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24-10-2013
Mots clés
Logement
France
Reportage

A Jouy, on continue à vivre sans entraves

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A Jouy, on continue à vivre sans entraves
(Crédit photo : Louise Allavoine pour « Terra eco »)
 
Trente ans ont passé depuis l’emménagement collectif à L’Habitat, dans le Val-d’Oise. Aujourd’hui, les enfants sont partis et l’ambiance de fête s’est assagie. Mais l’état d’esprit perdure.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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On ne l’a pas entendu entrer. Joseph, 75 ans, avance dans le salon de Pierre et Annie, deux bouteilles de rouge à la main et un brin d’herbe fraîchement coupée capturé dans la barbe blanche. Ce jour-là, c’est lui qui taille les haies du jardin collectif de L’Habitat, copropriété de neuf maisons conçues et construites par leurs occupants, à Jouy-le-Moutier (Val-d’Oise). Joseph ne boit pas d’alcool. Pierre et Annie, de même que Michel et Marie-Claude, deux de leurs voisins venus prendre le café, acceptent de jouer les goûteurs. Il est 16 heures, et alors ? On sort des verres, on compare les tanins et on tombe d’accord : pour les 70 ans de l’épouse de Joseph, ce sera le bordeaux bio. « Depuis que les enfants sont partis, on ne fête plus que les décennies », explique Annie, 58 ans, institutrice à la retraite. Le breuvage choisi, on part faire le tour du… pardon, des propriétaires.

L’Habitat est un drôle d’endroit. Côté rue, on dirait un banal immeuble avec un grand hall d’entrée. Une passerelle rouge relie deux bâtiments. Sous elle plonge un chemin menant à un grand jardin. Il longe une longue façade en bois, exposée plein sud. Difficile de dire, dans ce maelstrom de diagonales et de baies vitrées, à qui appartient cette terrasse, chez qui donnent ces fenêtres.

S’extirper de la norme

Les neuf maisons, de 67 à 140 m2, sont imbriquées. Le terrain en pente brouille un peu plus les repères. Chez Pierre et Annie, par exemple, l’étage le plus élevé, qui est au niveau de la rue, est celui du garage. On descend l’escalier et l’on arrive dans les pièces à vivre. Un étage plus bas, au niveau du jardin, se situent les chambres. Inverser la logique et s’extirper de la norme, c’est bien ce que ces couples, tous retraités désormais, ont fait quand ils se sont lancés dans ce projet d’habitat participatif. C’était en 1979. Auparavant, Pierre et Annie avaient projeté de vivre en communauté avec des amis. Mais l’utopie en est restée une. Pas découragés, ils collent des affiches dans la ville – alors « nouvelle » – de Cergy-Pontoise, à côté de Jouy-le-Moutier, et publient des petites annonces dans Libération et Témoignage chrétien pour recruter des familles tentées par un mode de vie non conventionnel : vivre ensemble, chacun chez soi. Le groupe se constitue rapidement et se met au travail pour concevoir le projet, en définir l’enveloppe, embaucher un duo d’architectes. « Nous nous sommes réunis toutes les semaines pendant presque quatre ans. Et on ne trouvait pas de terrain ! », se remémore Annie. « Ça aurait pu nous faire éclater, ça nous a cimentés », explique Marie-Claude, ex-assistante sociale.

« Village africain »

« Le recrutement du groupe, c’est ça, le secret », acquiesce de sa voix grave Michel, ancien ingénieur qui avait conçu pour L’Habitat un système de chauffage solaire, qui n’a finalement jamais vu le jour. Car à la galère du foncier a succédé le cauchemar de la construction : trois ans de travaux et cinq faillites parmi les entreprises qui intervenaient sur le chantier. Celui-ci s’est officiellement achevé en juin 1985. En réalité, pendant encore des mois, les habitants ont fini le boulot, pour ne pas exploser leur budget. Ce sont eux qui ont tiré les derniers câbles, installé les escaliers. « Tous ces moments difficiles ne nous ont jamais empêchés de faire des fêtes », sourit Marie-Claude. « On n’est pas une famille, on n’est pas non plus les meilleurs amis, mais il est clair qu’on est très proches », confirme Annie.

C’est aussi le cas de la vingtaine d’enfants qui ont grandi à L’Habitat. Alors que leurs parents se croisaient surtout dans le hall d’entrée ou les espaces communs (la salle de jeux, le labo photo, la buanderie, l’atelier de bricolage et le jardin), eux ont vraiment vécu les uns chez les autres. La vie en collectivité a rendu les baby-sitters inutiles. « On est tous attachés aux enfants des autres. Et on s’est toujours autorisés à intervenir quand ils faisaient des bêtises, sans que cela crée de frictions. En fait, on avait le même fonctionnement qu’un village africain ! », se rend soudainement compte Pierre.

Désormais, les enfants sont partis. Les occasions de se côtoyer sont plus rares. Dans la salle commune, la table de ping-pong prend la poussière. Mais les habitants tiennent à se rassembler encore quatre fois par an. Le reste du temps, ils se saluent dans le jardin, s’entraident, entretiennent les parties communes. En bientôt trente ans, un seul couple est parti, après un divorce. Les nouveaux propriétaires sont plus jeunes et ne cherchent pas à s’intégrer, comme s’ils avaient acheté dans une copropriété classique. Annie redoute qu’à terme, quand les maisons à étages seront devenues impraticables pour des personnes vieillissantes, « ce lieu ne perde son âme ». Pour retarder l’échéance, les habitants ont réfléchi à faire occuper le studio commun par une infirmière. L’Habitat n’a pas fini de mûrir. —


La vie en communauté, l’expérience parallèle !

Ne croyez pas que l’envie de se reconnecter à la nature, à l’autre, ou à son moi profond, n’a pas survécu avec le changement de millénaire. Aujourd’hui, des dizaines de communautés existent en France. Issues des milieux écologistes ou libertaires, elles fonctionnent sur le même modèle : contribution de chacun à la vie de tous par le travail de la terre, l’entretien des lieux, la mise en commun des ressources – des revenus notamment –, et le respect de règles de vie en collectivité (repas) comme de vie intérieure (méditation, prière). Beaucoup de ces lieux sont ouverts au woofing (travail bénévole dans une ferme en échange du gîte et du couvert) et possèdent un dortoir collectif ouvert aux personnes de passage. Confort non garanti ! —

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