C’est bien connu : celles et ceux qui souhaitent la candidature de Nicolas Hulot la devinent certaine. Celles et ceux qui la craignent, la pensent inutile. D’où un festival de rumeurs. Untel qui a pris un café, un taxi ou le train avec lui déclare à la presse qu’il ira… ou pas. Une précision liminaire s’impose donc : l’auteur de ses lignes n’entend pas se livrer à un exercice de voyance et ne dispose d’aucune information privilégiée sur l’état des réflexions de l’auteur du Pacte écologique. De même, la seule analyse – rationnelle - du contexte politique ne saurait suffire à forger un pronostic : ira ou ira pas ? Toute décision, surtout celle de se lancer dans une aventure aussi éprouvante, pour ne pas dire folle, qu’une campagne pour les élections présidentielles, comporte une part d’intime ou d’irrationnel que l’analyste extérieur ne peut appréhender. Risquons-nous cependant : Nicolas Hulot, non pas l’homme mais le personnage public, ne se présentera pas. Si Nicolas Hulot – l’homme – devait se présenter, le personnage public devrait s’effacer. D’où la présente thèse : Nicolas Hulot, tel que nous le croyons le connaître, ne se présentera pas. Et peut-être même qu’aucun Nicolas Hulot ne se présentera. Et peut être que ce sera encore mieux pour l’écologie et notre avenir.
Première raison : Nicolas Hulot est un excellent conseiller. Son expertise est réelle comme j’ai pu le vérifier personnellement lors des négociations du Grenelle de l’environnement, alors que j’étais porte-parole de FNE (France Nature Environnement, ndlr). Cette expertise a été mise à raison et à profit des puissants de ce pays. Excellent conseiller mais jamais encore conseillé, ce qu’il ne cessera d’être lors d’une campagne et qu’il devra se résoudre à être. Un candidat a besoin de la logistique d’un parti, de militants et de leurs cadres, même pour une élection aussi personnifiée que la présidentielle. C’est aussi enfoncer une porte ouverte que de penser que cet homme qui a toujours refusé d’être au centre de la mêlée sera peu à l’aise à cette place ci. Un ancien membre du gouvernement me confiait récemment : « heureusement, il a un instinct de survie ».
Deuxième raison : Nicolas Hulot n’est ni de droite ni de gauche. Certains lui reprocheront TF1 ou l’Oréal – à tort – et rappelleront ses dialogues avec Jacques Chirac (l’ancien), Nicolas Sarkozy (l’actuel) ou Nathalie Kosciusko-Morizet (la future) pour le cataloguer définitivement à droite. D’autres disserteront sur la place de la décroissance dans son film « Le syndrome du Titanic », son amitié pour Jean-Paul Besset et sa critique de la société de consommation pour conclure tout aussi définitivement que l’animateur d’Ushuaia est de gauche. Je formule plutôt l’hypothèse que Nicolas Hulot est au-delà de ce clivage et, comme beaucoup de Français, serait capable d’apprécier les qualités d’un homme ou d’une femme de droite et/ou de gauche. Ce qui faisait aussi la force et l’audience de l’auteur du Pacte écologique dont les mots ont touché et souvent convaincu des milliers de personnes, justement lassées des discours partisans, des renvois de patates chaudes et de la sinistrose ambiante. Or, Nicolas Hulot, s’il se présente aux primaires d’Europe Ecologie Les Verts, sera demain qualifié d’homme de gauche. Une partie de la gauche lui fera un procès très dur en légitimité, l’attaquera sur les financements de sa fondation, lui reprochera TF1 et le Grenelle… L’autre partie tentera de s’en servir de caution et lui… souffrira.
Troisième raison : l’homme du Pacte écologique à 700 000 signatures est sans doute plus utile que ne le serait le candidat à 5%. La présentation du Pacte a été un moment clé de l’histoire écologique de ce pays. Un moment de consensus aussi. Elle a été la prémisse indispensable de l’organisation du Grenelle de l’environnement et a permis ainsi que l’environnement soit désormais considéré comme un sujet sérieux. Elle a démontré qu’une candidature n’est pas le seul moyen, loin s’en faut, de peser sur les débats d’idées lors d’une élection généralement centrée sur des personnalités. Aucun doute : Nicolas Hulot aura les soutiens et les idées nécessaires pour peser de nouveau en 2012. Certes, la présentation de sa candidature lui donnera des micros et des caméras – en a-t-il besoin ? – mais le réduira aussi et limitera son audience.
Quatrième raison : l’écologie ne sera pas débattue en 2012 comme en 2007. Une candidature de Nicolas Hulot en 2012 ne ressemblera donc en rien à celle qu’elle aurait pu être en 2007. Concrètement, il est probable que l’écologie ne sera pas débattue comme un thème à part mais plutôt au travers de tous les autres sujets de débat, de la santé aux transports en passant par l’agriculture, la fiscalité et l’énergie. Or, le candidat Hulot risque fort d’être cantonné, par et pour beaucoup, à l’écologie dans son acception ancienne, comme un item à part et non comme le socle de toute politique publique. D’où le risque d’une efficacité moindre du discours du candidat qui pourrait être réduit à celui d’un seul témoignage. Le risque vaut-il la peine d’être couru ?
Une chose est certaine : Nicolas Hulot jouera un rôle en 2012. Nul ne sait encore lequel et peut être lui-même non plus. Pour une raison au moins : le décor n’est pas encore planté, les concurrents pas encore sélectionnés. Mais le Nicolas Hulot que nous connaissons ne sera pas candidat : tant mieux.
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