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La dosette Nespresso à la loupe
mercredi, 7 avril 2010 / Emmanuelle Vibert

Au pays du roi du café en capsule, tout n’est que luxe, calme, volupté… et aluminium. Facilement recyclable, ce métal n’était pourtant jusqu’ici pas récupéré en France, alors que la concurrence pointe, telle Maison du café avec ses capsules plastiques compatibles.

Attention, la concurrence déboule. Malgré un monopole matraqué à coups de brevets – 1 700 au total –, l’empire Nespresso est sur la défensive. Des dosettes compatibles avec les machines de la filiale de Nestlé et estampillées Maison du Café ont envahi les rayons des supermarchés ce mercredi 7 avril. Et en mai, ce sera au tour de Casino, via la société Ethical Coffee Company, de faire une entrée fracassante sur ce marché serré. Avec deux promesses : des capsules 20 % moins chères que les originales et un emballage biodégradable en amidon de maïs.

Les deux concurrents se lancent à l’assaut d’un marché juteux. Nespresso, c’est 1,9 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans 50 pays en 2009 et une croissance moyenne de 30 % par an depuis 2000. Pour combien de capsules ? Silence radio. Mais l’équation est simple. Puisque 90 % du chiffre d’affaires est réalisé avec les capsules et que la dosette coûte en moyenne 0,35 euro, votre calculette devrait donner le même résultat que la nôtre : environ 4,8 milliards d’unités vendues l’an passé.

Des grains polyglottes

Le berceau de cette superproduction est situé en Suisse. Le café qui y débarque est polyglotte. Costa Rica, Kenya, Tanzanie… les grains accostent au port belge d’Anvers, puis rejoignent par le rail les deux usines helvétiques de la marque, pour se faire encapsuler dans de l’aluminium recyclé à 80 %. Calcul de coin de table : à raison d’un gramme par capsule, 4 800 tonnes d’aluminium ont été utilisées en 2009. « C’est le seul métal capable de protéger intégralement les 900 arômes de nos cafés de l’oxygène et de la lumière », justifie Arnaud Deschamps, directeur général de Nespresso pour la France.

Le café file ensuite découvrir le vaste monde par bateau, train ou camion. En France, un tiers des clients viennent s’approvisionner dans l’une des 19 boutiques officielles. Les autres reçoivent leur dose par La Poste ou les points de dépôt Mondial Relay (les mêmes que ceux de La Redoute, ndlr). A Paris et aux alentours, certaines capsules s’offrent même le luxe d’un coursier avec véhicule électrique depuis 2009.

Mais pour les écolos, la success story a des airs d’hérésie : qui dit portions individuelles dit suremballage, aluminium égale production énergivore et vente à distance signifie émissions de CO2… La société Bodum se frotte les mains. Fabricant de cafetières manuelles à piston, la marque vient de dégainer une étude réalisée par une agence allemande qui compare l’impact environnemental des différentes machines à café. Et qui possède le « potentiel de réchauffement climatique » le plus faible ? La cafetière à piston, bravo ! Et le plus fort ? La machine à capsules.

3 engagements, 1 néologisme

Des attaques auxquelles Nespresso a répondu l’an passé par le mot « Ecolaboration ». Derrière le néologisme finement marketé, 3 engagements ont été affichés pour 2013 : 80 % du café proviendra d’exploitations certifiées par l’ONG Rainforest Alliance, l’empreinte carbone de chaque tasse de café sera amaigrie de 20 % et un système de recyclage des capsules sera à même de traiter 75 % de la production.

En théorie, le recyclage de l’aluminium est une évidence : il peut se faire à l’infini et permet de diminuer les rejets de CO2 : 6,89 tonnes équivalent CO2 en moins par tonne recyclé, selon Eco-Emballages. Seulement en France, question récup, Nespresso n’a pas la tâche facile. Nos centres de tri ne savent pas traiter les éléments plus petits qu’un pot de yaourt. Alors pour atteindre son objectif, le marchand de café a lancé une expérience pilote dans le Var et les Alpes-Maritimes. Il a équipé deux centres de tri de machines capables de récupérer les petites pièces de métal, aluminium ou autres. En cas de succès, le principe sera étendu au reste du pays.

En attendant, 1 000 points de collecte ont été mis en place. Ils seront 2 500 fin 2010 : boutiques officielles, Mondial Relay, déchèteries. « Il n’y a pas de nouveau flux logistique créé », assure Arnaud Deschamps. Café et alu sont séparés et revendus – le premier servira à préparer du compost. Les clients joueront-ils le jeu ? Et si, dans la prochaine publicité Nespresso, George Clooney allait au centre de tri ?


RECYCLAGE : POURQUOI C’EST MIEUX AILLEURS

En Suisse. Un quart des ménages helvétiques possède la même machine à café que mister George. C’est le deuxième marché après la France. Mais quand les Suisses aiment, ils trient. La preuve, 60 % des capsules sont récupérées via 2 000 points de collecte, mis en place par Nespresso, dans des boutiques, des centres commerciaux, des déchèteries… Elles sont ensuite recyclées par deux sociétés à Lausanne et à Genève.

En Allemagne. Outre-Rhin, c’est très simple : tous les centres de tri sont équipés pour collecter les petites pièces de métal. 76 % des déchets ménagers en aluminium y sont recyclés. Aussi, Nespresso se contente de cotiser, comme les autres industriels, à Dual System, le programme qui collecte, trie et valorise les emballages.

SENSEO, LA DOSETTE VEDETTE DES HYPERS

Sur le marché des unidoses, Senseo fait, elle aussi, un tabac. La dosette souple, issue du mariage entre Philips (côté machine) et le géant Sara Lee (derrière la marque Maison du Café notamment), détient 40 % du marché – en volume – des grandes surfaces de l’Hexagone. Là encore, le café vient du monde entier pour débarquer dans deux usines, l’une aux Pays-Bas, l’autre en Belgique qui fournit essentiellement la France. Pas d’aluminium pour protéger les saveurs, mais du papier, le même que celui utilisé pour les sachets de thé. Biodégradable ou à mêler au compost.

- Le recyclage de l’aluminium selon l’organisme Eco-Emballages
- Le site sur la démarche « durable » de Nespresso, avec la liste des points de dépôt des capsules
- Illustration : Simon Astié