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Peut-on encore manger du thon ? (et si oui lequel ?)
mercredi, 17 mars 2010 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Le sort du thon rouge est depuis ce week-end entre les mains des pays membres de la CITES, qui discutent d’une interdiction de son commerce international. Mais les autres espèces sont-elles à l’abri de notre appétit vorace ?

Vu de l’Hexagone, le feuilleton du thon rouge est surtout une affaire de pêcheurs. Le poisson ne fait en effet pas exactement partie de notre menu typique, et la diminution du stock s’expliquerait plutôt par la gourmandise des Japonais, qui voient dans sa chair la Roll’s des sushis. De quoi donner une bonne conscience au consommateur français. Sauf qu’il engloutit 215 860 tonnes de thon en moyenne par an, en majorité sous forme de conserves, ce qui en fait le premier produit de la mer dans notre assiette. En se focalisant sur le thon rouge, rebaptisé "panda des mers", ne perd-on pas de vue les risques que courent les autres espèces ? Pas simple d’y répondre.

Stocks et méthodes de pêche

Première difficulté : les thons se divisent en plusieurs stocks indépendants à l’intérieur des différents océans où ils sont présents. Inutile donc de raisonner par espèces. La gestion de la ressource est d’ailleurs la plupart du temps confiée à des organisations régionales, comme l’ICCAT [1], chargée entre autres du stock de thon rouge de Méditerranée et de l’Atlantique Nord.

Problème : si votre poissonnier peut parfois vous renseigner sur l’origine du merlu et l’âge du capitaine, les boîtes de conserve et autres salades des rayons des supermarchés, qui constituent la grande majorité de la consommation de thon, sont plutôt muettes sur le sujet. Une bonne raison de plus de renouer le contact avec le commerçant du coin et de se tourner vers du poisson frais.

Autre indication absente des étiquettes : les méthodes de pêche. Le chalut pélagique remonte par exemple dans ses filets 35% de prises accessoires (requins, mammifères marins, oiseaux, poissons trop petits ou de faible valeur). Et les objets flottants artificiels mis en place pour attirer les thons font des ravages chez les jeunes, affaiblissant d’autant leur capacité de reproduction. Ce critère est cependant pris en compte pour les labels comme le MSC [2]. Mais il n’y a pas l’embarras du choix dans ce domaine...

Le jeu des 5 familles

Faisons maintenant le tour des cinq thons commercialisés à grande échelle. Les noms latins ne sont pas de trop pour s’y retrouver, car dans la famille thon on aime bien les surnoms. On passera rapidement sur le thon rouge (thunnus thynnus), qui est le plus gros et le plus rare d’entre eux : à proscrire.

Thunnus obesus

Malgré son nom, le thon obèse rivalise difficilement question poids avec le thon rouge. Aussi appelé patudo, il est surtout consommé en conserve, mais commence à percer en poissonnerie en remplacement de son grand frère. Dans le Pacifique Centre et Ouest, il est victime de surpêche et le stock est déjà en-dessous du niveau nécessaire pour garantir l’état de la ressource sur le long terme. Dans l’Océan Indien, les prises flirtent avec la limite acceptable et les jeunes sont affectés par les objets flottants artificiels destinés à la pêche au listao.

Katsuwonus pelamis

Le listao, c’est le plus pêché de la famille avec 2 millions de tonnes par an. Aussi affublé du sobriquet de "bonite à ventre rayé", il encaisse relativement bien des niveaux élevés de prises grâce à sa vigueur de reproduction. Ainsi, dans le Pacifique, première zone de pêche, le stock est en parfaite santé. Idem pour l’Atlantique. Dans l’Océan Indien, les premiers signes appelant à la vigilance commencent cependant à apparaître.

Thunnus albacares

Sous l’appellation thon rouge, des petits malins du Yémen et du Sri Lanka essayent parfois de refourguer de l’albacore, surnommé yellowfin par les anglo-saxons pour ses nageoires jaunes. Ce qui donne parfois "thon jaune" en français. La situation du stock est limite dans l’Atlantique et il commence à chuter dans l’Océan Indien. Les voyants sont au vert dans le Pacifique.

Thunnus alalunga

Connu sous le nom de thon blanc, le thon germon est, tenez vous bien, appelé albacore par les anglo-saxons... Après une chute dramatique à 30% de son niveau pré-industriel, le stock de l’Atlantique Nord est toujours fragile. Si les prises se maintiennent, les stocks de l’Atlantique Sud et de l’Océan Indien devraient être à l’abri. Encore une fois, les pêcheurs du Pacifique semblent exploiter durablement la ressource. Depuis 2008, un industriel breton importe d’ailleurs une partie des 4 000 tonnes de germon pêchées par une association de pêcheurs à la canne de San Diego (Californie) labelisée MSC.

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