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Thermographie : la chasse au gaspi d’énergie est ouverte
mercredi, 2 décembre 2009 / Hélène Duvigneau

Apparue dans les années 1960, la thermographie connait depuis quelques années un regain de popularité lié à l’enjeu climatique. A partir d’images thermiques, elle permet de localiser les déperditions de chaleur d’un bâtiment, première étape pour faire fondre sa facture énergétique.

Encore largement réservée aux collectivités, la thermographie tend à se démocratiser à mesure qu’augmente l’enjeu de la performance énergétique. Aujourd’hui, le grand public n’ignore plus l’existence des images thermiques des bâtiments, couleur arc-en-ciel. Mais peu de gens ont recours aux services d’un thermographe, par peur de l’arnaque ou d’être obligés de casser leur tirelire. L’enjeu est de taille : en France, le secteur du bâtiment est le plus énergivore (43%), devant les transports (32%). A lui seul, le logement représente le quart des émissions carbone de l’hexagone.

Dans une chaumière classique, c’est par la toiture qu’arrive en principe le mal, puisque c’est elle qui enregistre le plus de déperdition, 30% en moyenne. C’est là qu’intervient la technique de la thermographie aérienne à rayonnement infrarouge. En transformant en carte cette déperdition de chaleur, la thermographie fait figure d’outil de cost-killing énergétique. « Il s’agit de cartographier à distance les températures de surface au niveau des toits grâce à une caméra thermique embarquée à bord d’un avion ou d’un hélicoptère et qui enregistre les rayonnements émis », explique Dominique Pajani, l’un des pionniers en France, qui a fondé en septembre une association professionnelle, l’Institut de Thermographie. Les images mettent en évidence les faibles écarts de température, donc les anomalies éventuelles des bâtiments.

Bâtiments dans le rouge

Mais attention, pour être valable, la prise de vue doit être effectuée dans des conditions météorologiques bien particulières. La Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) a réalisé par exemple une opération de thermographie en février. « La prise de vue doit s’effectuer entre 500 et 1000 m d’altitude, par temps sec, en l’absence de nuages et de vent, et par une température extérieure inférieure à 5 degrés », précise Xavier Binet, conseiller info énergie à la CUB. Au total, 12 000 images ont été prises puis traitées pour aboutir à une cartographie cadastrale disponible sur Internet. L’échelle des couleurs s’échelonne du rouge au bleu pour mieux différencier les écarts de température. « Le rouge montre que le bâtiment est déperditif ou trop chauffé, tandis que le bleu indique que le bâtiment est froid, c’est-à-dire soit bien isolé, soit inhabité soit encore que la température mesurée a été faussée du fait par exemple d’une surface métallique. » Une fois l’image interprétée, les conseillers suggèrent des travaux à effectuer en priorité, sachant qu’un degré en moins équivaut à une économie de 7% d’énergie.

Mais attention, les cartes thermiques ne sont pas un diagnostic en soi, mais un outil de diagnostic qu’un thermographe peut ensuite traduire en estimation du niveau de déperdition du bâtiment. La thermographie peut aussi servir d’outil de sensibilisation de la population. C’est dans ce but que la communauté urbaine de Dunkerque s’est lancée dans une telle opération en 2004. Budget total : 200 000 €, dont 50 000 € financés directement par la CUD, soit 1 € par habitant. « Il ne s’agissait en aucun cas de faire du diagnostic dans la mesure où les conditions météo (humidité, vent) ne permettent pas des mesures précises, souligne Arnaud Duquénoy, chef du service utilisation rationnelle de l’énergie à la CUD. Nous voulions par contre sensibiliser la population au sujet de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, et inciter les gens à isoler leurs logements. » Sur 80 000 foyers, 10 000 ont fait établir un diagnostic et 1 500 ont réalisé des travaux, financés à hauteur de 20% par la CUD.

Gare aux arnaques

Reste que si le marché des caméras et des diagnostics thermiques est en train d’exploser, avec plusieurs milliers de caméras vendues par an contre quelques centaines dans les années 1980. La profession n’est pas encore réglementée, ce qui peut entrainer certains abus. « Beaucoup de gens veulent faire des travaux mais beaucoup ont aussi peur de passer à l’acte et de se faire avoir", souligne Xavier Binet. C’est contre les abus que Dominique Pajani entend lutter avec la création de son association de défense des consommateurs. Cette dernière a pour vocation d’orienter la population, puisqu’il n’existe pas encore de certification ni de formation qualifiante officielle en France.

Mais Dominique Pajani a bon espoir d’annoncer prochainement la création d’un examen de contrôle des thermographes. « Le boulanger ne peut exercer sous ce nom que s’il dispose d’un CAP de boulangerie. Il n’existe pas de certificat d’aptitude professionnelle en thermographie. Il est donc naturel d’y rencontrer tout et rien », lit-on sur son site. Gare aux diagnostics qui mènent à des devis d’isolation de 200 000 € (!). On s’en serait douté. Mais les devis les moins chers ne sont pas non plus toujours les plus fiables. Alors prudence...

- Le site de l’Association des thermographes professionnels
- La CUB
- Crédit photo : Institut de la Thermographie. "Les trois pavillons". Cette image thermique est prise avec une caméra thermique portable haut de gamme en une seule prise de vue, sans assemblage d’images.


AUTRES IMAGES

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