Banlieue de Los Angeles. Nous débarquons un matin à Garbage Mountain : une décharge gigantesque. Au total, 152 m d’immondices ensevelies sous 682 hectares de terrain pentu et verdoyant. « C’est l’équivalent d’un immeuble de 50 étages rempli d’ordures », illustre Basil Hewitt, l’ingénieur qui fait office de guide. Chaque jour, la décharge accueille les déchets de 5 millions de personnes.
Rats et bulldozers
Rien ne permet de déceler que nous piétinons le plus gros dépotoir au monde. Nulle odeur nauséabonde. Des routes boisées et fleuries. Au sommet de la colline, des sentiers sont même réservés aux cavaliers et randonneurs. Seul indice : la valse de camions qui grimpent vers le sommet. Entre 1200 et 1 300 bennes transitent quotidiennement. Le prix de la mise en décharge plafonne à 23 euros la tonne. Un business peu rentable pour le comté de Los Angeles. Puente Hills n’accepte que les déchets non toxiques, donc moins lucratifs.Au sommet de la colline, changement brutal de paysage. Des bulldozers tassent les ordures fraîchement déversées par les camions. Elles vont être compactées puis enfouies, rats compris, avant d’être isolées de la nappe phréatique par une série de barrières. Le méthane, gaz particulièrement toxique généré par la dégradation des détritus, est transporté via un réseau de captage dans une usine de biogaz au pied des collines. En quantité suffisante pour éclairer entre 150 000 et 170 000 foyers. « Sur une période d’un siècle, l’impact du méthane sur le réchauffement climatique est 23 fois plus important que celui du CO2 », rappelle notre guide, friand de statistiques.
Des trains de 1,5 km de long
En 2013, la décharge de Puente Hills fermera pourtant ses portes. C’est ce que stipule son contrat d’exploitation. La nature va reprendre le dessus. Les ordures des résidents du comté de Los Angeles seront à cette date transportées par train, 320 km plus loin. Au fin fond du désert, à la frontière de l’Arizona. Les objets recyclables, eux, continueront d’être triés à la Materials Recovery Facility. Cette usine de recyclage de déchets ultramoderne, inaugurée en 2005, a coûté la bagatelle de 33 millions d’euros au district sanitaire du comté.Et lorsqu’on lui demande si envoyer des tonnes de déchets dans le désert, à raison de quatre trains longs, chacun, de 1,5 km est bon pour l’environnement, Basil fait la grimace. Mais il insiste : le transport en train est plus économique et moins polluant que le transport en camion. Notre périple s’achève. Sous nos pieds la terre tremble. Un séisme de 5 degrés sur l’échelle de Richter nous secoue l’espace de quelques secondes. Pas de victimes, ni de dégâts. La Californie plonge dans la nuit et ses mille contradictions.
Photos Gilles Mingasson
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