de la grande ville universitaire de Lund, Malmö avait besoin d’une université. Celle-ci nous a aidés à attirer des jeunes. Les entreprises ont suivi. Et puis Malmö était perçue comme une ville triste et grise. Nous avons donc travaillé sur la pollution de l’air en centre-ville et converti tous les bus au gaz naturel. Ce fut un succès immédiat et sans doute aussi une prise de conscience pour beaucoup de personnes.

Ce virage stratégique fut-il facile à prendre ?

Nous avons bénéficié d’un concours de circonstances exceptionnelles. Tout d’abord, en 2000, la construction du pont qui traverse le détroit de l’Öresund et relie Malmö à Copenhague : il nous a permis de mieux exploiter notre situation géographique. Jusqu’ici, nous tournions le dos à l’Europe et nous nous concentrions sur ce qui se passait à Stockholm, soit à 600 km de là. C’est d’ailleurs à cette époque que la Suède a intégré l’Union européenne. Puis, en 2001, nous avons organisé l’exposition européenne de l’habitat Bo01. En Allemagne, on utilise souvent ce genre de manifestations pour impulser des changements de société. Nous avons alors lancé une expérimentation à grande échelle : au lieu d’organiser le salon en banlieue, le maire, qui est architecte urbaniste, a décidé de l’installer au cœur de la ville, sur le port alors déserté par les industries. Et il l’a axée sur les technologies de l’environnement et de l’information. Grâce à Bo01, nous avons construit à Västra Hamnen le premier quartier européen qui produise son énergie localement et à partir de sources renouvelables comme les éoliennes et les pompes à chaleur (lire ci-dessous).

Comment conciliez-vous aujourd’hui la forte attractivité de votre ville et son développement durable ?

Bo01 a tellement attiré l’attention sur nous que certaines entreprises sont prêtes à aller très loin pour bénéficier des retombées de la renommée de Malmö. Le nouveau magasin Ikea, qui vient d’ouvrir à la sortie de la ville, a ainsi axé toute sa publicité sur le thème du développement durable. L’électricien allemand E.ON, qui a son siège social à Malmö, en a fait sa vitrine en Suède. Pour poursuivre notre stratégie, nous avons misé sur la planification urbaine. Choisir de construire l’université en centre-ville plutôt qu’en périphérie a été déterminant. La ville n’aurait jamais été riche en bars, boîtes de nuit, lieux de rencontres et d’échange, si cet établissement n’avait pas été situé dans le centre. L’autre objectif est de limiter l’expansion de la ville à l’intérieur de ses frontières actuelles. 85 % des foyers sont reliés au réseau de chauffage urbain. Or, ce système, idéal pour produire de la chaleur à partir de sources renouvelables, n’est pas tenable si la ville venait à trop s’étendre. Contrôler l’expansion de la ville est également nécessaire car, entre 40 % et 42 % des habitants vont travailler en vélo. Notre système de transports collectifs a, lui, presque atteint les limites de sa capacité.

Alors comment limitez-vous l’expansion de votre ville ?

Nous gagnons actuellement entre 5 000 et 8 000 habitants par an. Nous cherchons donc à nous réapproprier les bâtiments industriels et les sites laissés en friche. Ensuite, il y a beaucoup de lieux non exploités en ville. Certains voudraient supprimer les parcs, mais ce n’est pas une solution. Il est possible de construire différemment, d’exploiter des espaces vides entre des bâtiments. A l’avenir, il faudra aussi construire en hauteur. Et puis, sans doute se résoudre à habiter plus petit. Mais c’est le marché qui s’en chargera.

Que peut-on faire pour inciter les gens à laisser la voiture au garage ?

Pour commencer, construire des quartiers mixtes qui mélangent habitations, bureaux et services. C’est une façon de réduire les distances. Mais aussi l’une des exigences que nous posons lors de la vente de terrains municipaux à des promoteurs immobiliers. Bien sûr, il faut que les réseaux de transports collectifs soient également efficaces. La municipalité peut réserver certaines rues aux bus ou bien leur donner la priorité lors de l’aménagement de nouveaux quartiers. Nous travaillons aussi beaucoup sur les comportements individuels : informations auprès des nouveaux habitants, cours de vélos aux populations immigrées en zones urbaines, distribution de casques…

Et avez-vous pu en mesurer les résultats ?

L’arrivée de 20 000 nouveaux habitants a provoqué une hausse sensible de la demande de transports. Nous y avons répondu en ne faisant appel qu’à des moyens non polluants. Attention, nous ne sommes pas contre la voiture. Mais aujourd’hui, nous avons atteint une limite. La seule façon de pouvoir continuer à croître économiquement et de garantir l’accessibilité du centre-ville est de faire en sorte que les gens marchent ou prennent leur vélo. C’est aussi une question de génération. Pour les jeunes, prendre le vélo ou les transports publics revient à vivre comme dans la série télévisée « Sex and the City ». Pour les plus âgés, c’est renoncer à un signe de richesse.

