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L’habitat groupé : une pratique en construction
mardi, 27 octobre 2009 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Sans passer par des promoteurs, de plus en plus de particuliers s’associent pour dessiner leurs logements à la carte et créer des espaces de vie collective. Le point sur cette tendance avec Stefan Singer, gérant de Toits de choix, une jeune société qui accompagne plusieurs projets dans le Sud de la France.

Terra eco : où en est l’habitat groupé en France ?

Stefan Singer : "Après un mouvement initial dans les années 80, où environ 200 expériences ont été menés à terme, il ne s’est pas passé grand chose pendant 15 ans. Depuis quelques années, il y a un nouveau mouvement avec des premiers bâtiments qui sortent de terre, comme celui d’Ecologis à Strasbourg. La ville est devenue extrêmement enthousiaste et propose une dizaine de parcelles pour des groupes en autopromotion. Lyon, Rennes, Paris passent des deals avec des groupes. Dans le grand Sud, Toits de choix suit un projet dans les Bouches-du-Rhône, deux dans le Gard, le Vaucluse, l’Hérault. Il y a aussi des initiatives dans le Var et sur la côte d’Azur... Ça se multiplie. C’est très difficile de faire un recensement, mais je pense qu’on en compte au total une cinquantaine à divers stades."

Pourquoi ce regain d’intérêt ?

"Après les années 80, le conventionnel avait repris le dessus, car c’est quand même agréable d’être consommateur, de ne pas décider, cela libère des responsabilités. Je pense que c’est donc l’expression d’un malaise par rapport à ce système de délégation, l’envie de devenir acteur de son propre destin qui explique ce regain d’intérêt pour l’habitat groupé en autopromotion ? C’est un peu le phénomène des Amap appliqué au logement, qui est quand même un élément fondamental de notre vie. Ensuite, les gens avancent différentes raisons. La porte d’entrée commune, c’est l’environnement : tout le monde est d’accord pour construire un bâtiment écologique. Mais la motivation principale, c’est le désir d’un autre cadre de vie, autour d’un voisinage actif, des personnes que l’on connaît et avec qui on peut développer des comportements plus responsables et plus solidaires. On a des personnes qui se situent un peu avant la retraite et qui ont peur de vieillir seul, ou des jeunes couples qui se préoccupent de l’endroit où leurs enfants vont grandir."

Quel recul a-t-on sur cette pratique ?

"On a les exemples des projets des années 80, comme celui de la fonderie de Vanves, où vivent 30 personnes. En 23 ans, aucune n’est partie. Et au Danemark, 5% de la population vit aujourd’hui en habitat groupé, avec parfois des projets de 200 personnes avec des cantines et un niveau d’organisation issu de 50 ans d’expérience. En Allemagne, cela n’existait pas il y a 15 ans et dans une ville comme Hambourg, cela représente maintenant 15 à 20% des logements neufs."

Quels sont les freins ?

"Tout d’abord, l’absence de référence récente, d’où l’importance de la réussite d’opérations pilotes comme Strasbourg pour permettre que cette alternative puisse essaimer. Car il y a un manque de visibilité et de reconnaissance du modèle au niveau des autres acteurs, notamment les élus. Il faut que les collectivités, notamment celles qui s’engagent dans des éco-quartiers, comprennent qu’elles ont intérêt à provoquer ce type de projets. Par ailleurs, et c’est l’un des enjeux à moyen terme, il n’existe aucune forme juridique spécifique, la coopérative d’habitants ayant été supprimée en 1971. Enfin, il manque surtout des structures d’accompagnements."

C’est le rôle de Toits de Choix ?

"Il faut distinguer associations et professionnels. Le développement des premières est très important. Elles peuvent être des plates-formes pour les particuliers afin qu’ils précisent leur projets et trouvent des personnes qui ont les mêmes attentes. Mais il faut aussi créer un nouveau métier d’assistance à la maîtrise d’ouvrage. Après tout, pourquoi les élus feraient-ils confiance à une bande de citoyens qui prétend construire un immeuble de trois étages !? C’est l’objectif de Toits de Choix : aider au montage juridique et financier du projet et aux études de faisabilité pour convaincre qu’il est aussi solide que celui d’un promoteur conventionnel. Cela rassure aussi les particuliers qui ont le désir mais pas les compétences. L’un des enjeux d’avenir sera de créer une structure de liaison au niveau national. Des discussions sont en cours dans ce sens entre les acteurs."

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