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Raconte-moi ton éco-quartier

Par Antoine Louchez Par Thibaut Schepman

A Malmö, d’un éco-quartier naît la mixité

A Malmö, d'un éco-quartier naît la mixité
(Légende photo : Safija Imsirovic - Crédit photo : Thibaut Schepman)
C'est dans la banlieue de Malmö, en Suède, que se dresse cet éco-quartier "50/50". Là, plus de la moitié de la population est née à l'étranger. La bonne entente entre les communautés dépend de la rénovation écologique du quartier. Et de la mobilisation d'une femme : Safija Imsirovic.

C’est une toute petite pièce, au sous-sol d’un immeuble situé au sud de Malmö, en Suède. Des enfants de tout âge regardent la télévision, dessinent autour de la table ou lisent les bandes dessinées de la bibliothèque. Les dessins accrochés au mur nous l’indiquent : nous sommes à Gnistan, centre d’accueil de jour des enfants d’Augustenborg, et véritable clé de voûte de cet éco-quartier de 3000 habitants.

Au bout de quelques minutes apparaît Safija Imsirovic, la maîtresse des lieux. Sous son voile maculé de peinture, elle a l’air épuisée. Cette semaine, elle repeint l’une des salles de classe de l’école du quartier. « Toutes les institutions se rejetaient la responsabilité de repeindre cette classe. Moi, je ne voulais pas que les enfants étudient dans des locaux vétustes. Alors j’ai demandé à ce qu’on me fournisse la peinture et j’ai décidé de le faire moi-même, avec l’aide de mon mari », explique-t-elle. Ce n’est pas son rôle, juste un geste de plus en faveur des enfants d’Augustenborg.

Safija a fui la guerre de Bosnie en 1992. Elle a obtenu en Suède le droit d’asile avec son mari et ses deux enfants. Elle nous raconte son périple.


Comme elle, plus de la moitié des habitants de ce quartier ne sont pas nés sur le sol suédois. Beaucoup viennent de Bosnie, mais aussi de Somalie et, plus récemment, d’Irak. A Augustenborg, « le but n’est pas seulement de faire un quartier qui soit durable sur le plan écologique, mais il faut aussi qu’il soit durable au niveau social », précise Åse Dannestam qui travaille pour MKB, le bailleur de logements publics de la ville de Malmö. « Dès le début, nous avons voulu pousser au dialogue entre les communautés. »

Il a fallu trois ans à Safija pour apprendre le suédois. « La langue est la clé de l’intégration », précise-t-elle. Mais à Augustenborg comme ailleurs, les migrants avaient souvent des difficultés à suivre les cours de langues du SFI (cours de suédois pour l’intégration des immigrés), un organisme public, « car ceux-ci sont dispensés le soir, au moment où les enfants rentrent de l’école ». La garde des enfants est alors devenue une barrière indirecte à l’intégration.

Fais quelque chose dans ta ville

Lorsqu’elle devient institutrice en 1997, Safija Imsirovic commence alors à consacrer, en dehors de son travail, plusieurs heures chaque jour à la garde des enfants des nouveaux arrivants. Elle pose une seule condition aux parents : ils doivent prendre des cours de langue ou chercher un travail pendant les heures de garde. « J’ai survécu à la guerre, j’ai appris le suédois et j’ai trouvé du travail. Je veux montrer que c’est possible. Le fait d’être étranger ou d’avoir une autre culture ne doit pas être un frein. Regardez-moi, je porte le voile mais ça ne m’empêche pas de porter un casque de vélo comme tous les Suédois ! », explique-t-elle.

De fil en aiguille, le projet prend forme en 1999, supporté par l’association locale Unga öarnar. Il a pour nom « Gnistan » (« étincelle »). C’est aussi l’acronyme pour « Fais quelque chose dans ta ville » en suédois. Le feu a bien pris. Depuis, une trentaine d’enfants fréquente la garderie à l’année. L’inscription annuelle, qui coûte 400 couronnes (environ 40 euros, contre au moins 80 euros par mois pour les garderies municipales), est soumise à une justification de la situation des parents.

Au même moment, naît le projet de rénovation d’Augustenborg en un futur éco-quartier. Deux initiatives totalement indépendantes qui partagent le même dessein. « A la fin des années 1990, nous avons choisi de rénover surtout l’extérieur d’Augustenborg : les parties communes, les routes, les jardins... Il y a un peu un côté paysagiste dans ce projet. L’idée est que les gens doivent avoir du vert autour d’eux pour se sentir bien et pour pouvoir vivre ensemble », explique Åse Dannestam. L’un des travaux les plus importants concerne le système de récupération des eaux de pluie. « Avant, nous avions des inondations. Maintenant nous avons de petites mares qui agrémentent le quartier. C’est typiquement le genre de mélange entre la défense de l’environnement et la recherche d’une meilleure vie commune dans le quartier que nous cherchons », détaille-t-elle fièrement. Des panneaux solaires alimentent le chauffage central du quartier. Et chaque bloc d’habitations s’est vu attribuer un local à poubelles commun. Les résultats sont probants. L’impact environnemental du quartier a été réduit de 20%, et le turnover des locataires a baissé de 50%. Le taux d’emploi a lui grimpé de 35% en 1995 à 49% en 2007. Preuve enfin de l’intégration des habitants, le taux de participation aux élections a crû de 54% en 1998 à 79% en 2002.

Pédagogie

« Nous distribuons un prospectus à chaque nouvel arrivant afin de leur expliquer en détails comment trier leurs déchets, nous ne voulons pas forcer les gens », assure Åse Dannestam. « Malgré tout, nous vérifions si le tri a bien été fait. Si cela n’est pas le cas, nous en référons aux représentants du bloc qui doivent régler cela en interne. Le but, c’est que la population soit active. » Une mission parfois difficile dans le quartier. « Les gens sont pauvres ici, ils ont pour priorité les soucis monétaires du quotidien. Il faut prendre le temps de discuter et de leur montrer qu’il est important d’avoir cette verdure autour, d’expliquer à quoi sert la récupération de l’eau ou d’où vient l’énergie du quartier », analyse Safija Imsirovic. « Le plus important, c’est la pédagogie. Par exemple nous allons construire des machines à laver communes et à faible consommation. Nous allons donc frapper à toutes les portes pour expliquer aux gens comment économiser de l’eau et de l’énergie, quelles lessives utiliser… »

« Avec les enfants, c’est beaucoup plus facile », affirme Safija dans un sourire. « Les plus jeunes n’ont pas autant de soucis que leurs parents, ils sont curieux. » A Gnistan, on s’applique donc à enseigner la défense de l’environnement. MKB, qui mettait déjà à disposition les locaux du centre d’accueil, a offert une seconde salle : l’hôtel aux lapins. « Le but est d’y enseigner le cycle de la vie. Les enfants apprennent à recycler leur nourriture ou encore les déjections des lapins pour faire du compost. Ce compost sert ensuite de terreau aux plantes de notre potager éducatif. Ces plantes nous nourrissent, nourrissent les lapins et ainsi de suite », nous explique Safija, un petit lapin blanc à la main. « Celui-là est mon préféré. Il était très malade à la naissance et nous l’avons soigné. Aujourd’hui, c’est un survivant, un peu comme moi. »

Mots-clés : Social | Urbanisme | Logement
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Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

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