Vous voulez réduire de 20 % la consommation d’énergie à Malmö d’ici à 2020 et assurer que toute celle consommée d’ici à 2050 sera durable. Comment allez-vous y parvenir ?

La seule façon d’agir consiste à collaborer avec les fournisseurs, les entreprises et les habitants. Il faut poser des conditions lors de la construction de nouveaux bâtiments. Quant aux énergies renouvelables, notre politique est volontariste : Malmö produit la moitié de l’énergie solaire de Suède. Nous possédons également le plus grand parc éolien offshore du pays. La société industrielle avait ses bâtiments, la société durable peut avoir ses icônes. Pourquoi pas des éoliennes urbaines et des panneaux solaires ? Si nous voulons moderniser la ville, il ne faut pas seulement jeter les rebuts de la société industrielle, il faut aussi intégrer de nouveaux « meubles ».

Le concept de ville durable n’est-il pas synonyme de ville pour riches ?

Il n’est pas facile d’intégrer toutes les classes sociales dans un tel projet. Malmö est à l’origine une ville ouvrière. Beaucoup ont considéré Bo01 comme un projet luxueux. Les classes ouvrières se sont senties abandonnées. D’autant plus qu’à cette période on ne construisait rien d’autre. Les jeunes débarquaient dans le centre-ville. Et avec eux, les start-up et leurs millionnaires. Notre travail a donc été de lutter contre la « ségrégation involontaire » : les gens ne doivent pas être forcés de rester dans un quartier contre leur volonté mais avoir la possibilité d’y rester s’ils le souhaitent. Il faut également éviter la construction de quartiers uniformes avec des habitations identiques ayant toutes la même taille.

Et le mélange des générations ?

Il est plus difficile à composer. Malmö, qui a toujours été une ville très homogène, est aujourd’hui la cité la plus hétérogène de Suède. Le défi est de faire se rencontrer des personnes appartenant à de nombreuses cultures : un tiers de la population est musulmane et la moitié des moins de 19 ans sont d’origine étrangère. Notre rôle est donc de créer des lieux de rencontre : des parcs, des restaurants, des places… Et de faire en sorte que tout le monde s’y sente à l’aise, avec des bancs, des toilettes placées à des endroits stratégiques, un éclairage qui rassure…

Quel conseil donnez-vous aux municipalités que vous rencontrez ?

Qu’elles soient honnêtes avec leurs concitoyens et qu’elles n’oublient pas de dire que cela va coûter cher. Faire du développement durable une question stratégique, c’est bien. Mais cela restera des paroles en l’air si les villes n’y consacrent pas de moyens. Concrètement, il faut des règles strictes de construction des nouveaux bâtiments et de rénovation des anciens. Côté transports, il faut revenir à l’ère pré-automobile, en s’assurant que les transports collectifs sont plus efficaces que la voiture. —

VÄSTRA HAMNEN, LA VITRINE ECOLO-CHIC

Tout le monde n’a pas les moyens de se payer un appartement dans le quartier à la mode de Västra Hamnen. La vitrine écologique et technologique de la ville est devenue inaccessible pour la population originelle de Malmö : 3 000 euros le m2 en moyenne pour un appartement ou une maison sans vue sur la mer, et autour de 4 500 euros pour le m2 avec vue sur la mer, contre 1 700 euros en centre-ville. Dans cette ancienne zone industrielle de 18 hectares, 3 500 m3 de terre ont été décontaminés et le sol a été recouvert d’une surface propre d’1 m 20 d’épaisseur. Les promoteurs ont dû respecter un cahier des charges draconien : le standard annuel de consommation énergétique a été fixé à moins de 105 kwh/m². Un bonheur pour les architectes qui y ont une liberté totale. Parmi eux, Hans Willehader vit avec sa famille dans le quartier depuis 2006 : « Nous trions les déchets organiques pour fabriquer du biogaz. L’eau de pluie est récupérée. Et on utilise la chaleur souterraine pour les habitations. » Des Chinois, qui viennent de visiter le quartier, souhaitent le reproduire rapidement au détail près.

ANDERS RUBIN EN 5 DATES

1963 : naissance

1980 : entre au Parti social-démocrate à 17 ans

1984 : décroche son diplôme d’économie

1985 : élu au conseil municipal de Malmö

2002 : devient l’adjoint au maire, en charge de la planification urbaine

Illustration : Morgane Le Gall

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